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Philippe Bilger

Qu’on fasse le compte.

LR a résisté à son président et à sa direction responsables d’une course de lenteur qui devrait se terminer le 4 décembre avec un candidat unique choisi par les militants. Il paraît pourtant qu’à deux reprises le bureau politique a validé à l’unanimité ce processus aberrant et qui aurait pu être suicidaire !

LR a résisté à l’envie éperdue de Christian Jacob de voir son ami François Baroin – qui n’en avait jamais manifesté l’intention – être le candidat LR pour 2022 et au blocage, par conséquent, de toute opposition durant un an.

LR résiste à la tenaille qui croit l’emprisonner entre les tentations de trahison vers LREM et l’extrémisme assumé d’Eric Zemmour qui s’affirme de droite.

LR résiste à l’ambition d’Edouard Philippe – un Premier ministre qui n’a pas été irréprochable – qui avec Horizons propose « une nouvelle offre politique » et veut remettre de l’ordre notamment « dans la rue » mais soutient cependant Emmanuel Macron : comprenne qui pourra !

LR continue de résister à la condescendance, voire au mépris de Nicolas Sarkozy qui fustige ces médiocres, ces « nains » qui le 4 décembre vont oser se présenter aux suffrages des militants alors que lui-même, bien entendu, quoiqu’englué judiciairement, s’affirme bien placé pour donner des leçons. Oubliant qu’il a fait battre la droite en 2012 et qu’il a lui-même été sèchement défait lors de la primaire de la droite et du centre.

Rarement un parti aura dû tant subir de l’intérieur comme de l’extérieur mais, miracle, il a tenu.

Et, le 4 décembre, ce pourrait être le premier pas capital vers une présence de la droite au second tour de l’élection présidentielle. Enfin LR sortira d’une passivité qui aurait pu la plomber.

Eric Zemmour, quand il se déclarera candidat, à mon avis baissera dans les sondages. En attendant, il a réduit singulièrement le pourcentage du RN. Il faudrait d’ailleurs qu’il cesse d’user du même registre à l’égard de Marine Le Pen « qui ne gagnera jamais » et des candidats LR « qui ne gagneront pas ». Indiscutable pour la première, cette certitude, heureusement, est rien moins qu’assurée pour les seconds.

Xavier Bertrand (XB) a choisi de participer au Congrès et il a bien fait.

Je vais m’attacher tout particulièrement à lui malgré l’estime parfois amicale que j’ai pour ses rivaux, à l’exception de Denis Payre que je connais mal mais dont j’ai lu quelques écrits. Il sera le porte-parole des entrepreneurs.

D’abord XB a du cran.

Il aurait pu se maintenir dans une posture suicidaire en ne tirant pas les leçons d’une évolution n’ayant pas totalement correspondu à ses attentes. Parce qu’il est conscient, comme ses concurrents, de l’obligation de proposer un candidat unique aux électeurs, il a surmonté ce qui pourrait apparaître pour certains comme un reniement – j’ai perçu d’emblée ce que son registre « gaulliste » avait de risqué – mais ne sera que le courage d’affronter des contradicteurs qui exploiteront sans doute son évolution pourtant nécessaire.

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Qu’il n’ait pas désiré reprendre sa carte LR est une abstention qui relevait de l’évidence. Le faire aurait été du cynisme, aurait poussé loin le clientélisme tandis que l’impératif d’une candidature unique se rapportait à une exigence politique. En s’y pliant, XB se déjugeait moins qu’il ne devenait plus audible. Valérie Pécresse, reprenant sa carte LR, n’a pas eu la retenue élégante de XB.

(J’apprends que celui-ci a décidé de reprendre sa carte également. Je suppose que les modalités connues du Congrès n’ont pas été pour rien dans sa décision. Que les lucides rétrospectifs et les critiques d’après l’action m’épargnent leurs commentaires : ils auront de quoi faire et dire le 5 décembre ! Toujours après !)

Je devine déjà tout ce que les débats et les échanges du 4 décembre vont mettre en lumière, et pour les uns et les autres ce sera de bonne guerre. Sans être naïf, j’espère que les divergences toutes relatives entre les projets n’altéreront pas le climat de contradiction bienveillante qui paraît avoir été accepté par les cinq compétiteurs. Je ne doute pas qu’il sera possible de compenser le fléau d’un passé LR calamiteux par une urbanité stimulante et exemplaire. Pour faire gagner le ou la meilleure !

Puisque le Congrès laissera aux militants la mission et l’honneur de choisir leur champion, j’ose espérer que tous ces citoyens persuadés que la droite efficace et non extrémiste doit l’emporter auront pour seul objectif de promouvoir la personnalité qui aura le plus de chance de l’emporter en 2022, probablement face à Emmanuel Macron.

