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Moscou, 16 mars 2022 -536-16-03-2022

Question: Les pourparlers se déroulaient en Biélorussie, puis en visioconférence. Le 10 mars, vous avez parlé à Antalya au Ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmitri Kouleba. D’après vous, comment se déroulent les négociations actuellement?

Sergueï Lavrov: Je ne me suis pas rendu en Turquie pour « intercepter » les négociations biélorusses convenues par le Président russe Vladimir Poutine et le Président ukrainien Vladimir Zelenski. Elles se déroulent en visioconférence maintenant. Le Président Vladimir Zelenski a demandé au Président turc Recep Tayyip Erdogan de parler au Président Vladimir Poutine pour que nous rencontrions avec Dmitri Kouleba à Antalya, car tous les deux nous comptions participer au Forum diplomatique d’Antalya.

Au vu de cette demande, le Président russe Vladimir Poutine a ordonné d’organiser cette rencontre et d’entendre ce que Dmitri Kouleba avait à proposer (et c’est ce que je lui ai demandé de faire). Il a déclaré qu’il n’était pas venu pour répéter les déclarations publiques. Ce qui m’a encore plus intéressé. En une heure et demie de conversation en présence du Ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, Dmitri Kouleba n’a avancé aucune nouvelle idée, malgré plusieurs rappels que j’aurais voulu entendre quelque chose qui n’a pas été dit dans l’espace public. Mais en vain. Nous avons parlé et c’est bien. Nous sommes prêts à de tels contacts à terme. Il est préférable de savoir quelle sera la valeur ajoutée de tels contacts et quel est le rapport des propositions de créer ou d’organiser de nouveaux canaux d’interaction avec le fonctionnement du processus de négociation durable (« canal biélorusse »).

Je ne commenterai pas les détails. Ils sont délicats. Comme disait le chef de la délégation russe Vladimir Medinski, les négociations sont menées sur les problèmes humanitaires, la situation sur le terrain du point de vue des activités militaires et sur le processus de paix. L’agenda est assez connu (il a été annoncé publiquement plusieurs fois par le Président russe Vladimir Poutine lors de ses allocutions détaillées): la sécurité et le sauvetage des vies des gens dans le Donbass; empêcher que l’Ukraine devienne une menace permanente pour la sécurité de la Fédération de Russie; empêcher que l’idéologie nazie interdite dans le monde entier, notamment en Europe civilisée, renaisse en Ukraine.

Je me réfère à l’avis de nos négociateurs. Ils constatent que les négociations avancent difficilement (pour des raisons évidentes). Néanmoins, il existe un certain espoir de déboucher sur un compromis. C’est également l’avis de certains représentants ukrainiens, notamment des collaborateurs du bureau de Vladimir Zelenski et du Président ukrainien lui-même.

Question: Le Président ukrainien Vladimir Zelenski a déclaré que les positions de la Russie et de l’Ukraine aux négociations étaient devenues plus « réalistes ».

Sergueï Lavrov: C’est un avis plus réaliste venant de Vladimir Zelenski. Avant cela, il faisait des déclarations conflictuelles. Nous voyons que ce rôle et cette fonction ont été délégués au Ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmitri Kouleba. Il a commencé à dire que les exigences de la Russie étaient « inacceptables ». Que pouvons-nous faire s’il existe une volonté de créer une tension supplémentaire (qui si l’actuelle ne suffisait pas) dans l’espace médiatique?

C’était la même chose avec les Accords de Minsk. Dmitri Kouleba était devant « à cheval » parmi ceux qui réduisaient en miettes les Accords de Minsk. Il déclarait publiquement qu’ils ne les respecteraient pas. Je laisserais aux négociateurs la possibilité de travailler dans une atmosphère plus calme, sans attiser une nouvelle hystérie.

