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Code Pink, Egypte, Egyptians Abroad for Democracy c, France, justice française, Opération Sirli
Deux ONG internationales ont porté plainte, lundi 12 septembre, pour que la justice française enquête sur les responsabilités dans l’exécution de centaines de civils en Egypte grâce à des renseignements fournis par l’armée française. Une plainte qui fait suite aux révélations de Disclose publiées en novembre 2021.

La pression sur l’Etat français s’accentue. Deux ONG basées aux Etats-Unis, Egyptians Abroad for Democracy et
ont déposé plainte contre X, lundi 12 septembre, pour crime contre l’humanité, complicité de crime contre l’humanité et torture auprès du pôle crimes contre l’humanité du parquet national antiterroriste (PNAT) de Paris. Une plainte qui fait suite aux révélations de Disclose, en novembre dernier, sur l’opération Sirli, une mission militaire secrète de la France en Egypte.
Pour rappel, la mission Sirli a été initiée en 2015 par l’armée française afin de fournir du renseignement aérien à la dictature du maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Des informations qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, ont servi à mener une campagne de bombardements systématiques contre des civils soupçonnés de contrebande dans le désert occidental, à la frontière avec la Libye.
D’après des dizaines de documents « confidentiel-défense » issus de la direction du renseignement militaire (DRM) et obtenus par Disclose, les soldats français envoyés en Egypte ont alerté leur hiérarchie à de très nombreuses reprises, entre 2016 et 2019, sur les dérives meurtrières de l’opération Sirli. Malgré ces signalements qui sont remontés jusqu’à l’Elysée, ni François Hollande ni Emmanuel Macron n’ont mis fin à cette mission, quitte à faire de l’Etat français le complice d’exécutions arbitraires.
« des crimes de torture »
Selon la plainte consultée par Disclose, « les attaques ciblées qui ont abouti au meurtre et à la blessure systématique de civils soupçonnés de contrebande, et sans lien avec le terrorisme dans [le désert occidental égyptien], constituent des crimes contre l’humanité ». Les deux ONG internationales estiment également que les souffrances endurées par les civils blessés lors des frappes aériennes égyptiennes constituent « des crimes de torture ».
Avec cette procédure, les ONG Egyptians Abroad for Democracy et Code Pink souhaitent que les responsables égyptiens de ces crimes soient identifiés et en répondent devant la juridiction française. En effet, de par sa compétence universelle, la justice française peut poursuivre et juger une infraction même lorsque celle-ci a été commise hors de son territoire, et par des citoyens étrangers.
Le mur du secret défense
Par ce dépôt de plainte, les deux organisations espèrent également que la justice enquêtera sur les responsables français qui se seraient rendus complices de ces crimes « en raison de l’aide qu’ils ont apportée à l’action de l’Egypte par le biais d’informations et de renseignements qui ont permis aux forces armées égyptiennes de mener à bien les attaques contre les civils ». Une complicité renforcée, selon les ONG, par le fait que « la France a continué à fournir cette assistance malgré la notification des violations et des crimes commis grâce à sa coopération avec l’Egypte pendant l’opération Sirli. » Mais cette demande risque fort de se heurter au mur du secret défense.
Depuis la publication de notre enquête, le gouvernement français impose un black-out total sur l’opération Sirli et ses relations avec le partenaire égyptien. En février, il avait ainsi balayé les critiques et demandes d’explications en annonçant qu’une enquête interne diligentée par le ministère des armées concluait que la mission Sirli avait « fait l’objet d’un cadrage clair et que des mesures préventives strictes [avaient] été mises en place ». Circulez…
Saisine des Nations unies
En parallèle du dépôt de plainte et dans le but d’accroître la pression sur la France, les deux ONG ont également saisi le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires ainsi qu’à son homologue chargé de la torture et celui qui œuvre pour la promotion et la protection des droits de l’Homme dans la lutte contre le terrorisme. Cette saisine demande notamment aux rapporteurs spéciaux de « prendre des mesures pour obtenir des informations supplémentaires sur les attaques ciblées, y compris par le biais d’une visite en Égypte ». C’est la deuxième fois que des ONG tentent d’obtenir une action des Nations unies sur le sujet. La première saisine, initiée par l’organisation Committee for justice, n’a toujours pas reçu de réponse.