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Ivan Rioufol

Le peuple ? Il pue de la gueule et pense mal. C’est ce que répètent ceux qui, au sommet de l’Etat et chez ses oligarques, s’affolent de la poussée « nauséabonde » et  « extrémiste » des votes pour la France insoumise (21,9% des voix pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle) et pour le Rassemblement national (23,15% des voix pour Marine Le Pen, 41,30% au second tour). Ce week-end, Emmanuel Macron a chargé son premier ministre, Elisabeth Borne, de lui proposer un gouvernement d’ouverture pour « le début juillet », au vu des scores de la Nupes et du RN lors des législatives. Mais le chef de l’Etat a écarté tout accord avec LFI et le RN, car « ces formations ne s’inscrivent pas comme des partis de gouvernement ». Il était peu probable que ces deux mouvements acceptent de jouer un jeu unitaire au seul profit du chef d’Etat désavoué par les derniers scrutins. En revanche, ce qui est démocratiquement scandaleux et potentiellement explosif est la prétention d’un « président de tous les Français » à marginaliser deux courants de pensée qui représentent peu ou prou la moitié de l’électorat. Dans Le Point, Bernard-Henri Lévy appuie le raisonnement de Macron en soutenant, au nom du « génie du judaïsme », que ces partis ayant le vent en poupe témoignent de « la poussée de la France rance (…) de la France factieuse et raciste ». BHL : « C’est la victoire de la France qui n’aime pas la France ». Mais cette haine du peuple, trop libre et insolent, est une guerre menée contre la nation.

Le déni des réalités est tel, dans l’esprit des dirigeants, qu’il permet d’assigner à leur rôle de parias des millions de citoyens dont le tort est de ne pas partager les idées du pouvoir. Quand le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, déclare dans Le Parisien, ce dimanche : «  L’heure est grave », ce n’est pas pour s’inquiéter de l’acculturation dans l’enseignement mais du succès « du FN ». Ces réflexes pavloviens, qui font soupçonner sans raison le RN de vouloir revenir sur le droit à l’IVG, relèvent des mécanismes de la pensée totalitaire. Relisant récemment mon éminent prédécesseur, François Mauriac, dans ses blocs-notes du Figaro (que j’abandonnerai moi-même à la fin de la semaine, après vingt ans de chroniques hebdomadaires) je suis tombé sur le bloc-notes du 30 septembre 1968 : « L’important, l’essentiel en régime soviétique c’est qu’il ne subsiste pas une seule idée personnelle chez qui que ce soit et que chacun ait honte de sa propre opinion, que, selon le vœu d’un des «  démons » de Dostoïevski, il ne reste plus une seule idée personnelle chez personne ». La macronie partage cet usage de la pensée unique, du sectarisme et de la diabolisation des esprits dissidents.  Elle a auprès d’elle des intellectuels qui, au nom du mondialisme, sont prêts à déverser des bidons d’essence sur les terres des enracinés. « L’acteur principal est le peuple (…) Le meilleur est dessous » »,  avait noté Michelet dans son Histoire de la révolution française. Gare au peuple ! Quand on le cherche, on le trouve.

IR