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par André Larané

Le covid-19 serait-il la nouvelle peste des vieux pays riches ? Tandis que l’Europe se calfeutre et se masque, l’Inde sort de la pandémie (officiellement, celle-ci aura commis environ 400 décès par million d’habitants en Inde contre environ 2000 dans les pays européens). Quant à l’Afrique subsaharienne, elle traverse la pandémie dans une relative quiétude avec, à ce jour, un total officiel de 100 000 décès (100 par million d’habitant) et un pourcentage de personnes asymptomatiques très élevé. Ce contraste illustre les évolutions divergentes du continent noir et du reste du monde, en matière démographique, politique et sociale.

Avec 1,1 milliard d’habitants en 2020, l’Afrique subsaharienne fait jeu égal avec le bloc occidental (Europe et Amérique du nord). Mais elle creuse l’écart avec 38 millions de naissances (27% du total mondial) contre 12 millions pour le bloc occidental. L’Europe enregistre depuis 2015 moins de naissances que de décès et ne maintient sa population que par le biais de l’immigration, essentiellement africaine. L’Afrique subsaharienne, quant à elle, va voir sa population multipliée par 3 ou 4 d’ici la fin du siècle jusqu’à représenter 40% de l’humanité et une part bien supérieure de la jeunesse.

Le monde vers 2050, d’après le nombre de naissances en 2015-2020

Ce rappel permet de mieux saisir le basculement qui est en train de s’opérer sous nos yeux. Les États africains, jusque-là à la remorque de l’Europe, sont en train de s’émanciper, portés par leur jeunesse et leur vitalité. Mais ce ne sera pas pour reproduire le modèle de société qui a conduit l’Occident et le monde chinois à détruire les équilibres naturels, dérégler le climat et, pire que tout, se détruire eux-mêmes par leur dénatalité et leur frilosité face à l’avenir. Le Covid-19 et la menace climatique dissuadent beaucoup de jeunes couples occidentaux de fonder une famille. Au contraire, comme nos aïeux quand ils étaient confrontés à une épreuve grandissime (peste, occupation étrangère), les Africains voient dans les défis du moment une raison supplémentaire de faire des enfants (jusque dans l’excès). Nous faisons le pari que les prochaines statistiques onusiennes, au printemps 2022, attesteront de ce contraste à l’issue de la pandémie : fécondité soutenue en Afrique subsaharienne et fécondité à la ramasse dans les pays « développés ».

Prise de distance

Le basculement de l’Afrique s’observe dans le domaine politique et géopolitique. Les colonisateurs européens, essentiellement la France et le Royaume-Uni, avaient bienveillamment bâti les nouveaux États indépendants à leur image, avec un copier-coller de leur Constitution, leur droit et leur administration. Cet ordre est en train de voler en éclats et, dans la plupart des États, la démocratie représentative est réduite à une coquille vide, tout juste bonne à rassurer les donateurs occidentaux. Font exception le Kenya et les pays d’Afrique australe, peut-être aussi le Sénégal et le Ghana. Mais dans ces pays comme dans les autres, les clivages sont davantage ethniques que politiques. On vote pour le candidat de son clan afin de s’assurer d’un maximum de prébendes.

Herodote