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Philippe Bilger

Numéro de séduction du président de la République qui recevait dans la Salle des fêtes de l’Elysée un millier de maires avec le nouveau président de l’AMF brillamment élu, David Lisnard, et qu’il a félicité.

Emmanuel Macron, comptant trop sur son charme et sur la capacité d’oubli de ses invités, a promis, s’est engagé à, en usant de ce ton ferme dont il raffole et qui laisse croire à un futur irréprochable.

Cette manière de procéder du président est trop fréquente pour abuser quelque maire que ce soit mais parfois on a d’étranges faiblesses : on n’est pas dupe mais on a envie de se laisser aller à l’être.

Quand il affirme « vous aurez toujours en ma personne un soutien indéfectible », les maires auraient-ils perdu à ce point la mémoire que les relations plus que difficiles, dans les débuts, entre le pouvoir et eux-mêmes leur auraient échappé ? Ils savent bien que ce n’est pas de gaîté de coeur que cette évolution s’est faite mais parce que les maires ont organisé et accompli sur le plan sanitaire des avancées avec un pragmatisme sans lequel le fiasco était garanti.

Lorsqu’il proclame « je ne vous lâcherai pas », c’est du même acabit. Le président de la République est sincère à chaque fois qu’il endosse un nouveau rôle, une nouvelle livrée politique : cela ne coûte rien de changer et de s’exprimer comme si le verbe et les attitudes présidentielles n’avaient aucun passé. Tout avec lui surgit frais du présent et il espère qu’il y en aura bien un certain nombre pour se satisfaire d’être payés de mots.

« Son soutien indéfectible », il le leur garantit « contre les violences » mais en même temps il les appelle « à regarder loin ». Ce genre de conseil, qui vise l’horizon, n’est jamais inutile même si on peut douter de son effectivité.

Puis on arrive au comble du macronisme : « Nous ne céderons rien au retour de la violence, qu’elle soit verbale ou physique ».

Il y a un macronisme dont on peut se moquer – quel pouvoir, d’ailleurs, n’a jamais promis la lune en aspirant à ce que des « gogos » y croient ? – mais il y a aussi un macronisme qui indigne parce qu’il a mis notre pays plus bas que terre pour la sécurité et la Justice. Ce n’est pas parce que ces priorités n’en sont pas pour le président qu’il convient de lui donner quitus !

« Nous ne céderons pas » alors que ce quinquennat n’a fait que « céder » et qu’il a été aussi riche en proclamations volontaristes que pauvre en actions efficaces et constantes contre la délinquance et la criminalité.

Oser affirmer, sans rougir, cette impérieuse obligation devant les maires qui savent précisément ce qu’il en est n’est pas loin de représenter une entourloupe démocratique. On n’a pas le droit d’annoncer un avenir qui serait un triomphe quand le passé a été une totale calamité et une impuissance dont on n’a jamais voulu prendre la mesure. Qu’on cherche trop tard à masquer par une précipitation démagogique. L’autorité perdue ne se rattrape jamais.

Le président a au moins, sur ce plan, pris les maires pour des naïfs. Il leur a clairement signifié que « ses promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».

Justice au singulier