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Andrew Korybko

L’Occident aurait bien sûr été heureux que l’Inde sacrifie ses intérêts nationaux en invitant Zelensky à l’événement, faisant ainsi dérailler ses projets de promotion des questions importantes pour le Sud, mais imaginer que Delhi se plierait à ce vœu pieux a toujours relevé de la fantaisie politique.

Subrahmanyam Jaishankar, ministre indien des affaires extérieures, a mis fin aux spéculations sur la participation du président ukrainien Vladimir Zelensky au sommet du G20 de septembre en confirmant, lors d’une conférence de presse tenue jeudi, qu’aucune invitation ne lui avait été adressée. Il est récemment devenu à la mode, au sein de la communauté des médias alternatifs, d’accuser l’Inde d’être le cheval de Troie des États-Unis en Eurasie, mais cette affirmation ne résiste pas à l’examen, surtout pas après la dernière déclaration de l’EAM.

Si cette théorie était fondée, l’Inde aurait au moins invité Zelensky à participer au prochain sommet, où il disposerait d’une tribune mondiale pour dénigrer la Russie. Elle a fièrement repoussé les pressions occidentales en ce sens, sans parler de leurs demandes de condamner la Russie au Conseil de sécurité des Nations unies, puis de la sanctionner, car l’une ou l’autre de ces mesures aurait trahi les fondements de sa politique d’alignement multiple. Prendre parti dans la nouvelle guerre froide reviendrait à sacrifier l’autonomie stratégique de l’Inde, ce qu’elle veut éviter à tout prix.

Même si elle coopère avec les États-Unis pour gérer la montée en puissance de la Chine, l’Inde ne se battra pas à leurs côtés si jamais ces deux pays entrent en guerre, ce dont Ashley J. Tellis, expert en Asie du Sud, a informé l’élite américaine dans un article détaillé publié début mai dans le magazine officiel du Council on Foreign Relations (Conseil des relations extérieures). Bien que certains idéologues de la bureaucratie politique américaine s’accrochent encore au faux espoir de forcer l’Inde à devenir un pays vassal, cela n’arrivera jamais, comme l’a prouvé récemment le refus d’inviter Zelensky au sommet du G20.

Pour être clair, l’Inde n’avait pas l’intention d’offenser l’Ukraine ou les États-Unis en agissant de la sorte. Tout d’abord, il n’y a aucune raison pour que Zelensky participe au sommet puisque son pays ne fait pas partie du G20. Deuxièmement, il n’appartient pas aux États-Unis de faire pression sur qui que ce soit pour qu’il soit invité à leurs événements, ce qui, comme l’a précisé EAM Jaishankar, n’a même pas été discuté de toute façon. Enfin, inviter Zelensky aurait détourné l’attention de l’Inde de son programme de promotion des causes du Sud au cours de ce sommet.

L’Occident aurait bien sûr été heureux que l’Inde sacrifie ses intérêts nationaux en l’invitant à l’événement, faisant ainsi dérailler ses plans de promotion des questions importantes pour le Sud, mais il a toujours été politiquement fantaisiste d’imaginer que Delhi se conformerait à ce vœu pieux. Les observateurs honnêtes qui suivent la politique étrangère de l’Inde savaient qu’il valait mieux ne pas perdre son temps à spéculer à ce sujet, car cela aurait contredit la neutralité de principe de l’Inde vis-à-vis de la guerre par procuration entre l’OTAN et la Russie.

Les membres de l’AMC qui ont la fausse impression que l’Inde est le cheval de Troie des États-Unis en Eurasie devraient donc revoir leur vision du monde à la lumière du refus de l’Inde d’inviter Zelensky au sommet du G20. Cela aurait été la moindre des choses que l’Inde aurait pu faire pour rendre service aux États-Unis si une telle relation entre ces deux pays avait secrètement existé comme ces personnes le soupçonnaient. Le fait même que cela ne se soit pas produit devrait les inciter à en apprendre davantage sur la politique étrangère indienne telle qu’elle existe objectivement.

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