Question: Le Président ukrainien Vladimir Zelenski a déclaré qu’ils étaient des « personnes adéquates ». Comme quoi, ils comprennent que l’Otan ne les attend plus. Quelle est la raison de ce changement de discours? L’aspiration d’intégrer l’Otan est inscrite dans la Constitution ukrainienne. Ils disaient tout le temps que Kiev veut effectivement adhérer à l’Otan.

Sergueï Lavrov: Le changement de discours est dû au fait que cette adéquation « se fraye un chemin » dans les esprits des dirigeants ukrainiens. La question relative à la cessation de l’existence de l’URSS était réglée d’une manière spécifique: l’avis de tout le monde n’a pas été demandé, cela a été décidé « à trois ». Après quoi, une certaine cohésion s’est instaurée sous la forme de la Communauté des États indépendants. C’est bien qu’au moins rétrospectivement un respect a été témoigné aux autres républiques de l’ex-Union soviétique.

La Déclaration de souveraineté de la République socialiste soviétique d’Ukraine adoptée avant les accords de Belovej (Minsk) stipule clairement que l’Ukraine sera un État non aligné et militairement neutre. Dans tous les documents suivants sur l’établissement de la structure étatique ukrainienne, cette Déclaration était toujours énumérée parmi les documents de base. Après le coup d’État anticonstitutionnel en février 2014, de nouvelles thèses sur un mouvement « ininterrompu » vers l’Otan (outre l’UE) ont commencé à faire leur apparition. Cela sapait l’intégrité du processus antérieur et les documents de base sur lesquels repose l’État ukrainien, car la Déclaration de souveraineté et l’Acte de proclamation de l’indépendance de l’Ukraine continuent d’être énumérés parmi les documents à la base de la structure étatique de l’Ukraine.

C’est loin d’être la seule contradiction. La Constitution ukrainien n’a pas modifié l’article sur la nécessité de garantir les droits des russophones et d’autres minorités nationales. Malgré cela, un éventail de lois est adopté allant directement à l’encontre de ce terme constitutionnel. Ils discriminent grossièrement la langue russe contrairement à toutes les normes européennes.

Nous nous souvenons que le Président ukrainien Vladimir Zelenski parlait récemment de la nécessité pour l’Otan de « fermer » le ciel, de commencer à faire la guerre pour l’Ukraine, de recruter des mercenaires pour les envoyer au front. Cela a été exprimé de manière agressive. La réaction de l’Alliance, où il reste encore des gens sensés, a refroidi cet élan. L’adéquation de la situation actuelle mérite d’être saluée.

Avant la prise de la décision définitive de lancer l’opération militaire spéciale, le Président russe Vladimir Poutine avant mentionné lors d’une conférence de presse au Kremlin nos initiatives concernant les garanties de sécurité en Europe, avait expliqué l’inadmissibilité du fait que la sécurité de l’Ukraine soit garantie via son adhésion à l’Otan. Il avait dit directement que nous étions prêts à chercher toutes les solutions pour garantir la sécurité de l’Ukraine, des pays européens et de la Russie, sauf l’élargissement de l’Otan vers l’est. L’Alliance nous assure: « N’ayez pas peur, nous sommes une alliance défensive, rien ne menace vous ou votre sécurité. » L’Alliance a été proclamée défensive à l’aube de son existence. Pendant la guerre froide il était clair qui se défend contre qui et où. Il y avait le Mur de Berlin – en bêton et géopolitique. Tout le monde avait accepté cette ligne de contact entre le Pacte de Varsovie et l’Otan. Il était clair quelle ligne défendrait l’Otan.

Quand le Pacte de Varsovie a disparu, et l’Union soviétique a disparu également, l’Otan a commencé à s’élargir vers l’est à sa guise, sans consulter ceux qui faisaient partie auparavant de l’équilibre des forces sur le continent européen. À chaque fois cette « ligne de défense » se déplaçait vers l’est. Quand cette ligne est arrivée à proximité immédiate (personne ne prenait au sérieux nos remarques ces vingt dernières années), nous avons avancé des initiatives sur la sécurité européenne qui, à notre plus grand regret, ont été également ignorées par nos partenaires arrogants.

