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La crise due au Covid-19 a mis en évidence le délabrement du système hospitalier français. La campagne présidentielle doit être l’occasion de poser clairement le débat sur son financement.
La crise de l’hôpital public prend une tournure aiguë. Dix-sept mois après les accords du Ségur de la santé qui ont consacré 8,2 milliards d’euros à la revalorisation des métiers des établissements de santé, le gouvernement vient d’octroyer, en urgence, une prime mensuelle de 100 euros net aux quelque 30 000 infirmiers et infirmières travaillant en soins critiques.
Le geste, bienvenu, a tout du colmatage : il faut absolument éviter que les soignants quittent leur poste, alors que le pays se trouve de nouveau confronté à une forte reprise épidémique. Le problème crucial est le surmenage dû au manque de personnel : « Il faudrait embaucher 25 000 soignants rien que pour combler les postes vacants », a récemment évalué Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France. C’est en réalité impossible, parce que le nombre d’étudiants dans ces filières est actuellement insuffisant.
Depuis deux ans, la crise due au Covid-19 a mis en évidence l’état de délabrement dans lequel se trouve l’hôpital public. La prise de conscience est à la fois brutale et cruelle, car le système hospitalier a été longtemps considéré comme un joyau français. Départs et absentéisme des personnels paramédicaux, pénurie de médecins, fermeture de lits, déprogrammation d’opérations, tous les symptômes témoignent en réalité d’une crise existentielle sur laquelle la gauche et la droite ont tendance à jeter un voile pudique, car elles y sont étroitement associées.
Les difficultés actuelles résultent en effet d’un faisceau de décisions prises au cours des vingt dernières années dans un relatif consensus. Au nom de la lutte contre la dette et les déficits publics, il fallait rationaliser les dépenses de santé, réduire le nombre de médecins, introduire des critères de rentabilité dans la gestion de l’hôpital, fermer les établissements les moins rentables et accepter que les aides soignants soient sous-payés.
Le manque de coordination entre la médecine de ville et la médecine hospitalière a achevé d’aggraver les tensions. Dans de nombreux territoires qualifiés de « déserts médicaux », les urgences hospitalières sont devenues le seul endroit où se rendre en cas de besoin la nuit ou pendant les week-ends.
« Débureaucratiser » l’hôpital
Les 18 milliards d’euros d’investissement annoncés dans le cadre du Ségur de la santé montrent que la prise de conscience est là : pour sauver l’hôpital, le gouvernement est prêt à mettre les moyens. La totalité des candidats à l’élection présidentielle va dans le même sens. Tous s’engagent à investir, à embaucher massivement et promettent de revaloriser les métiers. Beaucoup veulent aussi répondre à la crise de gouvernance qui mine le moral des personnels soignants. Ils promettent, à juste titre, de « débureaucratiser » l’hôpital en donnant de l’autonomie aux chefs de service.
Une question reste cependant taboue : celle du financement. Les dépenses de santé représentent actuellement 12,4 % de la richesse nationale, soit un peu moins que ce qui est engagé en Allemagne ou en Suisse. Considère-t-on désormais qu’au nom du bien-être national il faut les laisser augmenter sensiblement plus vite que le PIB ? Dans ce cas, qui doit les financer et comment ?
Parce que le pays est à un tournant, la campagne présidentielle doit être l’occasion de poser clairement ce débat qui nous concerne tous. Jusqu’à présent, malheureusement, le sujet est resté cantonné aux avis des spécialistes, dissimulé derrière une technicité dont il est urgent de l’extirper.