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Les pays du G7 se sont montrés déterminés à élever un chœur perturbateur de condamnations contre la Russie à chaque rencontre internationale, comme si le conflit ukrainien constituait le centre de gravité des relations internationales autour duquel tous les autres problèmes doivent tourner, note Kanval Sibal, ancien ministre indien des Affaires étrangères, ambassadeur de l’Inde en Turquie, en Égypte, en France et en Russie. Le comportement des dirigeants occidentaux lors des réunions du G20 qui se sont tenues en Inde jusqu’à présent peut être qualifié, au mieux, de perturbateur.
Les grandes puissances occidentales ont promis à l’Inde qu’elles contribueraient à faire de la présidence indienne du G20 un succès. La « réussite » aurait consisté à trouver un moyen constructif d’aplanir les divergences sur l’Ukraine plutôt que d’insister pour que l’Occident fasse ce qu’il veut. Comment le G7 peut-il espérer de manière réaliste que la Russie contribue à forger un consensus basé sur l’auto-condamnation ?
Certains de ceux qui accusent la Russie ont eux-mêmes envahi des pays souverains et violé la Charte des Nations unies à de nombreuses reprises au nom des droits de l’homme, de la promotion de la démocratie ou du terrorisme. Ils l’ont fait sans l’approbation des Nations unies et, dans la plupart des cas, sans que leur propre sécurité ne soit directement menacée. Les pays du G7 refusent d’admettre que leurs arguments contre la Russie sont mesurés par d’autres à l’aune de leur propre conduite, non seulement dans le passé, mais aussi aujourd’hui.
La panoplie de sanctions prises à l’encontre de la Russie sans l’approbation des Nations unies n’a aucune légalité internationale. Elles sont tout autant responsables de la rupture des chaînes d’approvisionnement en denrées alimentaires, en carburant et en engrais que le conflit entre la Russie et l’Ukraine, ces deux pays étant des fournisseurs majeurs de ces produits de base au niveau mondial.
Affirmer, comme l’a encore fait M. Borrell à la veille de la réunion des ministres des affaires étrangères du G20 à New Delhi, que « la Russie ment sur son rôle dans les pénuries de denrées alimentaires et d’engrais », c’est passer sous silence la responsabilité de l’UE, qui a refusé l’accès à ses ports aux transporteurs russes et la couverture d’assurance aux compagnies occidentales, et qui a en partie détourné des céréales expédiées avec l’intervention des Nations unies vers certains pays de l’UE pour une prétendue utilisation comme aliments pour animaux.
M. Borrell et d’autres dirigeants européens ont beaucoup parlé de la fin de tous les liens énergétiques, voire économiques, avec la Russie comme d’une grande réussite stratégique.
Chercher à créer une rupture permanente avec le plus grand et le plus puissant voisin de l’UE, riche en pétrole, en gaz et en autres matières premières, qui entretient avec l’Europe des liens politiques, sécuritaires, intellectuels et culturels depuis des siècles, suggère en fait un échec de la stratégie. Où placer l’explosion des gazoducs Nord Stream 1 et 2 et l’absence totale d’efforts pour enquêter sur ce qui s’apparente à une attaque terroriste contre des infrastructures civiles essentielles ?
Le déclin du multilatéralisme, sans lequel le système international interdépendant actuel ne peut fonctionner, est un sujet de préoccupation pour la communauté internationale, au point que les Nations unies ont consacré leur session du 75e anniversaire de l’Assemblée générale des Nations unies à la renaissance du multilatéralisme.
Le G20, sans le veto qui handicape ses travaux et avec une composition stable des plus grandes économies mondiales réparties de manière adéquate au niveau régional, pourrait forger un consensus sur les questions de stabilité financière et de croissance économique, ce qui est son mandat principal. L’introduction de questions de sécurité dans les discussions est une invitation à des blocages, même sur les questions sur lesquelles les membres peuvent se mettre d’accord. Pourquoi reproduire cette situation au sein du Conseil de sécurité des Nations unies ?
Une solution pragmatique serait que le G20 publie un communiqué commun sur toutes les questions sur lesquelles il est d’accord, comme cela a été le cas lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G20.
Le G20 a été créé pour fournir une plateforme permettant de traiter les questions relatives à la croissance économique et financière mondiale que le G7 ne pouvait pas traiter de manière adéquate à lui seul et qui nécessitaient une participation et une coordination plus larges pour développer des options politiques.
Entre aujourd’hui et septembre 2023, date du sommet du G20, la probabilité d’un apaisement des tensions sur l’Ukraine est bien moindre que celle d’une exacerbation de la situation, en particulier si la Russie réalise des gains. Cela augure mal de la perspective d’un communiqué au niveau du sommet du G20.
Si le sommet ne publie pas de communiqué, cela pourrait bien signifier la fin politique effective du G20 en tant que forum, souligne Kanval Sibal.
Et il se trouve qu’aucun communiqué commun n’a été publié.
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