L’armée ukrainienne a lancé sa contre-offensive prévue de longue date. Des chars occidentaux sont également engagés. Mais les choses ne se passent pas comme prévu pour les Ukrainiens – une percée décisive n’a pas encore eu lieu.
Andreas Rüesch

Les images vidéo des drones de reconnaissance russes ne laissent plus guère de doute sur le fait que l’armée ukrainienne a lancé cette semaine sa contre-offensive prévue de longue date. Les images montrent des colonnes de véhicules blindés ukrainiens lors d’avancées près du village de front de Mala Tokmatchka, dans la province méridionale de Zaporijia. Mais les pertes sont apparemment considérables : les véhicules, dont des chars de combat Leopard 2, sont pris sous le feu ou stoppés par l’explosion de mines.
Une vidéo publiée vendredi après-midi par une chaîne russe proche de l’armée montre un rassemblement de matériel de guerre ukrainien endommagé, dont un char de combat Leopard 2, plusieurs véhicules de combat d’infanterie Bradley et un véhicule de déminage.

Les vidéos des drones russes ne montrent qu’une petite partie des combats, mais elles témoignent néanmoins d’une nouvelle phase dans la guerre en Ukraine. Pour la première fois, les troupes de Kiev sont intervenues sur cette partie du front, plutôt calme depuis des mois, et ce avec des forces importantes. Il s’agit également de la première intervention de chars Leopard allemands, dont les pays de l’OTAN ont livré une cinquantaine d’exemplaires à l’Ukraine ces derniers mois, et de Bradleys américains.
Longuement préparé, plusieurs fois reporté
Cela laisse penser qu’il s’agit effectivement de l' »offensive de printemps » attendue depuis longtemps et reportée à plusieurs reprises. Celle-ci doit conduire à la libération d’autres régions ukrainiennes de l’occupation russe. C’est expressément dans ce but que les pays de l’OTAN avaient livré du matériel de guerre à l’Ukraine, permettant ainsi l’équipement de neuf brigades de combat supplémentaires. Trois de ces formations ont été aperçues pour la première fois sur le front : la 47e brigade équipée de Bradley, la 33e brigade disposant de Leopard 2 et – dans le sud du Donbass – la 37e brigade opérant avec des chars de reconnaissance français AMX-10RC.
Des sources russes ont annoncé vendredi la poursuite de violents combats près de Mala Tokmatchka et samedi matin de violents tirs d’artillerie de la part des Ukrainiens.

Les dirigeants de Kiev nient le début d’une véritable contre-offensive, mais il y a probablement des raisons tactiques à cela. Des confirmations non officielles émanent des milieux militaires ukrainiens. A Washington également, des représentants anonymes du gouvernement expriment cette opinion lors d’entretiens avec les médias. Le fait que l’avancée ait lieu à Mala Tokmatchka n’est pas une surprise ; de là, un axe d’attaque plausible mène à l’important carrefour de Tokmak, puis le long de la rivière Molotchna jusqu’au centre régional de Melitopol. De cette manière, les Ukrainiens pourraient couper les principales routes de liaison avec la péninsule de Crimée, annexée en 2014.

