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Dans son allocution télévisée, lundi, le chef de l’Etat s’est donné un trimestre pour tenter de sortir du blocage né du conflit sur la réforme des retraites. Il dispose de très peu de marge pour y parvenir.

Placée sous le signe des « cent jours », l’allocution télévisée d’Emmanuel Macron, lundi 17 avril, trois jours après la promulgation contestée de la loi sur les retraites, avait quelque chose d’irréel. Les cent jours correspondent en général à la phase dynamique et joyeuse du début d’un mandat présidentiel.

Ce n’est assurément pas le cas présent, puisque le chef de l’Etat entamera dans une semaine la deuxième année de son second mandat, plombé par une impopularité qui risque de lui couper durablement les jambes. Les cent jours font aussi référence à un épisode historique qui ne s’est pas bien terminé pour son instigateur, Napoléon. Le message subliminal adressé par le président de la République aux Français est donc particulièrement complexe : tout commence aujourd’hui, mais tout peut mal finir.

La réalité est plus prosaïque. Déjà entamée par la perte, en juin 2022 de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, la marge de manœuvre d’Emmanuel Macron est proche de zéro. Un trimestre est l’horizon qu’il se fixe pour essayer de récupérer un peu d’air alors que la réforme des retraites, adoptée au forceps, a suscité incompréhension et colère dans les profondeurs du pays : les Français lui en veulent, les syndicats, projetés sur le 1er mai, refusent de lui parler, la gauche promet de poursuivre le combat et la droite entend ne lui faire aucun cadeau.

Pour essayer de se désengluer, pas de grande manœuvre politique mais une légère inflexion à partir de cette « colère » que le chef de l’Etat dit « entendre », mais dont il tente de déplacer l’objet dans l’espoir d’ouvrir des perspectives. A l’en croire, cette colère concernerait certes un peu les retraites, sujet sur lequel il ne veut rien concéder parce que « la réforme est nécessaire », mais elle se rapporterait aussi « aux prix qui montent », à l’usure professionnelle, au délabrement de certains services publics, à la sécurité… autant d’irritants de la vie quotidienne autour desquels il appelle désormais toutes les bonnes volontés à se mobiliser. « Nous avons devant nous cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France », a-t-il clamé en donnant rendez-vous le 14 juillet pour un « premier bilan ».

Exercice laborieux

La période sonne comme un nouveau sursis accordé à Elisabeth Borne, qui sort elle aussi très affaiblie par le conflit après la défection du groupe LR et l’impossibilité d’une quelconque entente avec la CFDT. Afin de pouvoir dérouler la feuille de route des trois prochains mois, la première ministre va devoir déployer des trésors de patience et de diplomatie pour essayer de renouer avec les partenaires sociaux et négocier des majorités au Parlement texte par texte, tantôt avec la droite, tantôt avec la gauche.

Avant même que la réforme des retraites ne crispe les positions, l’exercice se révélait terriblement laborieux. Il n’est donc pas du tout garanti que les trois têtes de chapitre énoncées par le chef de l’Etat : « un nouveau pacte de la vie au travail » négocié avec les partenaires sociaux ; la justice et « l’ordre républicain », avec à la clé des annonces contre « les fraudes sociales et fiscales », ou encore « le progrès pour mieux vivre », comportant des mesures rapides en matière d’éducation et de santé, connaissent de gros développements. Il faudra alors revoir en profondeur le dispositif politique.

Pour l’heure, le mouvement qu’entend impulser Emmanuel Macron se heurte à la résistance prévisible des partis d’opposition et des forces vives qui refusent d’entrer dans son jeu en passant par pertes et profits le conflit des retraites. Renvoyé à sa verticalité et à son isolement, salué par des concerts de casseroles, le chef de l’Etat reste plus que jamais prisonnier d’un second mandat mal engagé.

Le Monde