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AFP

A l’aéroport de Kaboul, le 23 août 2021. — © ZUMAPRESS.com

Echanges de tirs à l’aéroport, un mort

A Kaboul, la situation restait chaotique et tendue lundi autour de l’aéroport, où des milliers d’Afghans effrayés par le retour des islamistes au pouvoir attendent d’être en mesure de quitter leur pays à bord des avions affrétés par les Occidentaux. Des échanges de tirs y ont eu lieu dans la matinée entre militaires américains et allemands d’un côté et assaillants non identifiés de l’autre.

Un garde afghan a été tué et trois blessés en début de matinée, a indiqué l’armée allemande sur Twitter. Plusieurs personnes avaient déjà été tuées dans des circonstances souvent mal élucidées autour de l’aéroport.

Face aux difficultés rencontrées, le président américain Joe Biden a ouvert la porte à une extension de la présence américaine sur place après la fin août, une lueur d’espoir pour les milliers d’Afghans qui essaient toujours de fuir leur pays. «Il y a des discussions en cours entre nous et l’armée au sujet de la prolongation. Nous espérons ne pas avoir à prolonger, mais il y aura des discussions, je suppose, sur l’état d’avancement du processus» d’évacuation, a déclaré le président américain dimanche soir.

Les Etats-Unis et leurs alliés s’exposent à des «conséquences» s’ils retardent leur départ, a réagi un porte-parole des talibans interrogé par la chaîne de télévision Sky News. «C’est une ligne rouge. Le président Biden a annoncé que (les Etats-Unis) retireraient toutes leurs forces armées le 31 août. Donc s’ils prolongent (leur présence), cela signifie qu’ils prolongent l’occupation, alors que ce n’est pas nécessaire», a déclaré Suhail Shaheen. «S’ils ont l’intention de continuer l’occupation, cela provoquera une réaction».

30 000 personnes déjà évacuées vers les Etats-Unis

Depuis leur prise du pouvoir en Afghanistan le 15 août, les talibans tentent de convaincre la population qu’ils ont changé et que leur régime sera moins brutal que le précédent, entre 1996 et 2001. Mais cela n’endigue pas le flot de ceux qui ne croient pas en leurs promesses et veulent partir.

Quelque 30 300 personnes ont été évacuées par les Américains depuis le 14 août, a indiqué dimanche la Maison Blanche, alors que Washington espère exfiltrer jusqu’à 15 000 Américains mais aussi 50 000 à 60 000 Afghans et leurs familles.

Des milliers d’étrangers d’autres nationalités, mais aussi des Afghans menacés ou ayant travaillé pour les alliés, ont également été évacués par les puissances occidentales, ou sont en attente d’évacuation.

Recours aux compagnies commerciales

La veille, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell avait jugé «impossible» d’évacuer toutes les personnes en attente à Kaboul avant le 31 août. Et plusieurs organisations de défense des droits humains avaient appelé Joe Biden à repousser la date butoir du retrait américain.

Devant l’urgence de la situation, Washington a réquisitionné les avions de plusieurs compagnies aériennes privées afin d’aider à l’évacuation. Ces avions ne décolleront pas de l’aéroport de Kaboul mais aideront à transporter les personnes ayant été évacuées vers des pays tiers, comme le Qatar ou les Émirats arabes unis.

Des images terribles, une foule toujours là

Les images de gens écrasés dans la mêlée, de jeunes hommes accrochés au fuselage d’un avion américain sur le départ, ou de ce bébé passé à bout de bras au-dessus d’un mur à des soldats américains, ont sidéré le monde. Le président Biden a reconnu la douleur provoquée par ces scènes. Mais «il n’y a aucun moyen d’évacuer autant de gens, sans causer de peine ni de pertes, ni les images déchirantes que vous voyez», a-t-il estimé.

Espérant toujours un miracle, des familles demeurent massées entre les barbelés qui entourent le périmètre séparant les talibans des troupes américaines, et l’accès à l’aéroport reste très difficile.

Joe Biden a expliqué que ce périmètre avait été étendu, avec l’accord des talibans. «Nous avons fait un certain nombre de changements, y compris en étendant l’accès autour de l’aéroport et dans la zone sécurisée» et les islamistes ont été «coopératifs», a-t-il déclaré.

Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n’y a que le chaos à l’aéroport de KaboulUn responsable taliban

Un haut responsable taliban, Amir Khan Mutaqi, a toutefois fait reposer dimanche la responsabilité du chaos à l’aéroport sur les États-Unis et prévenu que cela ne pourrait durer très longtemps. «L’Amérique, avec toute sa puissance et ses équipements […], a échoué à ramener l’ordre à l’aéroport. Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n’y a que le chaos à l’aéroport de Kaboul […] Cela doit cesser le plus tôt possible», a-t-il averti.

Dans les rues de Kaboul, la situation est en effet restée plutôt calme, des combattants talibans en armes patrouillant les rues de la capitale et tenant des postes de contrôle.

Signes du pouvoir

Si aucun gouvernement n’a encore été instauré, les discussions se poursuivant avec des personnalités afghanes pour le rendre «inclusif», les talibans ont tout de même tenté d’affirmer leur autorité.

Ils ont ainsi remplacé sur tous les bâtiments publics le drapeau national tricolore par leur drapeau blanc, orné en noir d’une profession de foi islamique et du nom officiel de leur régime: l’Émirat islamique d’Afghanistan. «Notre but c’est de diffuser le drapeau de l’Émirat islamique partout en Afghanistan», a déclaré ce week-end à l’AFP Ahmad Shakib, un étudiant en économie qui vendait des drapeaux talibans à un carrefour de Kaboul.

L’Iran, inquiet des retombées du conflit dans ce pays voisin, a appelé lundi «toutes les parties» afghanes à cesser la violence et à négocier en vue de la formation d’un gouvernement «représentatif de la diversité» du pays.

«Il n’y a pas de solution militaire à la crise», a déclaré le porte-parole des Affaires étrangères iranien, Saïd Khatibzadeh, ajoutant que «la République islamique d’Iran maintient un canal de communication permanent avec tous les camps politiques en Afghanistan».

Des troupes envoyées au Panchir, selon les dires de talibans

Les talibans ont annoncé avoir encerclé les combattants de la résistance autoproclamée à leur pouvoir dans le Panchir, tout en ajoutant vouloir négocier avec eux plutôt que combattre. Dans la nuit, des informations non confirmées ont fait état de heurts aux abords de la vallée, où le vice-président du régime renversé par les talibans, Amrullah Saleh, s’est réfugié et a décrété la résistance aux nouveaux maîtres du pays.

Dimanche, des comptes Twitter pro-talibans avaient annoncé que des «centaines» de leurs combattants se dirigeaient vers le Panchir. Sur les réseaux sociaux, des comptes pro-résistance niaient toute avancée des talibans, affirmant que ces derniers avaient été stoppés par des embuscades.

Ces annonces et informations restaient difficiles à confirmer de manière indépendante, la région étant enclavée et peu accessible ces jours-ci.