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Nicolas Gauthier, Journaliste, écrivain

Ceux qui prétendent que le concept même de frontière est dépassé dans un monde ouvert aux quatre vents seraient bien inspirés d’y réfléchir à deux fois. En effet, les combats viennent de reprendre ce mardi 13 septembre dans le Haut-Karabakh, cette enclave arménienne en plein territoire azéri. Soit un problème frontalier quasi-insoluble, même à long terme.

À la faveur de la chute de l’URSS, ce territoire avait pris son indépendance en 1991, à la joie d’Erevan et au désespoir de Bakou. S’en suivit illico une guerre ayant causé la mort de trente mille personnes, avant que celle de 2020 ne fasse près de sept mille victimes. La première avait tourné à l’avantage de l’Arménie, aidé par le puissant voisin russe ; la seconde à celui de l’Azerbaïdjan, armé par la Turquie et Israël.

Tel qu’écrit à l’époque en ces colonnes, le fait religieux, même s’il n’explique pas tout, est évidemment à prendre en compte dans ce conflit : « L’Arménie étant orthodoxe et l’Azerbaïdjan chiite, la Russie penche évidemment du côté de ce premier pays, tout en armant l’autre en sous-main : le Kremlin a toujours eu plusieurs fers au feu. De Téhéran, capitale chiite, on pourrait attendre un inconditionnel soutien à Bakou. Mais ce serait oublier que la très influente communauté chrétienne en Iran est majoritairement d’origine arménienne et qu’elle permet au régime de jouer les intermédiaires commerciaux avec les puissances occidentales. De son côté, si Ankara penche du côté de l’Azerbaïdjan, c’est plus pour des raisons culturelles et linguistiques – ce peuple faisant partie de l’espace turcophone – que pour des motifs strictement religieux, le très sunnite sultan néo-ottoman se montrant plus que méfiant vis-à-vis d’une hérésie chiite, toujours suspecte de servir de relais aux ambitions perses. »

Aujourd’hui, l’implication de la Russie est moindre, guerre en Ukraine oblige. Il n’empêche que Sergueï Choïgou, ministre de la Défense, s’est immédiatement concerté avec son homologue arménien, Souren Papikian, afin de négocier un cessez-le-feu censé avoir débuté ce matin à huit heures. Très logiquement, Erevan accuse Bakou « d’agression » caractérisée – une cinquantaine de soldats arméniens aurait été tuée –, tandis que Bakou exige d’Erevan qu’il en finisse avec ces « provocations » permanentes, rhétorique évidemment reprise à son compte par Ankara.

De leur côté, les USA affirment être « extrêmement inquiets ». On le serait à moins. Quant à Emmanuel Macron, il assure vouloir immédiatement saisir le Conseil de sécurité de l’ONU ; comme la France le préside actuellement, c’est bien le moins.

Et chez notre personnel politique ? On saluera évidemment la remarquable intervention de François-Xavier Bellamy (LR), au Parlement européen :

Laquelle vient confirmer ce tweet de Jordan Bardella (RN) : « La guerre d’agression azéro-turque contre l’Arménie n’est pas terminée, les violations du cessez-le-feu sont permanentes. S’abstenir de soutenir un peuple ami au nom d’intérêts gaziers comme le fait l’UE est une forfaiture. » Il est vrai que le gaz de l’Azerbaïdjan est bien utile, par les temps qui courent. Ceci expliquant peut-être cela…

BV