Question: Beaucoup de gens en Russie et en Ukraine se posent aujourd’hui la question si cette situation aurait-elle pu être résolue par la paix ? Pourquoi ça n’a pas marché ? Pourquoi une opération spéciale était-elle nécessaire ?

Sergueï  Lavrov: Parce que l’Occident n’a pas voulu résoudre cette situation de manière pacifique. Je l’ai déjà dit, mais je tiens à le souligner à nouveau. Il ne s’agit pas du tout de l’Ukraine, mais de l’ordre mondial.

Les États-Unis ont « écrasé » toute l’Europe. Maintenant, certains Européens nous disent : vous vous êtes comporté « comme ça », l’Europe avait des « intérêts particuliers » de la part des États-Unis, et maintenant nous les avons forcés à se réunir. Je pense qu’il s’est passé quelque chose de complètement différent. Les États-Unis, sous le président George Biden, se sont fixés pour tâche de subjuguer l’Europe et ont obtenu son adhésion inconditionnelle au cours américain. C’est un moment fatidique et historique de l’histoire moderne, car il reflète la « bataille » au sens le plus large du terme sur ce à quoi ressemblera l’ordre mondial à l’avenir.

Il y a de nombreuses années, l’Occident a cessé d’utiliser le terme « droit international », qui est inscrit dans la Charte des Nations Unies, et a inventé le terme « ordre mondial basé sur les règles». Ces règles ont été écrites dans un cercle étroit. Ceux qui les ont acceptés ont été encouragés par l’Occident. Dans le même temps, des structures étroites et non universelles ont été créées dans les même directions que ces structures universelles existent déjà. Il y a l’UNESCO, en parallèle, une sorte de partenariat international a été créé en faveur de l’information et de la démocratie. Il y a le droit international humanitaire et le Bureau spécial des Nations Unies pour les réfugiés et les questions connexes. Dans l’Union européenne, un partenariat spécial est en train d’être créé sur la même question, mais uniquement à condition que ces décisions seront prises sur la base des intérêts de l’Union européenne, sans tenir compte des processus universels.

La France et l’Allemagne créent une alliance de multilatéralistes. A notre question pourquoi le créer, alors que le multilatéralisme s’incarne dans l’ONU – l’organisation la plus légitime, la plus universelle – la réponse est intéressante : « Vous savez, il y a beaucoup de rétrogrades, et nous sommes avant-gardistes. Nous voulons promouvoir le multilatéralisme de manière à ce que personne ne nous ralentisse». Lorsqu’on demande quels sont les idéaux de ce multilatéralisme, la réponse est : « Ce sont les valeurs de l’Union européenne ». Cette arrogance, un sentiment incompris de sa propre supériorité infinie, prévaut également dans la situation que nous envisageons maintenant : construire un monde dans lequel l’Occident dirigera tout en toute impunité et sans poser de questions. Il y a beaucoup de spéculations sur le fait que la Russie est désormais « empilée », car c’est presque le dernier obstacle à surmonter avant de s’attaquer à la Chine. On  dit ça « d’une manière simple », mais il y a une vérité sérieuse là-dedans.

Vous avez demandé pourquoi cela ne pouvait pas être résolu par la voix pacifique. Nous proposions de résoudre ce problème pacifiquement depuis de nombreuses années. La proposition de Vladimir Poutine en 2007 à la Conférence de Munich sur la sécurité était déjà prise très au sérieux par de nombreux politiciens objectifs – américains et européens – à l’époque. Malheureusement, ceux qui prenaient les décision dans les États de l’Ouest l’ont ignorée. De la même manière de nombreuses évaluations politiques des politologues de renommée mondiale ont été ignorées par les grandes revues américaines (Foreign Policy, Foreign Affers) et européennes. En 2014, un coup d’État a eu lieu. L’Occident s’est rangé du côté de l’Ukraine, des putschistes arrivés au pouvoir à Kiev. Il refuse catégoriquement d’établir des limites dans les relations entre l’OTAN et la Russie. Ces avertissements ont également retenti, mais n’ont pas été pris en compte.

