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Nicolas Gauthier, Journaliste , écrivain

©Vincent Isore/IP3

Le monde des affaires est-il un tremplin pour mieux rebondir en politique ? À moins que ce ne soit l’inverse ? De fait, il y a sûrement un peu des deux… En témoigne la récente promotion de François de Rugy, ancien ministre de l’Écologie d’Emmanuel Macron et éphémère président de l’Assemblée nationale (2017-2018), obligé de quitter le perchoir pour une vilaine affaire de homard servis lors de ces repas plus que luxueux offerts à l’hôtel de Lassay à ses proches et délicats amis.

Que ceux qui s’inquiéteraient de sa reconversion professionnelle se rassurent : sa traversée du désert aura duré à peine plus longtemps que l’heure des digestifs, puisque recasé chez Alantra, très discrète banque d’affaires, connue seulement des décideurs économiques. Entre gens du monde, on se comprend. Dominique de Villepin en sait quelque chose. Ancien Premier ministre recyclé dans sa société Villepin International, il vend son carnet d’adresses autant que ses talents propres dans de nombreux pays et jusqu’en Chine. Tout comme un certain Jean-Pierre Raffarin qui a manifestement bien survécu à son passage à Matignon.

Il faut bien vivre et il n’y a pas de sots métiers. D’ailleurs, tout cela vaut bien les conférences d’un Nicolas Sarkozy, payées au prix de l’or fin, mais consistant souvent à commenter des tableaux PowerPoint devant des auditoires internationaux aussi huppés que modérément concernés : qui peut encore, décemment, prêter attention à la parole d’un Nicolas Sarkozy ? Nous voilà bien contents pour eux, quoiqu’on puisse remarquer que la République en a un peu moins fait pour reclasser les ouvriers des mines et de la sidérurgie. Comme quoi la mondialisation ne saurait profiter à tout le monde.

François de Rugy, grand donneur de leçons devant l’éternel et nouveau « senior advisor » – a désormais « envie de faire autre chose et d’agir pour l’écologie dans le domaine économique et auprès des entreprises ». Il n’est pas le seul.

À tout seigneur, tout honneur : Dominique Strauss-Kahn, passé du statut de meilleur économiste de France à celui de candidat à l’élection présidentielle donné gagnant avant même le premier tour avant le passage par la case Sofitel, s’est depuis longtemps refait meilleure mine dans le monde des affaires. Il a orchestré la création, en 2013, dans le désordre, de la société de conseils Parnasse, l’inauguration d’une banque au Soudan-Sud, puis le lancement de DSK Global Investments, autre établissement spéculatif, fondé avec un certain Thierry Leyne qui se suicide un an plus tard. Et encore doit-on en oublier.

Après les ténors, les sous-fifres payés au fifrelin ; même si leurs fins de mois ne doivent pas forcément être source d’angoisses nocturnes. Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy – le nouveau Condorcet ? ricanait-on alors –, a lui aussi fondé, en 2011, sa propre société de conseils diplomatiques, avec le succès qu’on sait, mais surtout avec la bénédiction des pouvoirs français en place. Cécile Duflot ? Recasée, en 2018, à la tête d’Oxfam France, ONG vaguement environnementale et vivant plus que grassement de l’argent du contribuable. Un dernier, pour la route ? Harlem Désir, président historique de SOS Racisme, nommé représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de 2017 à 2020. Remarquons qu’entre-temps, il avait occupé un emploi autrement plus fictif : celui de Premier secrétaire du Parti socialiste, en 2012. Le Monde qualifia ce mandat de « calamiteuse gouvernance ». C’était probablement fort exagéré.

BV