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Renaud Brossard, Directeur Québec de la Fédération canadienne des contribuables
Signe que la vie reprend son cours, Le Journal de Montréal nous apprenait récemment que Bombardier redemandait aux gouvernements provincial et fédéral de lui verser un paquet d’argent de nos impôts.
Si le fabricant de jets privés souhaite mettre la main sur notre argent aujourd’hui, c’est pour que ses jets privés soient un peu plus verts, sans que ses richissimes clients n’aient à en payer le prix.
En fait, de l’aveu même de son PDG, les produits de Bombardier « vont être bien trop chers si on est obligés de tout amortir nous-mêmes. »
Traduction: si l’ensemble des contribuables québécois et canadiens ne couvrent pas une partie de la facture, les gens riches et célèbres ou les grandes multinationales n’achèteront pas de jets privés ici.
Pas une priorité pour les citoyens
Dans le contexte actuel, où le Québec prévoit un déficit de 10 milliards de dollars cette année, où notre système de santé est à bout de souffle et où les contribuables ont la plus grosse facture d’impôts au pays, il y a fort à parier que financer des jets privés figure assez bas dans la liste de priorités des Québécois et Québécoises.
C’est d’ailleurs important de noter que ce n’est pas la première fois que Bombardier nous coûte cher.
Au cours des cinq dernières années, c’est plus de 1,7 milliard de dollars que nous avons engloutis pour tenter de sauver l’entreprise.
Au fil des ans, les contribuables ont dépensé plus de quatre milliards de dollars pour venir en aide au manufacturier d’avions.
C’est sans compter les nombreux contrats que son ex-division transports a pu obtenir sous la menace des fermetures d’usines, tel le contrat de renouvellement des wagons du métro de Montréal.
Et cette aide n’a pas été sans effets néfastes pour l’avionneur lui-même. À chaque nouvelle subvention, nos gouvernements ont altéré la relation des hauts dirigeants avec le risque d’investissement.
En volant à la rescousse de l’entreprise à chaque mauvais investissement, on lui a envoyé comme signal que l’ensemble des contribuables étaient prêts à assumer ses risques, mais que si tout allait bien, elle pourrait en conserver les gains.
Pour faire un parallèle, imaginez que vous allez au casino et qu’à chaque fois où vous revenez sans le sou, vos voisins vous remboursent vos pertes. Bien vite, vous vous rendrez compte qu’il est mieux de miser plus sur des paris plus risqués, parce que vous n’aurez pas à assumer vos pertes quoiqu’il en soit.
Projets à haut risque
Pour Bombardier, on a pu en voir l’effet récemment. Si on a beaucoup parlé de la C Series, ce n’était pas le seul nouvel avion que Bombardier développait.
Au même moment, l’entreprise travaillait aussi sur les nouveaux jets d’affaires: le Learjet 85 (annulé en 2015) et le Global 7500.
On parle ici de trois projets à haut risque, demandant chacun énormément de ressources, faits simultanément. Pour continuer l’analogie du jeu, cela revient à jouer trois parties de poker en même temps, avec la voiture, la maison et la bague de mariage dans la mise.
Sur ce risque, voici ce que l’ex-chef de la division d’aviation commerciale de Bombardier, Gary Scott, avait à dire au Financial Post : «La C Series était un énorme défi; il est impossible d’en exagérer l’ampleur. De relever le défi du Learjet 85 et des Globals au même moment était probablement excessif.»
Et si Bombardier a payé un certain prix pour sa prise de risque, elle n’en a pas payé l’entièreté. Le 1,3 milliard de dollars que Québec a investi dans l’ex-C Series ne vaut plus que 300 millions. C’est sans compter les intérêts que nous auront à payer pour financer le prêt sans intérêt qu’Ottawa lui a accordé.
Alors que l’entreprise est en train de se rétablir et semble repartie sur la bonne voie, il est temps de la laisser voler de ses propres ailes. La première étape serait de lui refuser une nouvelle aide à nos frais. Photo Courtoisie
Renaud Brossard
Directeur Québec de la Fédération canadienne des contribuables