Lisez  Brzezinski, qui écrivait dans les années 1990  que le dossier ukrainien serait important. Il a directement déclaré que la Russie, avec une Ukraine amie, etait une grande puissance, avec une Ukraine hostile, c’est un acteur régional. C’est là ou la géopolitique a été « enterrée ». L’Ukraine n’a joué qu’un rôle d’instrument pour empêcher la Russie de défendre ses droits légitimes et égaux sur la scène mondiale.

Question: Il n’y a pas si longtemps j’ai vu le discours de l’actuel conseiller du président de l’Ukraine, Alexeï Arestovich. Il  disait qu’un statut neutre pour l’Ukraine coûte trop cher. « Nous ne pouvons pas nous le permettre. » Quelle est votre appréciation de cette déclaration ? Est-ce vrai ? Si nous revenons à ce qui inquiète les Ukrainiens ordinaires – les garanties de sécurité – qu’est-ce que la Russie est prête à faire ? Quelles garanties elle peut donner ?

Sergueï  Lavrov: Le statut neutre est maintenant sérieusement discuté en conjonction avec les garanties de sécurité. C’est exactement ce qu’a dit le président Vladimir Poutine lors d’une de ses conférences de presse : toutes les options sont possibles, toutes les garanties de sécurité acceptables pour l’Ukraine et pour tous les pays, y compris la Russie, à l’exception de l’élargissement de l’OTAN. C’est ce qui est actuellement discuté au cours de négociations. Il y a des formulations spécifiques qui, à mon avis, sont sur le point de faire l’objet d’un accord.

Question: Pouvez-vous les nommer ou pas encore ?

Sergueï  Lavrov: Je préférerais ne pas le faire maintenant. Parce que c’est un processus de négociation. Contrairement à certains de nos partenaires, nous essayons de respecter la culture des négociations diplomatiques. Bien que nous ayons été obligés de rendre publics des documents qui sont généralement fermés. Cela a été fait dans les situations où nos contacts avec les coauteurs allemands et français du « format Normandie » ont été déformés à 180 degrés dans leur présentation publique. Ensuite, nous avons été obligés, pour que la communauté mondiale connaisse ses  héros, de les rendre public. Maintenant, pendant les discussions des garanties de la neutralité de l’Ukraine, il n’y a pas de telles tentatives provocatrices. L’esprit constructif qui commence à se manifester et, qui j’espère prévaudra, donne l’espoir que nous pourrons nous mettre d’accord sur ce sujet. Il est clair que déclarer simplement la neutralité et les garanties de manière isolée constituerait une avancée significative. Le problème est beaucoup plus large. Nous en avons parlé, y compris du point de vue de valeurs notoires – la langue russe, la culture, la liberté d’expression: puisque les médias russes sont tout simplement interdits, et ceux qui diffusaient en Ukraine même en russe ont été fermés.

Question: Mais on nous peut toujours dire que nous sommes un pays indépendant, et nous pouvons choisir la langue à parler. Pourquoi – la Russie et Moscou – nous obligez-vous à parler russe ?

Sergueï  Lavrov:  Parce que l’Ukraine  a des engagements européennes. Il existe une Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Il y a nombre d’autres engagements, y compris au sein du Conseil de l’Europe, dont nous nous retirons (cela a déjà été annoncé officiellement). Mais nous ne renoncerons jamais à nos engagements concernant les droits des minorités nationales, linguistiques, culturelles ou autres. Nous ne sortirons jamais des documents  qui garantissent la liberté d’accès à l’information. 

