par : Réseau EURACTIV | translated by Anne-Sophie Gayet

La France pourrait déployer des troupes sur le flanc oriental de l’OTAN, alors que les craintes d’une attaque russe en Ukraine s’intensifient. Une telle action pourrait permettre de dissiper les « malentendus » créés par le Président français Emmanuel Macron lorsqu’il a récemment appelé l’UE à établir son propre pacte de sécurité avec la Russie. C’est en tout cas ce qu’affirment certains experts.
Le Président français Emmanuel Macron a exprimé mercredi (19 janvier) la « disponibilité à aller plus loin. Et dans le cadre de l’Otan, à nous engager sur de nouvelles missions […] en particulier en Roumanie, si elles étaient décidées ».
Cette décision a été saluée par le président roumain Klaus Iohannis, qui a indiqué jeudi sur Twitter que cela signifiait que « le partenariat stratégique Roumanie-France sera ainsi renforcé sur le flanc oriental, dans la région de la Mer Noire ».
La Roumanie, membre de l’OTAN depuis 2004 et qui compte déjà environ 1 000 soldats américains présents sur son territoire, s’est également dite prête à accueillir davantage de soldats américains.
La présence militaire américaine dans le pays pourrait également être renforcée après que le Président américain Joe Biden a déclaré mercredi (19 janvier) que Washington « augmenterait effectivement la présence de troupes en Pologne, en Roumanie et dans d’autres pays si [le Président russe] venait à agir, car nous avons l’obligation, en vertu de l’article 5, de défendre ces pays puisqu’ils sont membres de l’OTAN ».
Le projet de déployer davantage de troupes en Roumanie et en Pologne n’est pas tout à fait surprenant. L’OTAN avait déjà renforcé sa présence sur son flanc oriental après que Vladimir Poutine a ordonné l’annexion de la Crimée en 2014.
L’armée américaine possède une base militaire près de la mer Noire, et cette dernière réunit actuellement un millier de soldats. Elle est également présente dans deux autres bases militaires, l’une à Deveselu, où se trouve le seul système de défense antimissile Aegis Ashore opérationnel, ainsi que dans une base aérienne dans le centre de la Roumanie, qu’elle prévoit de moderniser.
Dissiper les malentendus
Certains experts estiment que cette initiative contribuera à dissiper les « malentendus » créés par M. Macron, notamment en raison de ses appels à la conclusion d’un pacte de sécurité entre l’UE et la Russie, qui ont été perçus par certains membres du bloc comme une rupture avec les appels à l’unité formulés par les États-Unis dans le cadre des efforts déployés pour mettre un terme à une éventuelle invasion russe en Ukraine.
Ces décisions interviennent au moment où Paris fait pression pour unifier les 27 États membres de l’Union autour de la stratégie de défense du bloc, la future Boussole stratégique de l’UE.
« Cette décision s’inscrit dans l’ensemble des mesures de réassurance et de solidarité décidés par les Alliés ces dernières semaines pour montrer à Moscou que la posture militaire de l’OTAN est robuste (…) et que si le dialogue échoue, les Alliés seront prêts à intervenir », a confié Pierre Morcos, chercheur associé au Center for Strategic and International Studies (CSIS), à EURACTIV France.
Les tensions n’ont cessé de croître à la frontière ukrainienne, où la Russie a posté des dizaines de milliers de soldats, et ce en dépit d’une série de pourparlers qui ont eu lieu la semaine dernière et qui avaient pour but de désamorcer la situation, ces derniers s’étant révélés infructueux.
« C’est un message que nous envoyons à la Roumanie, qui est plutôt francophile et qui entretient des relations assez difficiles avec la Russie », a expliqué à EURACTIV France Edouard Simon, directeur de recherches en sécurité et défense à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).
Il a également noté que cela signifierait que « les Européens s’intéressent de plus en plus aux intérêts sécuritaires des uns et des autres ».
Le projet de M. Macron « n’est pas de remplacer l’OTAN ou de se détacher des États-Unis », mais de « simplement rééquilibrer » la relation, a affirmé M. Morcos.
La « disponibilité » de la France à l’égard de la Roumanie ne devrait donc pas surprendre, selon M. Simon, qui rappelle que la France prend déjà part aux activités de l’OTAN dans les États baltes.
(Mathieu Pollet | EURACTIV France, Bogdan Neagu | EURACTIV Roumanie, Alexandra Brzozowski | EURACTIV.com)