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Le chef de la diplomatie français, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé un « épisode dramatique » et une « autodestruction cynique » au Liban.

AFP
Saad Hariri abandonne. Près de neuf mois après avoir été nommé, le Premier ministre désigné au Liban a, en effet, annoncé, ce jeudi 15 juillet, qu’il renonçait à former un gouvernement, alors que le pays est confronté à la pire crise socio-économique de son histoire. Désigné Premier ministre en octobre 2020, Saad Hariri devait mettre en place une équipe censée lancer des réformes indispensables pour débloquer, notamment, des aides internationales cruciales.
Il a indiqué jeudi à la presse avoir rencontré le président Michel Aoun, qui avait réclamé des amendements à la liste du gouvernement, changements auxquels il était opposé. « Il est clair que la position [de Michel Aoun] n’a pas changé sur le sujet et que nous ne serons pas en mesure de nous mettre d’accord », a-t-il expliqué. « Je lui ai proposé plus de temps pour réfléchir et il a dit : “Nous ne pourrons pas nous mettre d’accord.” C’est pourquoi je me suis excusé de ne pas pouvoir former le gouvernement, que Dieu aide le pays », a-t-il ajouté.
Imposer une répartition « confessionnelle et partisane »
Michel Aoun et Saad Hariri ont plusieurs fois affiché leurs désaccords ces derniers mois, notamment au cours d’une passe d’armes publique en mars dernier après une énième rencontre qui avait viré aux accusations acerbes. Saad Hariri reprochait au président d’entraver la formation du gouvernement en insistant sur une « minorité de blocage » au sein de la prochaine équipe ministérielle et en cherchant à imposer une répartition « confessionnelle et partisane » des portefeuilles.
Saad Hariri, lui, réitérait son attachement à un gouvernement de technocrates, réclamé à l’international. La présidence avait démenti toute velléité de « minorité de blocage » et exprimé son « étonnement » quant aux « propos » de Saad Hariri.
« Cette autodestruction cynique qui est en cours vient d’enregistrer un nouvel épisode »
Un renoncement qui a fait réagir. C’est « un épisode dramatique de plus dans l’incapacité des responsables libanais à trouver une issue à la crise […] par rapport à la réalité économique et sociale » du pays, a déclaré, jeudi, à l’ONU le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. « Cette autodestruction cynique qui est en cours vient d’enregistrer un nouvel épisode, mais il est encore temps de se ressaisir », a estimé le ministre français. « Cela ramène les responsables politiques libanais devant leurs responsabilités », a-t-il ajouté, en déplorant que ce retrait intervienne à quelques jours de l’anniversaire de la tragédie du port de Beyrouth.
Même son de cloche pour l’ONU. « Nous regrettons que les dirigeants libanais n’aient pu parvenir à un accord sur la formation d’un nouveau gouvernement. Nous réitérons notre appel aux dirigeants politiques du pays à s’entendre rapidement sur la formation d’un nouveau gouvernement capable de relever les nombreux défis du pays », a déclaré ainsi une porte-parole de l’Organisation.
Premier anniversaire de l’explosion
Trois fois Premier ministre, Saad Hariri avait été nommé Premier ministre le 22 octobre 2020, un an après sa chute sous la pression de la rue. Le gouvernement actuel, chargé des affaires courantes, avait démissionné après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth (plus de 200 morts, des milliers de blessés) le 4 août 2020, un coup de grâce pour une population déjà à genoux. Près d’un an plus tard, les partis restent absorbés par leurs habituels marchandages dans un pays multiconfessionnel mis en coupes réglées par les barons des diverses communautés.
La gigantesque déflagration a été déclenchée par un incendie dans un entrepôt au port qui abritait des tonnes de nitrate d’ammonium stockées « sans mesures de précaution » de l’aveu même des autorités. Outre les plus de 200 morts, l’explosion a fait plus de 6 500 blessés et détruit des quartiers entiers de la capitale libanaise.