Dans les années 1990, tout le monde se frottait les mains en attendant que l’Union soviétique deviendrait désormais un partenaire absolument obéissant et inconditionnel de l’Occident. A l’époque nous avons essayé par tous les moyens possibles de montrer que la perestroïka et la nouvelle pensée ouvrent un chapitre fondamentalement nouveau dans l’histoire de notre État. Dans le cadre de l’OSCE, nous avons signé tout ce que l’Occident proposait, y compris la Déclaration proposée par l’Occident à l’époque et soutenue par nous, dans le cadre de l’OSCE, qui contenait des engagements d’assurer la liberté d’accès à l’information tant au sein de chaque pays tant aux sources transfrontalières. Maintenant, nous ne pouvons pas atteindre l’Occident pour qu’ils commencent eux-mêmes à remplir cette obligation (initiée par eux).

Cette exigence concernant la langue russe est inscrite dans les obligations. L’Ukraine ne les a pas refusés. Pouvez-vous imaginer ce qui se passerait si la langue suédoise était interdite en Finlande ? Il y en a six pour cent, et elle est la deuxième langue nationale. Ou en Irlande, ils interdiraient l’anglais, en Belgique – le français, on peut continuer longtemps. Mais toutes ces langues minoritaires sont respectées et dans notre cas une exception est faite. C’est une discrimination directe, et toute cette Europe éclairée ne dit rien.

Question: Nous n’avons pas attendu d’être expulsés du Conseil de l’Europe et avons décidé d’en sortir nous-mêmes. Pourquoi?

Sergueï  Lavrov:   En fait, cette décision a déjà été prise il y a longtemps. Non pas parce que nous y étions « suspendus » dans nos droits -ils nous ont été rendus- mais parce que l’organisation s’est complètement dégradée. Elle a été créée en tant qu’organisation paneuropéenne, où tous les pays européens sans exception sont présents, à l’exception de la Biélorussie, qui avait le status d’observateur. Nous l’avons aidée à participer à des conventions individuelles (c’est autorisé au Conseil de l’Europe). En général, la Biélorussie a envisagé la possibilité d’y adhérer.

Cependant, ces dernières années, le Conseil de l’Europe s’est transformé en une autre OSCE (désolé pour ce mot grossier), où toute l’idée originale, l’idée d’interaction, de consensus, comme principal outil pour réaliser la tâche de la coopération et la sécurité paneuropéenne a été remplacée par la polémique, la rhétorique, qui est devenue de plus en plus russophobe et a déterminé les intérêts unilatéraux de l’Occident, principalement des pays de l’OTAN, et de l’Union européenne. Ils utilisaient leur majorité tant à l’OSCE qu’au Conseil de l’Europe, où ils avaient « brisé » la culture du consensus, du compromis, imposé un vote sur des décisions reflétant exclusivement leur point de vue, indiquant ainsi clairement qu’ils ne veulent pas tenir compte de nos intérêts,  et ne s’intéressaint qu’à nous faire la leçcon et à nous moraliser, ce qu’ils faisaient en réalité.

Nous avons mûri depuis longtemps pour partir, mais les derniers événements et la décision imposée par le vote nous ont poussés à partir définitivement. L’Assemblée parlementaire a commencé à recommander quelque chose au Comité des Ministres, et il a voté la suspension de nos droits. Ils nous ont dit : ne vous inquiétez pas, la seule limitation est que vous ne pourrez pas participer aux réunions, mais de l’argent peut être versé au budget. Cela nous a été dit directement.

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a souligné qu’aucunes garanties des droits de l’homme contenues dans la Convention européenne des droits de l’homme (nous nous en retirons également, cela fait partie intégrante du processus de retrait du Conseil de l’Europe) ne seront pas enfreint et violé. Premièrement, nous avons des garanties constitutionnelles, il y a des garanties qui découlent des conventions internationales auxquelles la Russie participe. Ce sont des conventions universelles : le Pacte international relatif aux droits politiques et civils ; Pacte international relatif aux droits socio-économiques (auquel les États-Unis ne participent pas) ; La Convention Internationale des Droits de l’Enfant (les Etats-Unis n’y participent pas non plus) et bien d’autres actes qui ont déjà été largement incorporés dans la législation. Aujourd’hui, nos juristes examinent, avec la Cour constitutionnelle, avec le ministère de la Justice, les compléments à apporter aux lois russes pour que le retrait du Conseil de l’Europe n’affecte les droits des citoyens.

