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par Sébastien BRUNOIS

Il y a une obses­sion mor­bide, une fas­ci­na­tion pour l’extrême droite abso­lu­ment ahu­ris­sante en France. Toute la poli­ti­que fran­çaise, depuis les années 80 au moins, est faite contre « la montée de l’extrême droite », ou encore « la menace fas­ciste ». Dans les chan­sons de rock, de rap, le danger c’est « le FN », « les racis­tes qui votent Le Pen ». À tel point que la « lutte contre l’extrême droite » sait, seule, sou­le­ver un peuple tout entier pour qu’il aille dans la rue comme aucune mesure gou­ver­ne­men­tale ne sau­rait le faire, comme on a pu y assis­ter en Avril 2002. Une lutte tout à fait ima­gi­naire, puis­que l’extrême droite n’a jamais été au pou­voir et ne sau­rait l’être.

Alors pour­quoi ? Pourquoi tout ce tin­ta­marre autour de Le Pen et cie ? Pourquoi nous plus que d’autres ? Sans doute parce le cœur des fran­çais est très à gauche oui, pre­miè­re­ment ; ensuite, sans doute aussi parce que nous sommes deve­nus des mou­tons doci­les en France, et que les médias savent très bien fabri­quer des épouvantails pour mieux détour­ner notre atten­tion ; enfin, et c’est sans doute la raison la plus impor­tante : pour se rache­ter une cons­cience poli­ti­que quand on sait qu’on n’a rien fait pour sauver le pays de son nau­frage, et qu’on a peut-être soi-même, direc­te­ment ou non, contri­bué à faire monter « la peste brune », soit parce qu’on a voté naï­ve­ment pour le trai­tre, soit par son inac­tion com­plète.

Vous me rétor­que­rez peut-être que je donne de l’impor­tance à l’extrême-droite en fai­sant ce billet. Je vous répon­drai tout sim­ple­ment que ce n’est pas moi qui parle de Zemmour depuis des semai­nes, ou qui remon­tre les séquen­ces INA de Bernard Tapie contre Le Pen – ni vous qui me lisez d’ailleurs : il y a un bat­tage média­ti­que autour de ces per­son­na­ges tout à fait gro­tes­que – aussi gro­tes­que que ces per­son­na­ges. Que pou­vons-nous faire ? Analyser sobre­ment la situa­tion, et ne donner aucun crédit à ce genre d’énergumènes, qui ne sont sou­vent que des épiphénomènes. Il faut mener un vrai combat, et pas contri­buer aux « deux minu­tes de la haine » quo­ti­dien­nes, où Le Pen et Cie tien­nent le rôle de Goldstein…

Cela étant dit, je com­prends par­fai­te­ment qu’on puisse se dres­ser contre ces faux rebel­les d’extrême droite, tout comme je peux com­pren­dre la colère de tous ces gens qui, humi­liés, se ber­cent de l’illu­sion que ces gens-là sau­vraient le pays. Mais « il n’y a pas de sau­veur suprême : ni Dieu, ni César ni Tribun » – de même, dès lors, il n’y a pas d’enne­mis suprê­mes, sinon le Capital, cette forme désin­car­née de l’alié­na­tion contem­po­raine

La Sociale