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Nicolas Gauthier , journaliste, écrivain

Le spectacle de la politique politicienne est décidément un délice quotidien. Surtout quand on scrute de plus près les bisbilles de ce jeu des sept familles, oscillant entre Game Of Thrones et famille Addams. Comme souvent, c’est à droite que c’est le plus croquignolet, sachant qu’à gauche, on a finalement plus le sens de la… famille ; la récente actualité nous l’a prouvé.

Ainsi, Nicolas Sarkozy, non content d’avoir poignardé Valérie Pécresse en pleine campagne présidentielle, vient-il d’en rajouter une couche en soutenant, dans la quatrième circonscription parisienne, Astrid Panosyan-Bouvet, aspirante à la députation battant pavillon macroniste, aux dépens de la députée LR sortante, Brigitte Kuster, pourtant présidente de son comité de soutien parisien, lors de la primaire de 2016.

Explications de l’entourage sarkozyste : « Ce rendez-vous a été l’occasion d’échanger longuement sur la campagne électorale, la situation politique dans cet entre-deux tours et de partager leur inquiétude sur la poussée de la Nupes, cette alliance d’extrême gauche qui menace la stabilité institutionnelle et la majorité nécessaire au mandat du Président de la République », comme quoi les grands principes n’interdisent en rien les petits arrangements électoraux.

Du côté des Républicains ou de ce qu’il en reste, victimes du grand remplacement macroniste, tout comme la gauche d’hier l’est aujourd’hui par son équivalent mélenchoniste, ça couine. Christian Jacob, capitaine intérimaire de ce bateau ivre, réitère son « soutien plein et entier à Brigitte Kuster ». Plus teigneux, Geoffroy Boulard, maire LR du XVIIème arrondissement parisien, tweete : « Minable. Indigne. Traitre. Quand un Président dit “de droite” soutient une candidate de gauche opposé dimanche à une élue fidèle […] lui qui a donné tant de leçons de loyauté. Prêt à tout pour exister et sauver sa peau. » Emballé c’est pesé.

Mais il est vrai que Nicolas Sarkozy en professeur de loyauté, c’est un peu comme si Jean-Marie Bigard se présentait à l’Académie française. Jean-François Copé qui, en matière de loyauté, en connait plus d’un rayon de bicyclette, affirme, ce jeudi 16 juin sur RTL : « C’est incompréhensible, ce qu’il s’est passé. »

« Incompréhensible », oui. Surtout pour ceux qui croyaient que Nicolas Sarkozy incarnait la droiture, la vraie ; les mêmes, en gros, qui assuraient que François Mitterrand était de gauche et Jacques Chirac de droite, l’une des plus extraordinaires impostures politiques du siècle dernier. Cela, l’infortunée Brigitte Kuster ne parait pas l’avoir saisi, puisque persistant à pleurnicher : « J’ai honte pour lui devant une telle trahison. Alors que je suis en pleine remontada localement… J’en ai réussi une la dernière fois, j’ai bien l’intention de réussir à nouveau. Et je ferai ça sans lui. » (Le Figaro, le 16/05/2022) Voilà qui est bien beau, mais avec 28,91% des voix contre les 41,03% de la macroniste Astrid Panosyan-Bouvet, désormais objet de toutes les attentions sarkozystes, il est à craindre que les jeux ne soient déjà joués d’avance.

Plus sérieusement et bien au-delà des enjeux de tambouille politicienne, plus intéressants sont ces discussions portant sur « l’inquiétude face à la poussée de la Nupes ». Car voilà des propos qui en disent long sur les actuelles mœurs politiques et cette gestion de la peur devenue ultime argument. Peur de « l’extrême droite », de « l’islam » et de « l’extrême gauche » Peur du climat qui se réchauffe et de la pénurie de nouilles qui guette, peur des morts sur la route et des frelons asiatiques. Peur de Donald Trump et de Vladimir Poutine, peur du Brexit et d’une possible sortie de la France l’Otan. Peur de tout et de rien. Comme si, à force de cellules de soutien psychologique, la France était devenue une sorte de pouponnière dans laquelle la démocratie aurait cédé le pas à la calinothérapie.

Ensuite, qu’on apprécie ou non le programme de la Nupes, avoir « peur » que Jean-Luc Mélenchon puisse transformer notre vieux pays en califat de Corée du Nord, il y a un pas que les esprits sensés ne sauraient franchir. Surtout que les mêmes nous assuraient récemment qu’en cas d’accession au pouvoir de Marine Le Pen, le Soleil cesserait de briller, par solidarité. Comme disait Jean-Paul II : « N’ayez pas peur. »

BV