Question: Plusieurs pays sont apparus qui semblent aider à établir au moins une sorte de dialogue entre Moscou et Kiev. D’abord c’était la France et maintenant c’est Israël, et aujourd’hui le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, arrive à Moscou. La Turquie est également active. Pourquoi ce trio s’y montre-t-il si activement ?

Sergueï  Lavrov: Ce ne sont pas les seuls activistes qui proposent  leurs services. Hier, le président de la Russie s’est entretenu avec le président du Conseil européen, Charles Michel. Il a eu des contacts avec le chancelier allemand Olaf Scholz, le président français Emmanuel Macron, le Premier ministre israélien Naftali Bennett. Des collègues d’autres pays me contactent périodiquement. En particulier, la Suisse, qui se positionne traditionnellement comme un pays où l’on parvient à des compromis, est prête à la médiation.

Dans les conditions actuelles, il est un peu étrange pour nous d’entendre parler de la médiation de la part de ceux qui ont adhéré aux sanctions sans précédent contre la Russie et visent directement (ils ne sont plus gênés et parlent ouvertement) à dresser le peuple russe contre les autorités russes. Des propositions de médiation de pays qui refusent de jouer en ce jeu russophobe, qui comprennent les causes profondes de la crise actuelle et des intérêts nationaux fondamentaux et légitimes de la Fédération de Russie, et qui ne rejoignent pas cette guerre des sanctions, nous considérons positivement. Prêts à les étudier. Israël et la Turquie font pqrtie de ces pays.

Question: Ils proposent d’organiser un dialogue ? Comment ce processus se déroule-t-il ?

Sergueï  Lavrov: Сela se produit différemment. Je ne peux pas entrer dans les détails pour l’instant, mais tous veulent contribuer à parvenir à un accord dans les négociations menées par le « canal biélorusse ». Ils savent où en sont les négociations, quelles propositions sont sur la table, où il y a déjà une convergence de positions. Ils essaient sincèrement d’accélérer ce rapprochement. Nous saluons ces aspirations, mais, je le souligne une fois de plus, que l’essentiel pour nous c’est un dialogue direct entre les délégations russe et ukrainienne et la résolution des questions de principe pour nous, liées non seulement à la garantie de la sécurité physique des personnes dans l’est de l’Ukraine, mais également dans d’autres parties de l’Ukraine, mais aussi en assurant leur vie normale et civilisée sur le territoire du pays, qui est obligé de garantir les droits de ceux qui sont appelés minorité nationale, violés dans tous les sens.

N’oublions pas la démilitarisation. Aucune arme en Ukraine ne doit constituer une menace pour la Fédération de Russie. Nous sommes prêts à discuter les types d’armes qui ne nous menacent pas. Ce dossier, même indépendamment de l’ OTAN de doit être résolu. Sans aucune adhésion à l’OTAN, les États-Unis ou quelqu’un d’autre peuvent prendre et fournir des armes de frappe à l’Ukraine sur une base bilatérale. Comme ils l’ont fait avec les bases de défense antimissile en Pologne et en Roumanie. Personne n’a demandé à l’OTAN là-bas. N’oublions pas que c’est probablement le seul pays au sein de l’OSCE, en Europe, qui fixe le droit des néonazis de promouvoir leurs opinions et leurs pratiques.

Ce sont des questions fondamentales. J’espère que la prise de conscience de leur légitimité, de leur justification et de leur importance cruciale pour nos intérêts, et donc pour les intérêts de la sécurité européenne commune, permettra à ceux qui, par bonne volonté, offrent leurs services de promouvoir des compromis appropriés dans les contacts avec la partie ukrainienne .

