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Jeudi, j’ai pris le train. Un passager a interpellé le contrôleur sur la grève qui démarrait le lendemain. Ce dernier a expliqué calmement et posément sa position, avant que d’autres passagers ne viennent dénoncer une « prise en otage » des usagers, me poussant à intervenir pour défendre la position du contrôleur. Merci à lui et aux grévistes de faire front dans un débat tellement mal présenté.

Défense du service public et justice sociale

Bien sûr, alors que des familles séparées doivent se retrouver, un préavis de grève au moment des fêtes de fin d’année risque d’être impopulaire. Mais d’abord, il faut noter que le mouvement de grève débute trois semaines avant, pour donner le temps aux décideurs de répondre aux questions des contrôleurs. Nous ne sommes pas dans une situation où les contrôleurs annonceraient le 21 décembre un mouvement pour le 24. Ici, ils prennent la peine de démarrer le mouvement à une période plutôt creuse. Malgré tout, cela est déjà trop pour une passagère qui propose de faire grêve sans déranger les usagers ! Mais cette idée est illusoire. Un mouvement sans conséquence pour les usagers ne créé pas de rapport de force avec la direction de la SNCF, et passe inaperçu. Il n’aurait aucune conséquence.

Le seul moyen pour les salariés de la SNCF de pousser leur direction à négocier est, malheureusement, mais logiquement, de créer des perturbations pour les usagers. En outre, même si cela peut parfois créer de vrais problèmes personnels, l’usager très fréquent que j’ai été peut rappeler qu’il y a quand même des multitudes d’alternatives au train en cas de grève, de la voiture, au bus, en passant par le covoiturage. Le contrôleur a clairement exposé les revendications du mouvement : assurer la présence de 2 contrôleurs par rame et une revalorisation des salaires, bloqués depuis 5 ans. Des demandes plus que légitimes. Dans ce train, comme de plus en plus souvent, il était seul pour assurer les charges de plus en plus nombreuses demandées aux contrôleurs, qui doivent même assurer la sécurité du train, seul dans une rame qui compte plus de 600 clients potentiels ! Autant dire qu’être à deux semble un minimum.

La revendication salariale est tout aussi légitime. Depuis 15 ans, nos dirigeants ont trouvé la combine : il suffit de ne pas revaloriser les salaires pour faire des économies. La perte de pouvoir d’achat est réelle, mais limitée chaque année, ce qui permettait de limiter les protestations. Mais là, avec la remontée de l’inflation, la perte devient bien plus importante. Et cela est d’autant plus révoltant qu’il s’agit d’un métier qui n’est pas simple et est très contraignant, puisqu’il impose de travailler avec des horaires décalés, et aux moments où nous sommes tous heureux de trouver davantage de trains, lors des vacances. Les contraintes imposées justifient un bon salaire, que la SNCF, et l’Etat, par les règles qu’il lui impose, rabote un peu plus année après année. Ce contrôleur a ainsi rappelé qu’alors qu’il se rapproche de la retraite (en ayant commencé à travailler à 18 ans), il touche sensiblement moins de 2000 euros par mois.

Malheureusement, ce qui se passe actuellement à la SNCF s’est déjà passé à l’école, dans la santé ou à EDF, avec toutes les conséquences que l’on sait. Mais ce rabotage des salaires, par leur non revalorisation, conduit à une précarisation injustifiée et révoltante d’une grande partie de la fonction publique. Et avec l’accroissement des charges, ceci a un effet direct sur la qualité des services publics, qui ne cesse de se dégrader. Pire, les anciens services publics sont souvent rançonnés pour créer une concurrence artificielle, comme pour la production d’énergie, jusqu’au fiasco actuel. Difficile de ne pas voir la main de la déconstruction à venir du transport ferroviaire dans le mauvais traitement actuel des salariés de la SNCF. Et voici pourquoi je leur apporte mon plein soutien et les remercie de défendre encore nos services publics, envié par une bonne partie du monde avant que nous commencions à les déconstruire.

Et je tiens à remercier ce contrôleur de défendre ceci de manière posée et rationnelle face à des usagers à courte vue qui ne voient pas que la SNCF subit ce qu’EDF a traversé, avec le succès que l’on sait pour notre pays. Vous avez bien raison aussi de refuser l’emploi, par certains, du terme « prise d’otage », aussi malhonnête que biaisé. Les grévistes ne sont pas des terroristes. Ils réclament juste un minimum de justice sociale et défendent ces services publics qui faisaient notre fierté et notre singularité.

Gaulliste libre