AFP
Le site d’information français Mediapart a annoncé, lundi 19 juillet, le dépôt d’une plainte auprès du procureur de la République de Paris, « au nom [du] journal, de Lénaïg Bredoux et d’Edwy Plenel », deux de ses journalistes. Des informations rapportées par Le Monde, en collaboration avec quinze autres rédactions, dévoilent que les téléphones de nombreux journalistes ont été espionnés par les services de renseignement du Maroc, à l’aide du logiciel israélien Pegasus.
« Les numéros des téléphones portables de Lénaïg Bredoux et d’Edwy Plenel [cofondateur du site] figurent parmi les dix mille que les services secrets du Maroc ont ciblés en utilisant le logiciel espion fourni par la société israélienne NSO », a confirmé Mediapart dans un article publié lundi, après que ces révélations ont été faites.
« Pendant plusieurs mois, l’appareil répressif du royaume chérifien a ainsi violé l’intimité privée de deux journalistes, porté atteinte au métier d’informer et à la liberté de la presse, volé et exploité des données personnelles et professionnelles. Aucun autre téléphone d’un membre de l’équipe de “Mediapart” n’a été espionné. »
Le logiciel Pegasus peut aspirer tout le contenu d’un téléphone sans que rien n’indique à son propriétaire qu’il a été piraté. Il a été conçu par la société israélienne NSO Group, qui le vend exclusivement aux Etats. Le consortium de médias coordonné par l’équipe de Forbidden Stories a pu consulter, avec l’appui des experts d’Amnesty International, une liste de plus de 50 000 numéros de téléphone sélectionnés comme cibles potentielles de Pegasus depuis 2016 pour le compte d’une dizaine d’Etats.
De nombreux journalistes victimes de Pegasus
Dans son article, le média d’investigation explique, détails à l’appui, comment cet espionnage de téléphones a coïncidé avec « la répression du journalisme indépendant au Maroc » et notamment à l’endroit du journaliste d’investigation Omar Radi. Pour Mediapart, le but était de chercher à « faire taire les journalistes indépendants au Maroc, en cherchant à savoir comment [ils] enquêt[aient] dans ce domaine ».
« Au-delà des suites judiciaires, il va sans dire que cette atteinte aux libertés fondamentales, menée par une puissance étrangère à l’encontre d’un journal indépendant, exige une ferme réaction des autorités françaises, qui aille au-delà d’une condamnation de principe. Nous l’attendons », ajoute le média d’investigation.
Selon l’enquête, publiée, entre autres, dans Le Monde, The Guardian et The Washington Post, de multiples journalistes et patrons de médias français figurent, parmi d’autres victimes, sur la liste des cibles de Pegasus. Les rédactions du Monde, du Canard enchaîné, du Figaro ou encore de l’Agence France-Presse et de France Télévisions sont concernées.
L’ancienne journaliste du Canard enchaîné Dominique Simonnot, aujourd’hui contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, a également annoncé son intention de porter plainte, dimanche sur Franceinfo. « C’est un véritable scandale d’écouter des journalistes. Ils ont eu accès à mes contacts, à toute notre vie privée, professionnelle », a-t-elle dénoncé.
Lundi, Le Canard enchaîné a assuré, à son tour, qu’il allait saisir la justice. « Nous allons porter plainte contre X avec constitution de partie civile », a précisé Michel Gaillard, qui préside la société d’édition du journal, ajoutant que le dossier de cette plainte était en cours de constitution.
Sur Twitter, de nombreuses figures de proue de la vie en ligne et de la sécurité informatique, parmi lesquelles le lanceur d’alerte Edward Snowden et le patron de WhatsApp, Will Cathcart, se sont émues de pareilles révélations. Le secrétaire général de Reporters sans frontières a fait part de son « dégoût » et de son « sentiment de révolte, vu l’ampleur de la surveillance et le ciblage des journalistes ».