Question: Nous venons de parler de pays qui aident à résoudre cette crise. À cet égard, les États-Unis ont proposé quelque chose? Après tout, ce n’est un secret pour personne que les relations entre la Russie et les États-Unis étaient à un niveau très bas. Maintenant, ils ont déjà « percé le fond »?

Sergueï  Lavrov:  Il y a une telle expression. Oui, cela ne s’est jamais produit. Je ne me souviens pas d’une politique aussi absolument frénétique que Washington mène actuellement. Dans une large mesure, il est généré au Congrès, où ils ont perdu le sens de réalité et rejettent toutes les conventions, sans parler des convenances diplomatiques, qui ont depuis longtemps été rejetées.

Les États-Unis jouent certainement un rôle décisif dans la détermination de la position des autorités de Kiev. Pendant de nombreuses années, ils ont eu une énorme « représentation » dans les « couloirs du pouvoir » à Kiev, y compris dans les forces de l’ordre, dans les services de sécurité, dans la direction de l’armée. Tout le monde le sait, il y a des bureaux de la CIA et d’autres services spéciaux américains.

Les États-Unis, ainsi que d’autres membres de l’OTAN (Canadiens, Britanniques), ont envoyé des centaines de leurs instructeurs pour former des unités de combat non seulement des forces armées ukrainiennes, mais aussi des soi-disant bataillons volontaires, dont Azov, Aidar. Ceci malgré le fait qu’il y a sept ou huit ans, immédiatement après le coup d’État, en 2014, le bataillon Azov a été officiellement exclu de toute liste de bénéficiaires de l’aide américaine. Précisément parce qu’il était considéré comme une organisation extrémiste, sinon terroriste. Maintenant, toutes les conventions sont éliminées.

Toute personne ou structure en Ukraine qui déclare la Russie son ennemi est immédiatement prise sous l’aile de patrons étrangers et occidentaux.

Ils parlent de l’État de droit, de démocratie. De quel État de droit on peux parler quand  l’Union européenne, en violation de son document législatif sur l’inadmissibilité de la fourniture d’armes dans les zones de conflit, prend la décision de faire exactement le contraire et d’envoyer des armes offensives à l’Ukraine ?

Nous ne voyons aucun intérêt de la part des États-Unis à un règlement rapide du conflit. Si c’était le cas, alors ils ont toutes les chances : premièrement, d’expliquer aux négociateurs ukrainiens et au président Vladimir Zelensky qu’il faut rechercher des compromis, et deuxièmement, ils comprennent la légalité de nos exigences et positions, mais ne veulent pas les accepter non pas parce qu’elles sont illégales ou illégitimes, mais parce qu’ils veulent dominer le monde et ne veulent se limiter à aucune obligation de prendre en compte les intérêts d’autrui. Ils ont « écrasé » l’Europe, je l’ai déjà mentionné.

Les États-Unis disent à l’Europe depuis des années que le Nord Stream 2 viole leur sécurité énergétique. L’Europe a répondu qu’elle devrait se debrouiller elle-même. La décision était prise, les entreprises ont investi des milliards d’euros. Les Américains ont fait valoir que cela allait à l’encontre des intérêts de l’UE et ont proposé de vendre du gaz naturel liquéfié. S’il n’y a pas de terminaux pour sa réception, ils doivent être construits. Les Allemands m’en ont parlé il y a quelques années. C’était encore sous le président Donald Trump. L’Europe s’est plainte que cela devait augmenter considérablement le prix du gaz pour ses consommateurs. Trump a répondu qu’ils sont « des gars riches et compensent la différence avec le budget allemand ». Voici une telle approche.

Maintenant, on a pointée l’Europe  sa place. Le fait qu’en fin de compte l’Allemagne ait déclaré que le régulateur faisait une pause pour le moment – cela détermine précisément la place de l’Allemagne et de toute l’Europe dans les schémas que les Américains construisent maintenant sur la scène mondiale.

Ministère des Affaires Etrangères de la Fédération de la Russie