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Par Robert Lafont

La question est certes taboue. C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à se la poser. Les Etats-Unis ont-ils voulu piéger Poutine (en l’incitant à intervenir en Ukraine), en violant délibérément leur promesse verbale de 1990 de ne pas élargir l’Alliance atlantique aux pays de l’Est ?
C’est en tous cas la thèse originale défendue avec force arguments par Emmanuel Todd. Le célèbre écrivain français se définissant lui-même comme un historien, géopoliticien quand chez nous on l’assimile plus volontiers à un polémiste rebelle. Son dernier ouvrage La Troisième Guerre mondiale a déjà commencé fait autorité dans nombreux pays notamment au Japon où il dépasse les 100 000 exemplaires vendus.
Todd affirme ainsi dans un entretien passionnant accordé pour Le Figaro à Alexandre Devecchio (13/1/2023) : « Partager, concernant les ressorts profonds du conflit, l’analyse du géopoliticien américain John Mearsheimer. À savoir que l’Ukraine, dont l’armée avait été prise en main par des militaires de l’Otan (américains, britanniques et polonais) depuis au moins 2014, était donc devenue de facto membre de l’Otan. Alors que les Russes de leur côté avaient annoncé qu’ils ne tolèreraient jamais une Ukraine membre de l’Otan. Ces Russes font donc de leur point de vue une guerre défensive et préventive. Et Il s’agit pour eux d’un question existentielle… » (sic)
Todd dit tout haut ce que beaucoup pressentaient tout bas mais n’osaient revendiquer tant la pensée unique règne aussi en maître sur ces sujets sensibles et stratégiques . Mais là où il va plus loin c’est quand Todd avance que ce stratagème était bien planifié à l’insu même de pays majeurs de l’alliance atlantique, en l’occurrence de la France et l’Allemagne. Un véritable pavé dans la mare jeté à la face des discours diplomatiques classiques. Et d’avancer que : « Ces pays n’étaient pas au courant de ce que tramait l’ Otan en Ukraine sur le plan militaire. On a critiqué la naïveté française et allemande, mais ils ne savaient pas qu’Américains, Britanniques et Polonais pouvaient permettre à l’Ukraine d’être en mesure de mener une guerre élargie. L’axe fondamental de l’Otan maintenant, c’est Washington-Londres-Varsovie-Kiev.»
Qu’en pensent nos grands stratèges qui nous poussent à suivre sans réflexion les injonctions occidentales ? N’est-il pas temps de se remettre à penser par nous même un peu comme l’a fait par exemple le président Chirac lors de l’intervention américaine en Irak ?
Un éclairage saisissant sur la nature de ce conflit meurtrier qu’il est temps d’arrêter et qui décidément est loin d’avoir livré toute sa vérité. Un conflit dont il sera d’autant plus difficile de sortir qu’il aura été d’avantage meurtrier. Sans oublier dans le même temps qu’aux Nations Unies, sur le sujet, 75% des votes ne suivent pas ceux de l’Occident !
Il n’est jamais trop tard pour regarder plus loin, plus large, plus grand. Et c’est encore plus vrai quand c’est la sécurité du monde qui est en jeu. « Dans une guerre, il n’y a toujours que des perdants. »
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