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Les ministres des Finances posent pour une photo de groupe lors de la réunion du G7 Finances à Lancaster House à Londres, au Royaume-Uni.
La question du taux minimum mondial d’imposition des sociétés proposé par les États-Unis a dominé la réunion de deux jours des responsables financiers et économiques des pays du G7.Photo : Reuters / Henry Nicholls

Agence France-Presse

Les ministres des Finances du G7 ont annoncé samedi un « accord historique » sur un impôt mondial minimum et une meilleure répartition des recettes fiscales provenant des multinationales, particulièrement les géants du numérique, à l’issue d’une réunion de deux jours à Londres.

Le G7 s’est engagé sur l’objectif d’un taux d’impôt minimal mondial sur les sociétés d’au moins 15 %, d’après leur déclaration commune, qui mentionne aussi l’engagement envers une meilleure répartition des droits d’imposer les bénéfices des grandes multinationales.

Cet accord du groupe des sept grandes puissances a été qualifié « d’historique » et de « moment de fierté » par le ministre des Finances du Royaume-Uni, Rishi Sunak, qui présidait la rencontre en tant que pays organisateur du G7.

Les grandes puissances du G7 (Royaume-Uni, France, Italie Canada, Japon, Allemagne, États-Unis), profitant d’un regain d’intérêt de l’administration américaine sur la question depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, veulent ainsi parvenir à une réforme mondiale de l’impôt sur les sociétés dans l’esprit des travaux engagés au sein de l’OCDE . Elle vise largement les grandes entreprises de la technologie, souvent américaines, qui paient des impôts dérisoires malgré des profits de dizaines voire centaines de milliards de dollars, en se domiciliant dans des pays où le taux d’impôt sur les sociétés est très faible, voire nul.

Les entreprises multinationales doivent payer leur juste part d’impôt et le G7 met de l’avant une voie à suivre pour y arriver. C’est une bonne nouvelle pour les Canadiens et les entreprises canadiennes, qui assurera que les règles du jeu de l’économie mondiale soient équitables.

Chrystia Freeland, ministre des Finances du Canada

L’accord au G7 Finances « est un premier pas et le mois prochain nous avons un G20 des ministres des Finances pour faire de plus amples progrès« , a également précisé M. Sunak, estimant que le compromis obtenu samedi va permettre « d’injecter de l’équité dans notre système de taxation planétaire« .

Réforme de la fiscalité

Les ministres des Finances se sont rangés derrière une réforme de la fiscalité qui s’appuie sur deux piliers distincts.

Le premier volet définit les modalités de taxation des bénéfices des entreprises pour une répartition plus juste des recettes fiscales.

L’objectif est donc de taxer les multinationales là où elles réalisent leurs bénéfices et non plus seulement là où elles sont enregistrées, souvent dans des pays à la faible pression fiscale. La mesure s’appliquera aux entreprises internationales qui réalisent au moins 10 % de marge bénéficiaire. L’accord prévoit qu’au-dessus de ce seuil, 20 % des bénéfices réalisés soient taxés dans les pays où le groupe opère.

Le deuxième volet prévoit un taux minimum mondial de l’impôt sur les sociétés d’au moins 15 %, afin de créer des règles du jeu communes et d’éviter une trop grande concurrence fiscale.

Le géant américain des réseaux sociaux Facebook a d’ailleurs assuré samedi vouloir que « cette réforme fiscale internationale réussisse« . Nick Clegg, directeur des affaires publiques du groupe, a notamment reconnu sur Twitter que « cela pourrait signifier que Facebook paye plus d’impôts et dans différents endroits« .

Renflouer les caisses

Les pays du G7 veulent mettre fin à une concurrence fiscale dans le monde qui, selon eux, nuisent à tous à l’heure où les caisses des États ont été vidées par la pandémie, tandis que les géants du numérique ont particulièrement bénéficié de la crise.

Il s’agit d’une très bonne nouvelle pour la justice et la solidarité fiscales, et une mauvaise nouvelle pour les paradis fiscaux du monde entier. Les entreprises ne pourront plus se soustraire à leurs obligations fiscales en transférant astucieusement leurs bénéfices vers des pays à faible fiscalité.

Olaf Scholz, ministre des Finances allemand

L’administration américaine avait d’abord évoqué un taux d’impôt mondial sur les sociétés de 21 % avant de se raviser pour 15 %, un niveau que la France considérait comme « un minimum« , « un point de départ« .