Il n’y a pas un argument qui sera opposé à XB auquel je ne saurais pas répondre si j’étais lui. En particulier celui d’avoir déserté LR à cause de Laurent Wauquiez. Il est navrant de devoir prendre acte d’un tel antagonisme alors qu’il y a là deux intelligences qui feraient mieux de s’accorder. Je forme le voeu que LW n’oublie pas son devoir au profit de son antipathie !

Est-il permis de formuler la même requête à Brice Hortefeux qui détesterait paraît-il XB, en lui suggérant d’user de son influence au sein du parti pour une autre cause que sarkozyste et en soutenant même qui il n’aime pas pour favoriser la victoire ?

Plus profondément, comment ne pas noter que certes XB a quitté le parti pour y revenir, poussé par une logique politique et – ce n’est pas honteux – par le désir des moyens qui pourraient être mis à sa disposition mais que deux personnalités emblématiques de LR, si elles y sont demeurées, n’ont pas brillé par leur engagement : LW, prudemment, attend 2027 et Bruno Retailleau, persuadé de perdre, a jeté l’éponge.

Cette double carence permet de relativiser le parcours de XB et de lui reconnaître ce mérite. Le courage, il l’a eu au bon moment et les élections régionales ont montré que même avec une armada de six ministres, il avait su conquérir sa victoire, sa réélection. Sans ces dernières, il abandonnait le beau métier politique. Un pari déjà gagné.

Psychologiquement, comme aucun président ne pourra être de Gaulle, il lui faudra éviter de singer Macron ! J’entends ici ou là les remarques acerbes, voire méprisantes sur XB, sur son apparence, son manque de flamme et ses prétendues limites.

Mais on a pu constater ce que devenait la France avec « le nouveau monde » qui nous avait été promis en 2017. Non pas une épopée mais du verbe à foison, la chienlit au quotidien, l’impuissance d’un Etat cherchant à faire passer ses coups de menton pour de l’action.

La force de XB sera précisément d’être par nature et par vocation un anti-Macron, pour moi dans l’idéal une sorte de Georges Pompidou, dans sa simplicité, son bon sens et sa préoccupation des Français. Ses adversaires, peu ou prou, sont plus accordés avec le genre « Macron » que XB. Pour moi, ce n’est pas le moindre de ses atouts.

Le livre de Gérard Davet et de Fabrice Lhomme – Le traître et le néant – révèle la capacité de séduction et de manipulation d’Emmanuel Macron avant son élection puis comme président. Inspiré prioritairement par le souci de soi et une indifférence concrète à l’égard du commun des citoyens. Le dépassement de la droite et de la gauche parce qu’au fond il n’habite nulle part et que le « en même temps » est une manière noble de faire de la psychologie à l’égard du réel au lieu de combattre ce qu’il a d’insupportable.

Mais l’élément décisif est que dans toutes les enquêtes d’opinion jusqu’à aujourd’hui, avec leurs déclinaisons variées, si XB n’a pas « tué le match », il reste cependant le candidat préféré de ceux que les instituts ont sollicités. Je connais par avance le discours justifié sur les sondages, leur fiabilité relative, les trop faibles échantillons (seuls ceux assurés d’aller voter) mais il n’empêche que la prédominance de XB n’en est pas affectée.

Surtout il est le seul qui pourra battre Emmanuel Macron au second tour assez largement si ce dernier, avec sa démagogie frénétique des derniers mois, ne parvient pas à rattraper par une distribution éperdue de crédits tous ses manques fondamentaux d’avant. « Soutenir Xavier Bertrand, c’est jouer la gagne » : Damien Abad a raison. Qu’on tourne cela en dérision tant qu’on voudra, il n’empêche que l’essentiel est là. Il serait paradoxal de briser par dépit ou ressentiment cet élan.

Le 20 novembre tous les candidats interviendront dans le cadre d’un bureau national avec une prise de parole pour chacun et questions-réponses avec la salle puis le 4 décembre LR aura un candidat. Enfin !

La résilience de ce parti a été exceptionnelle et ce n’est offenser personne que d’aspirer à ce que, après toutes ces épreuves, il sache sortir des préjugés pour privilégier avec objectivité qui en 2022 sera le plus à même de susciter un changement au profit non pas d’un « nouveau monde » – on a vu ce qu’il en a été !- – mais d’un pouvoir moralement impeccable, efficace et respectueux des citoyens.

Si mon choix personnel peut être discuté, la finalité est partagée par tous.

Justice au singulier