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Au cours du dernier millénaire, l’Afghanistan est le seul pays au monde qui n’a jamais accepté une tutelle étrangère . Il a toujours défait ceux qui ont tenté de l’occuper ou le soumettre. Avis aux amateurs…

Ce pays d’Asie centrale un peu plus vaste que la France (650 000 km2), est enclavé dans des montagnes austères, avec un climat continental (sec, très chaud en été, très froid en hiver).
L’Afghanistan est surtout peuplé d’éleveurs nomades et l’on y recense une quinzaine de langues et de cultures, la langue pachtoune étant dominante (38 millions d’habitants en 2020).
À noter, en marge des principales communautés du pays, les Hazaras aux yeux bridés, qui prétendent descendre des guerriers de Gengis Khan le conquérant mongol.
L’islam s’impose
L’Afghanistan, que les Grecs nommaient Bactriane, du nom de Bactres, ou Bakhr, une cité aujourd’hui en ruines, avait été annexé à la Perse par Darius Ier vers 500 av. J.-C., puis conquis comme le reste de la Perse par Alexandre le Grand (329-327 av. J.-C.). Après les Séleucides et les Parthes, la région fut disputée tout à tour par des tribus hindoues puis perses, arabes et turques.
Convertis à l’islam, les Afghans furent entraînés par Mohammed de Ghor à la conquête de l’Inde du nord. Ils fondèrent le sultanat de Delhi au XIIIe siècle. Au XVIe siècle, Babur chah, lointain descendant de Tamerlan, établit sa capitale à Kaboul et se taille un royaume dans le nord de l’Inde, d’où naîtra la puissante dynastie des sultans moghols.
En Afghanistan même, en 1747, un chef de tribu, Ahmed chah, se proclame roi (ouchah) et fonde la dynastie Durrani. Il va porter des coups violents à l’empire moghol des Indes, facilitant ainsi à son insu la colonisation du sous-continent par les Anglais.
Intrusions européennes
La Compagnie anglaise des Indes orientales tente imprudemment d’établir son protectorat sur l’Afghanistan, en lequel elle voit une menace pour sa colonie des Indes. Cela vaut aux Anglais l’une des plus cruelles défaites de leur histoire avec l’extermination d’une armée entière.
Soucieux de neutraliser le glacis qui sépare les Indes de l’empire russe, le gouvernement anglais signe avec les Afghans le traité de Gandamak du 26 mai 1879, par lequel Kaboul concède à Londres la surveillance de la passe stratégique de Khyber et un droit de regard sur sa politique étrangère. Maîtres chez eux, les Afghans renoncent à s’immixer dans les rivalités entre grandes puissances. C’est une attitude qu’ils conserveront au XXe siècle pendant la « guerre froide » entre URSS et États-Unis.
L’émir Amanullah relève à son profit le titre de roi et tente de moderniser le pays à la manière du Turc Moustafa Kémal. Mal lui en prend et il est déposé en 1929 suite à un soulèvement des religieux musulmans.
Un général, Nadir chah, s’empare du pouvoir et de la couronne mais il est assassiné en 1933 et remplacé sur le trône par son fils Mohammed Zahir chah. Le général Mohammed Daoud chah, cousin et beau-frère du roi, dirige le gouvernement de 1953 à 1963. Éliminé, il prend sa revanche 10 ans plus tard, en renversant la monarchie et en instaurant la République le 17 juillet 1973. Il sera lui-même assassiné par des opposants, avec la complicité des Soviétiques, le 27 avril 1978.
Le coeur du Monde ?
L’historien de l’Asie, René Grousset, voyait dans les soubresauts de l’Asie centrale les battements de coeur de l’Histoire universelle, du temps où les nomades huns, mongols et turcs portaient le fer aux extrémités du Vieux Monde.
À voir ce qui se passe en ce début du XXIe siècle en Afghanistan, il semblerait que cette « loi » de l’Histoire conserve une certaine pertinence !
Il faut dire que les tribus afghanes, jalouses de leur indépendance et protégées par le relief abrupt de leurs vallées, vivent dans un état de guerre quasi-permanent. Elles sont structurées pour la guerre au point de considérer la paix comme un état instable et néfaste à leur équilibre interne.
Autant dire que le projet américain de transformer ce pays en une nouvelle Suisse relevait du conte de fées. Le retrait en catimini des dernières contingents américains, en juillet 2021, en apporte la confirmation.
par Béatrice Roman-Amat
14 janvier 1761 Les Afghans écrasent les Indiens à Panipat
Le 14 janvier 1761, une grande bataille a lieu à Panipat, près de Delhi (Inde). Elle oppose les Pachtouns d’Ahmed Chah Abdali à une confédération de Marathes hindous. La victoire des premiers va consacrer l’apogée de l’Afghanistan.
Notons que c’est la troisième fois que s’affrontent en ce lieu célèbre les peuples de l’Asie du Sud, après la victoire de Tamerlan sur le sultan de Delhi en 1398 et celle de Babour Chah en 1526.
Un héros afghan
Le vainqueur de la dernière bataille de Panipat est donc Ahmed Chah Abdali. C’est un guerrier pachtoun de confession sunnite, d’une quarantaine d’années, originaire des montagnes afghanes.

Ahmed Chah a d’abord guerroyé pour le compte du souverain perse Nadir Chah. Mais ce dernier est assassiné en 1747. Profitant du retour de l’anarchie en Perse, Ahmed Chah réunit les tribus afghanes sous son autorité et s’en désigne roi.
Il fonde la dynastie Durrani, du nom de sa tribu, que l’on connaît aussi sous un nom plus ancien, Abdali. Dans la foulée, Ahmed Chah envahit une partie de la Perse, conquiert le Cachemire et pousse un raid jusqu’à Delhi, capitale de l’empire moghol des Indes.
Cet empire musulman a été fondé par le conquérant Babur chah en 1526. Deux siècles et demi plus tard, il est en pleine décrépitude.
Il ne reste plus que les Marathes pour pouvoir résister aux Afghans. Ils forment une puissante confédération de principautés hindoues au centre du sous-continent. Mais ils sont divisés et haïs de leurs voisins et alliés, qu’ils accablent d’impôts.
Pour une fois, face à Ahmed Chah, ils s’allient à leurs ennemis moghols. Cela ne les empêche d’être écrasés à Panipat. Éphémère triomphe de l’Afghanistan
Se détournant de l’Inde, Ahmed chah utilise sa victoire sur les Marathes et les Moghols pour affermir l’indépendance des tribus afghanes, tant sunnites que chiites, afin qu’elles ne soient plus comme autrefois sujettes aux attaques de la Perse ou des potentats indiens. À sa mort, en 1773, le royaume d’ Afghanistan va atteindre sa plus grande extension, du Tibet aux rives de l’océan Indien.
Sur le long terme, la victoire de Ahmed chah profite surtout à la Compagnie anglaise des Indes orientales en affaiblissant les principaux États de l’Inde qui auraient pu s’opposer à son expansion. La Compagnie poursuit la colonisation du sous-continent pour le compte des négociants britanniques.
Plus tard, l’Afghanistan va subir à son tour la pression des Britanniques… et leur donnera beaucoup de fil à retordre. Après beaucoup de vicissitudes, son indépendance sera reconnue en 1921 par la Grande-Bretagne.
André Larané