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Nasrallah a rappelé  qu’au début du XXème siècle, vers 1923, la tutelle française et britannique sur la région s’était contentée de délimiter les frontières terrestres. Et ce n’est qu’avec l’annonce de la présence d’hydrocarbures offshore en Méditerranée, surtout au large du Liban, à partir de l’an 2000, que le besoin s’est pressenti pour une démarcation maritime.

Après avoir expliqué que les zones maritimes sont départagées en trois : « les eaux territoriales, les eaux adjacentes et la Zone économique exclusive », il a indiqué carte à l’appui que la position officielle du Liban a été unanime pour adopter la ligne 23, et refuser la ligne 1 démarquée avec Chypres. Faisant remarquer que l’entité sioniste est longtemps restée attachée à cette dernière ligne laquelle « confisque quelque 860 km2 de sa ZEE, selon certaines estimations, voire même 879 selon d’autres, auxquelles nous adhérons davantage au sein du Hezbollah ». Il aura plusieurs fois recours aux cartes pour expliquer sa lecture de ce dossier.

De Berri à Aoun… de Hoff à Hochstein… la Résistance et les changements internationaux

Nasrallah a rappelé le processus politique qui a escorté ce dossier :

« Entre 2009 et 2011, un accord tacite entre les Présidents (de l’exécutif et du législatif)  a confié au président du Parlement Nabih Berri de poursuivre ce dossier… Il avait déclaré qu’il ne renoncera même pas à un verre d’eau libanaise et il a été honnête…  C’est à cette époque que le premier médiateur américain Hoff est intervenu et a proposé son tracé entre la ligne 1 réclamée par l’ennemi et la 23 réclamée par le Liban,  accordant 45% de la superficie à l’ennemi et 55% au Liban. »

Rappelant que sa proposition a été rejetée catégoriquement par le Liban officiel, il a signalé qu’à partir de l’annonce de l’accord-cadre, en septembre 2020, officialisant la formation de délégation libanaise et des autres délégations (américaine et israélienne, ndlr) pour entamer les négociations indirectes, le dossier a été transféré au chef de l’Etat Michel Aoun qui l’a aussi traité avec autant de fiabilité, selon lui.

« avec le changement de l’administration américaine, Hochstein (Amos) a été désigné et il a suggéré une proposition plus avancée que celle de Hoff sans acquiescer les demandes libanaises. Mais c’est à ce moment-là que les changements dans la région et dans le monde sont intervenus… En même temps est arrivée la plateforme (Energean, ndlr) de Karish pour entamer l’extraction du gaz et du pétrole. Le résumé des communiqués des Présidents (chefs de l’exécutif et du législatif libanais)  en concluaient que le début de l’extraction constitue une agression contre le Liban car dans une zone contestée ».
« Compte tenu de la position officielle, la Résistance a annoncé qu’elle ne permettra pas à l’ennemi d’extraire son pétrole et son gaz du champ Karish avant de parvenir à un accord dans les négociations indirectes et d’acquiescer les demandes libanaises », a-t-il poursuivi.

« la position libanaise officielle unifiée et ferme et la menace retentissante de la résistance ont placé « Israël » sous une pression pesante … L’entité était face à deux choix : soit elle s’obstine à extraire (son gaz), ce qui en découlerait une confrontation qui pourrait glisser vers la guerre, ou elle arrête et élimine définitivement Karish. Ceci était difficile pour eux (les responsables israéliens) et représentait une humiliation. Ils n’ont pas la capacité d’aller en guerre ni d’éliminer Karish définitivement. Raison pour laquelle ils ont décidé d’aller vers les négociations »

Il a en outre  jugé que « les Américains aussi sont sous pression car ils ont une priorité qui s’appelle la guerre entre la Russie et l’Ukraine et ils ne peuvent supporter une seconde guerre ».
« Cette nouveauté a poussé le médiateur américain à revenir au Liban et dans la région ».