« Nous voulons avec nos partenaires du G7, du G20 et de l’OCDE essayer d’avoir un taux plus ambitieux« , avait notamment rappelé le ministre français des Finances Bruno Le Maire vendredi, à Londres. Pour le ministre français, la crise actuelle montre notamment que » l’évasion fiscale, la course vers le niveau de taxation le plus bas possible constituent une impasse« .

Plusieurs pays dont la France, le Royaume-Uni, l’Italie ou l’Espagne ont déjà mis en oeuvre leur propre taxe numérique en attendant, et les discussions avec les États-Unis portaient aussi sur le calendrier du retrait de ces mesures nationales à la faveur de la réforme internationale.

« C’est quelque chose dont nous parlions depuis près d’une décennie et pour la première fois aujourd’hui, nous avons un accord sur les principes tangibles de ce à quoi cette réforme devrait ressembler. Et c’est un énorme progrès« , a insisté Rishi Sunak.

Il admet toutefois que « nous devons encore aller au G20 et trouver un accord avec un groupe plus large de pays, donc il est difficile de dire quand un accord final sera obtenu« , a-t-il cependant tempéré.

Un taux largement insuffisant

Pour l’ONG Oxfam, il était temps que certaines des économies les plus puissantes du monde forcent les multinationales, y compris les géants de la tech et de la pharmacie, à payer leur juste part d’impôts, bien qu’un taux à 15 % leur paraisse « largement insuffisant« .

Fixer un taux minimal mondial d’impôts sur les sociétés de seulement 15 % est bien trop bas. Cela fera peu pour mettre fin à une dangereuse course vers le bas sur l’impôt des sociétés et au vaste recours aux paradis fiscaux.

Gabriela Bucher, porte-parole d’Oxfam

En effet, la plupart des acteurs savent qu’il leur faudra rallier les pays du G20 puis les presque 140 pays qui travaillent sur le projet de réforme fiscale dans le giron de l’OCDE.

Ce cheminement devrait durer plusieurs années encore. Le défi sera notamment de convaincre des pays qui ont bâti leur économie sur des taux d’impôt sur les sociétés particulièrement bas à l’instar de l’Irlande (12,5 %), qui a ainsi attiré le siège social européen de nombreuses multinationales, surtout dans la technologie et la pharmacie, et souvent américaines.

Leur activité pèse très fortement dans le PIB irlandais : il a ainsi bondi de 7,8 % au premier trimestre grâce à ces entreprises, alors que sans elles, il aurait reculé de 1 % à cause des restrictions sanitaires.

L’Union européenne devra donc trouver le moyen d’accompagner des pays comme l’Irlande à trouver un autre modèle économique.

D’autres défis : pandémie et climat

Le G7 Finances soutient également le projet de rendre obligatoire la publication par les entreprises de leurs risques climatiques. Il s’agit d’un outil clé dans la transition énergétique, qui doit permettre aux investisseurs d’y voir plus clair au moment de financer des grands groupes. Un accord plus large peut être espéré pour la COP26 sur le climat en fin d’année, à Glasgow.

Les ministres des Finances du G7 sont également en faveur d’un ajustement des règles comptables mondiales pour harmoniser la publication de ces risques liés au climat.

Enfin, ils saluent la mise en place prochaine d’un groupe de travail visant à encourager par les entreprises la publication de leur impact plus seulement sur le climat, mais sur la nature également.

Le G7 se dit également déterminé à aider les pays les plus vulnérables à se relever de la crise sanitaire. Il a donné son aval à la nouvelle allocation de droits de tirage spéciaux de 650 milliards de dollars du FMI, la première depuis celle décidée au lendemain de la crise financière de 2008. Celle-ci permettra d’augmenter les capacités de prêts du FMI.

Les ministres ont également salué les efforts de la Banque mondiale pour améliorer l’accès des pays pauvres aux vaccins. Une fois la reprise bien en marche, ils entendent veiller à remettre en ordre les finances publiques, afin d’être capables de répondre à de nouvelles crises, peut-on lire dans leur communiqué publié samedi. La sortie de la pandémie ne pourra passer, selon eux, que par « le déploiement massif des vaccins et des tests à l’échelle mondiale« .

Les ministres de la Santé du G7 se sont déjà engagés vendredi à partager les doses avec les pays en voie de développement par l’entremise du dispositif international COVAX.