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Bruno Le Maire est soupçonné d’avoir passé sous silence un rapport de l’Inspection générale des finances qui pointait du doigt la « rentabilité très supérieure à l’attendu » des concessionnaires d’autoroutes. Une révélation qui fait tache au moment où le prix des péages s’apprête encore à augmenter.

Autoroutes privatisées : Bruno Le Maire soupçonné d’avoir étouffé un rapport critique

Le secret de Bruno Le Maire aura tenu deux ans. Au moment où le tarif des péages autoroutiers s’apprête à augmenter de 4,75%, l’information dévoilée par le Canard enchaîné fait déjà du bruit. En effet, selon l’hebdomadaire, le ministre de l’Économie aurait reçu, en février 2021, un rapport préoccupé par la « rentabilité [des gestionnaires] très supérieure à l’attendu ». Or, il s’avère que ce rapport confidentiel portant sur « le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroute (SCA) » aurait été commandé par le ministre lui-même !

Les 65 pages de ce document, rédigé conjointement par l’Inspection générale des finances (IGF) et le service d’inspection du ministère de l’Écologie, les deux principales concessions du réseau autoroutier concédé, ASF-Escota (groupe Vinci) et APRR-Area (Eiffage), ont une rentabilité proche de 12 %, « qui va contre le principe de rémunération raisonnable ». Bien plus que les 7,6 % envisagés l’État et les SCA lors de la vague de privatisation de 2006 sous Dominique de Villepin. « Le ministère de l’Economie et des Finances doit être davantage impliqué dans toutes les négociations liées aux concessions », écrivaient alors les auteurs du rapport qui regrettaient que Bercy ne soit « que peu associé aux négociations des contrats et surtout de leurs avenants ». Un manque d’implication qui « a de quoi surprendre, alors que les concessions autoroutières touchent environ 11 milliards par an de péages », commentaient les hauts-fonctionnaires.

Le document consulté par le palmipède préconisait plusieurs solutions afin d’atteindre un « réalignement de la rentabilité » : notamment une baisse de près de 60% des prix des péages, et, davantage envisageable d’un point de vue légal, une « fin anticipée » des cessions d’exploitation en 2026 (contre 2035 pour APRR et 2036 pour ASF). Des propositions qui n’ont visiblement pas beaucoup inspiré Bruno Le Maire… Cela dit, que fallait-il attendre de la part d’un ministre qui déclarait récemment ne pas savoir « ce que c’est qu’un superprofit », ou qui qualifiait de « désert des idées » la proposition de plusieurs candidats à la dernière élection présidentielle — Marine Le Pen (RN), Fabien Roussel (PCF), ou encore Jean-Luc Mélenchon (LFI) — de nationaliser les autoroutes ?

Si Bercy n’a pas encore réagi, le ministère des Transports a tout simplement balayé d’un revers de la main le rapport. Interrogé par le Canard, celui-ci explique tout simplement que « les niveaux calculés par l’Autorité de régulation des transports ne démontrent aucune surrentabilité ». Ladite autorité avait pourtant observé une hausse des bénéfices nets de 47% sur l’année 2021 lors de son dernier rapport, ce qui ne répond apparemment pas aux critères de « surrentabilité » du ministère… Peut-être que le rapport de la commission d’enquête sur les concessions d’autoroutes paru en septembre 2020 pourrait trancher la question ? Ce dernier pointait en effet un manque à gagner de 7,8 milliards d’euros pour l’Etat lors des privatisations de 2006 et des « négociations opaques » en 2015, réalisées sous l’égide de Ségolène Royal et d’Emmanuel Macron. Ce même rapport prévoyait aussi 40 milliards d’euros de gain d’ici 2036. Gageons que d’ici-là, Bruno Le Maire aura le temps de jeter un œil à sa boîte mail…

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