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autonomie stratégique, Emmanuel Macron, Europe, visite en chine
Andrew Korybko

Il est important de souligner le timing de ses dernières paroles, qui ont été partagées après qu’il ait rencontré le président Xi pendant environ six heures, selon le rapport de Politico. Le dirigeant chinois est manifestement convaincu de la sincérité des intentions de son homologue français, sinon il n’aurait pas consacré autant de son précieux temps à traiter tant d’autres questions à travers le monde.
Politico a publié dimanche un article exclusif relatant la conversation de leurs journalistes avec le président français Macron lors de sa visite en Chine, au cours de laquelle il a parlé avec enthousiasme de son objectif de faire de l’Europe un acteur stratégiquement autonome dans les relations internationales. Pour preuve de ses intentions, il a fustigé l’idée selon laquelle l’Europe devrait suivre l’exemple des États-Unis en provoquant la Chine à propos de Taïwan, ce qui a suscité une vive condamnation de la part de nombreux commentateurs alignés sur les États-Unis à travers le continent.
Ils ont expliqué cette position en suggérant que le président Xi avait réussi à l’inviter à dîner lors de son voyage à Pékin, divisant ainsi le dirigeant français et la commissaire européenne Von Der Leyen, cette dernière étant connue pour être un faucon pro-américain et prête à prendre la tête de l’OTAN. Quant à la réaction de la communauté des médias alternatifs (AMC) à la dernière rhétorique de Macron, elle l’a rejetée, comme on pouvait s’y attendre, car elle est convaincue que sa visite n’a servi à rien de concret et qu’elle n’était rien d’autre que de la mise en scène.
En réalité, « le voyage de Macron et Von Der Leyen en Chine a servi un objectif très pragmatique ». Ces deux-là exploraient ce qui devrait se passer pour que la Chine franchisse la « ligne rouge » de l’UE en armant la Russie, tandis que la Chine voulait savoir si l’UE franchirait sa propre « ligne rouge » en la sanctionnant si cela se produisait. Le dirigeant français semble sincèrement préoccupé par le scénario selon lequel les États-Unis feraient pression sur l’UE pour qu’elle se « désolidarise » de la Chine dans ce cas, tandis que Mme Von Der Leyen souhaite probablement que cela se produise pour faire avancer les objectifs des États-Unis.
En ce qui concerne ces derniers, ils ont intérêt à renforcer davantage leur hégémonie réaffirmée avec succès sur l’Europe au détriment de l’autonomie stratégique de cette dernière, afin de faire de leur « sphère d’influence » sur le milliard d’or un pôle unique dans le cadre de la trifurcation imminente des relations internationales. Les stratèges américains estiment que c’est le seul moyen pour leur pays de conserver autant que possible les attributs de l’unipolarité face aux efforts conjoints de l’Entente sino-russe pour mettre en place la multipolarité.
Le directeur général du Conseil russe des affaires internationales (RIAC), Andrey Kortunov, a longuement expliqué à la fin de l’année dernière dans son article intitulé « Une nouvelle cohésion occidentale et un nouvel ordre mondial » que les États-Unis ont de fortes chances de réussir au moins partiellement à cet égard, article que tous les sceptiques de l’AMC devraient lire dans son intégralité. Il sera donc très difficile pour Macron de réaliser son objectif de faire de l’Europe un acteur stratégiquement autonome dans les relations internationales.
Néanmoins, on ne peut nier le puissant symbolisme de ses dernières paroles, qui contredisent les exigences des États-Unis à l’égard de leurs vassaux européens pour qu’ils suivent toujours leur exemple dans la nouvelle guerre froide par « solidarité » avec les « autres démocraties » face aux « menaces autoritaires » prétendument posées par la Chine et la Russie. Cela renforce l’observation selon laquelle Macron est sincère dans ce qu’il a dit, même s’il nie délibérément ou de manière illusoire à quel point il sera difficile pour l’UE de défier de manière significative les États-Unis sur quoi que ce soit.
Il est également important de souligner le timing de ses dernières paroles, qui ont été partagées alors qu’il venait de rencontrer le président Xi pendant environ six heures, selon le rapport de Politico. Le dirigeant chinois est manifestement convaincu de la sincérité des intentions de son homologue français, sinon il n’aurait pas consacré autant de son précieux temps à traiter de nombreuses autres questions à travers le monde. Cela suggère que le président Xi ne prend pas pour acquis le « découplage » de l’UE par rapport à la Chine, sous la pression des États-Unis.
C’est une chose pour l’Union de se « découpler » de la Russie sous la pression des États-Unis, mais c’en est une autre de faire de même avec la Chine, qui est son principal partenaire commercial. Cette situation serait mutuellement désavantageuse, mais l’UE en souffrirait bien plus que la République populaire en raison de la stabilité économique et financière beaucoup plus précaire de cette dernière à l’heure actuelle. C’est dans cet esprit que Macron a voulu faire savoir que la France essaierait au moins de résister à un tel complot américain si la Chine armait la Russie.
Tout bien considéré, s’il n’est pas réaliste d’attendre de la France qu’elle défie avec succès les États-Unis sur cette question, il serait malhonnête de minimiser l’importance symbolique de la dernière rhétorique de M. Macron. Dans l’éventualité où la contre-offensive à venir de Kiev échouerait et ne pousserait donc pas la Chine à se sentir obligée d’armer la Russie en dernier recours pour assurer préventivement sa propre sécurité nationale, il est possible que les présidents Xi et Macron tentent ensemble de négocier un cessez-le-feu dans la guerre par procuration que se livrent l’OTAN et la Russie.
La désescalade de ce conflit servirait les intérêts de leurs deux pays : Pour la Chine, il s’agit de se positionner en tant que superpuissance diplomatique, et pour la France, il s’agit de faire jouer l’autonomie stratégique envisagée par l’Europe. En outre, ils seraient également en mesure d’éviter le pire scénario de leur « découplage » sous la pression des États-Unis, que Washington pourrait chercher à imposer à Bruxelles en exploitant le prétexte de répondre à l’armement potentiel de la Russie par la Chine, qui pourrait se produire dans les conditions décrites ci-dessus.
De nombreuses variables indépendantes de la volonté des deux parties pourraient contrecarrer le scénario optimal susmentionné, mais les observateurs ne devraient pas se laisser induire en erreur par les dernières insinuations des médias dominants selon lesquelles M. Macron se serait « vendu » à la Chine, ni par l’affirmation de l’AMC selon laquelle il serait un imposteur. Les dernières paroles du dirigeant français sont sincères, en particulier celles, symboliquement significatives, qui font état de son intention de résister à la pression américaine sur Taïwan, prouvant ainsi que les six heures passées avec le président Xi ont été fructueuses.
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