Le chef de la résistance a par ailleurs révélé que les tractations se heurtaient parfois à une impasse et « nous étions sur le point d’aller en guerre ».
« Nous avons alors envoyé nos drones et les données sur le terrain illustraient parfaitement que la résistance se préparait à la guerre et les Israéliens en étaient bien conscients ».

Le Liban a obtenu en dépit des pressions la ligne 23 et tous les blocs voire même plus « le Liban a obtenu la libération de cette zone et la liberté d’action de sorte que les compagnies peuvent s’y rendre et entamer le travail ».
Faisant remarquer aussi que les deux tiers du champ Qana se situe dans les eaux territoriales inclus dans la ligne 23 alors que le dernier tiers se trouve entre cette dernière et la 29, ce qui constitue selon lui un exploit de plus.

Il a terminé son discours en affirmant que “la menace de guerre a été un facteur décisif et l’une des causes qui ont permis de réaliser cet exploit. « Nous étions sur le point d’en arriver à la guerre mais les Israéliens se sont rétractés… Le Liban, dans tout cela, a fait preuve de courage de force et de sagesse. Il a utilisé la fermeté officielle et la puissance de la résistance et n’a pas eu peur des menaces américaines et israéliennes ».

Il a fait remarquer que pour les Israéliens, la position de la résistance a été surprenant. « Ce que les Libanais devraient bien savoir… ils croyaient que le Hezbollah était dissuadé depuis la guerre 2006. Et ils comptaient sur la situation économique et les divisions internes pour empêcher la résistance d’aller vers le choix de la force ».
« L’ennemi était sceptique mais il a fini par croire lorsque les drones ont été lancés et lorsqu’il a vu les préparatifs sur le terrain … il a fini par comprendre que la résistance n’est pas dissuadée ».
S’adressant à l’ennemi israélien il a dit : « tu te trompes lorsque tu t’imagines que la résistance est dissuadée. Elle aspire au bien-être des Libanais et de tous ceux qui vivent au Liban et de ses installations, et elle se comporte avec fermeté et sagesse. Mais lorsque les intérêts nationaux suprêmes exigent qu’il faille passer outre des lignes de confrontation, elle n’hésitera jamais même si cela aboutira à une guerre ».

Réclamant  » un suivi sérieux, car le Liban a perdu beaucoup de temps, et un suivi des questions juridiques et du fonds souverain », il a assuré que « celui qui a pu imposer à l’ennemi et aux USA pour que les choses en arrivent à ce stade-là est celui qui en est le garant véridique : c’est la position officielle, le peuple et la résistance qui sont la garantie. L’équation est toujours la même ».

Les rôles de la résistance palestinienne et du peuple libanais

Selon Nasrallah « la résistance palestinienne en Cisjordanie a aussi contribué à cet exploit naval, car la moitié de l’armée israélienne est en Cisjordanie et n’est pas en mesure de combattre sur le front du Liban ».

De même pour le peuple libanais : « la volonté du peuple libanais d’aller avec l’État et la résistance vers les options les plus extrêmes a été un facteur important pour parvenir à l’achèvement de la démarcation maritime… en raison de la crise économique, le peuple libanais s’est dit qu’il n’a plus rien à perdre. Autant aller jusqu’au bout ».

« La fermeté officielle, la solidarité des Présidents (de l’exécutif et du législatif), la précision qu’ils ont observée pour ne pas aller vers la normalisation, la volonté de la résistance et l’envoi de drones à Karish, et le soutien populaire à la position de l’État et de la résistance, tous constituent des atouts de force dans la réalisation de cet exploit ».

Il a spécifiquement salué « la ténacité de l’environnement (populaire) de la résistance, car si nous étions allés à la guerre, c’est lui qui aurait reçu les coups de la part de l’ennemi. (Cette ténacité) a formé un point fort pour faire pression sur le dossier des négociations ».

« La menace de guerre était un facteur de force parmi ces facteurs qui ont été complémentaires et qui ont conduit à l’achèvement du dossier de démarcation… l’ennemi savait que la menace de la résistance d’entrer en guerre était sérieuse. Tout le monde devrait savoir que le Liban a atteint la gueule » de la guerre, mais n’y est pas entré…

AL MANAR