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Ce samedi, le parti de la droite classique devra désigner son challenger pour 2022. Passage en revue des points forts et faiblesses des trois favoris avant un congrès aux allures de baroud d’honneur.

Explosé depuis la défaite de François Fillon en 2017, tiraillé entre la surenchère zemmourienne et le soutien forcément compliqué à la politique d’Emmanuel Macron, le parti Les Républicains (LR) est exactement dans la même situation que le Parti socialiste : l’élection présidentielle de 2022 est sa dernière chance de survivre dans le paysage politique français. Un nouvel échec condamnerait le parti de la droite classique à la disparition pure et simple. L’enjeu est donc crucial. Parmi les trois favoris, qui peut mener LR à la victoire ?
Xavier Bertrand : le favori
Favori dans les sondages d’opinion, l’actuel président des Hauts-de-France a su habilement se construire une image d’homme de terrain soucieux des « vraies gens » et à plus ou moins faire oublier son passé de ministre sarkozyste de premier plan. Un gaulliste social à la Séguin en somme, un élu de terrain provincial au profil humble qui compenserait l’arrogance et le parisianisme de la « start up nation » macronienne.
Sur le papier, un candidat de droite pouvant séduire la partie de la gauche libérale ayant porté Macron au pouvoir et les électeurs de droite qui ne se reconnaissent pas dans l’actuelle majorité. Une belle équation ? Pas si sûr : les manœuvres d’appareil auxquelles s’est livré Xavier Bertrand (reprendre sa carte à LR après l’avoir quitté en 2015 afin de gagner une primaire qu’il aura refusé jusqu’au bout en se prenant pour l’homme providentiel) ont beaucoup écorné son socle comme sa crédibilité et il pourrait le payer très cher samedi 4 décembre. Les militants ont de la mémoire pour ce genre de choses, et dans ce contexte, les 5 ou 6 % qu’Éric Ciotti pourrait récolter pèseront lourd dans la balance d’un éventuel second tour pour désigner le candidat.
Valérie Pécresse, la Macron compatible
Le cas de Valérie Pécresse est bien différent. Réélue à la tête de la région Île-de-France en juin dernier, elle aura su faire passer au second plan son profil Macron compatible (on l’imagine bien à Matignon en cas de réélection du président actuel l’an prochain) en mettant le paquet sur la formation, domaine a priori plutôt réservé à la gauche.
Un profil proactif, social et pragmatique pour celle qui se définit comme « un tiers Thatcher et deux tiers Merkel », formule qui peut faire plaisir aux militants, mais plutôt malheureuse dans l’optique d’une campagne dans le sens où elle trahit la nature profonde de la candidate : celle qui, en tant que ministre de l’Enseignement supérieur de Nicolas Sarkozy, avait mis en place la loi d’autonomie des universités, profondément libérale et ayant encore aggravé les inégalités entre les facs « rentables » et les autres, pourrait vite passer pour un Fillon en jupe. Un discours ouvertement anti-État et prolibéral est difficilement audible par l’opinion en ces temps de « quoi qu’il en coûte » et pourrait, justement, coûter cher à son auteur et lui revenir en boomerang.
Michel Barnier, l’outsider
Et si la surprise venait de lui ? Si les militants désignaient un authentique politicien roué à l’ancien monde, ayant toujours roulé pour le parti à qui il s’apprête à demander les suffrages ? On le dit terne, sans charisme, dénué de toute forme d’humour. Mais l’ancien ministre des Affaires européennes de Jacques Chirac se voit comme le Joe Biden français, celui dont le sérieux, la sagesse et l’expérience feront la différence et séduiront au-delà de son propre camp. Pari osé.
S’il est désigné candidat samedi prochain, Barnier devra veiller à ne pas se balladuriser et brider sa nature profonde : l’assurance et l’expérience peuvent vite passer pour de l’arrogance et du dédain, voire du mépris, envers les électeurs. Un profil et des travers qui auront été fatals à d’autres avant lui dans le même camp (Juppé en 1995 et Giscard en 1981).
2027 en ligne de mire
Si la présence d’un candidat LR au second tour est à l’heure actuelle loin d’être assurée, entre zemmourisation de la vie politique et triangulation efficace par le parti au pouvoir, le paradoxe est que celui-ci aurait, s’il se qualifiait, toutes les chances de l’emporter face à Emmanuel Macron. Entre une droite traditionaliste qui n’a jamais aimé le président actuel et une gauche qui ne lui a pas pardonné son virage droitier (alors qu’il n’a jamais caché ses sympathies libérales et probusiness et ne s’est jamais défini comme de gauche), la perspective d’une réélection pour Emmanuel Macron serait bien plus difficile que lors d’un second tour (trop) attendu face à Marine Le Pen voire Éric Zemmour.
Pour LR, au-delà de cet enjeu, c’est surtout la survie même du parti qui est en jeu. Un échec et c’est une recomposition de l’offre politique qui s’imposerait naturellement avec, déjà, 2027 en ligne de mire. Dans cette optique, le parti « Horizons » parie déjà sur l’échec de LR en 2022 et prépare l’après-Macron. À sa tête : un certain Édouard Philippe.