Dans le même temps, les Ukrainiens ont également attaqué un peu plus à l’ouest, sur la rivière Dnipro. Selon les rapports des correspondants militaires russes, ils ont pris le village de Lobkowe. En outre, de violents combats font déjà rage depuis dimanche plus à l’est, dans la région de Velika Novosilka, où les Ukrainiens tentent de prendre le contrôle d’une série de villages dans le cadre d’une attaque en tenaille. Mais là aussi, à part quelques petits gains de terrain, les choses ne semblent pas se dérouler comme prévu pour les Ukrainiens. En tout cas, ils n’ont apparemment pas pu tenir le village de Novodonezke, dans lequel ils avaient avancé lundi selon les informations russes.
Moscou annonce des succès
Les troupes d’occupation russes affirment avoir jusqu’à présent repoussé toutes les attaques et infligé de lourdes pertes à l’ennemi. De manière inhabituelle, le président Vladimir Poutine a également commenté vendredi le déroulement des combats et a parlé d’un échec des avancées ukrainiennes.
Les vidéos mentionnées semblent confirmer, du moins en partie, les mesures défensives russes. La plateforme de documentation occidentale Oryx a évalué les sources d’images disponibles. Selon ses informations, les Ukrainiens avaient perdu vendredi soir trois chars de combat Leopard 2 ainsi que onze véhicules de combat d’infanterie Bradley. Pour les troupes de Kiev, cela représente un revers sensible. En peu de temps, elles ont déjà perdu dix pour cent des Bradley promis jusqu’ici par les Etats-Unis.
Footage de la même zone. 5/https://t.co/alRKPVtLED pic.twitter.com/iXCjDzzFcb
- Rob Lee (@RALee85) juin 9, 2023
La vidéo ci-dessous montre une scène de combat, vraisemblablement au même endroit, du point de vue des troupes ukrainiennes et lorsqu’un de leurs véhicules de combat d’infanterie est touché :
Vers la fin, la vidéo montre toutefois que l’équipage peut quitter son véhicule endommagé sans dommage.
Il fallait s’attendre à de lourdes pertes lors de la contre-offensive. Les attaques ne sont pas liées à un effet de surprise, contrairement à la contre-offensive réussie de septembre dernier à l’est de Kharkiv, qui avait complètement pris les Russes par surprise.
Moscou a toujours considéré une contre-offensive de printemps au sud comme le scénario le plus probable et s’y est préparée pendant des mois. L’armée russe est bien retranchée derrière des ceintures de mines échelonnées et des barrages antichars. Selon le commandant russe sur le front de Zaporijia, le colonel-général Alexander Romantschuk, son artillerie et son aviation se sont montrées très efficaces pour repousser les assaillants ukrainiens. Dans un cas au moins, un drone kamikaze russe a également réussi à détruire un char Leopard, comme le montre une vidéo publiée samedi.

Les informations disponibles ne donnent toutefois qu’un aperçu limité des combats. Malgré la rhétorique triomphante du Kremlin, même les cartes russes provenant de sources proches de l’armée montrent une avancée ukrainienne d’un peu plus de deux kilomètres à Mala Tokmatchka. Ce n’est que dans quelques jours ou semaines que l’on pourra juger si l’offensive obtient au moins des succès partiels ou si elle s’enlise. Dans le meilleur des cas, les troupes ukrainiennes peuvent non seulement ouvrir une brèche dans la première ligne de défense russe, mais aussi percer la ligne de défense principale située derrière ; dans le pire des cas, elles doivent interrompre leur opération au prix de lourdes pertes, sans espoir de faire une nouvelle tentative prochainement.
Des sources russes ont énuméré six brigades ukrainiennes qui participent aux combats, dont trois équipées par l’OTAN. Cela représenterait au total jusqu’à 25 000 hommes. L’Ukraine a donc encore d’autres formations en réserve, dont la mission reste pour l’instant obscure.
Situation dramatique à Kherson
Les inondations catastrophiques sur le cours inférieur du Dnipro dans la province de Kherson n’ont aucun effet sur les combats actuels. Selon l’expert militaire américain Michael Kofman, cela devrait rester ainsi. Une attaque de grande envergure sur cette partie du front était déjà considérée comme improbable avant la destruction du barrage de Kakhovka, car le Dnipro constitue un obstacle difficile à franchir. La zone sinistrée est éloignée de plus de 200 kilomètres des combats actuels sur le front de Zaporijia. Mais la situation n’y est pas moins dramatique.
Deux jours après l’effondrement du barrage, 600 kilomètres carrés de terre étaient déjà sous l’eau, selon le gouverneur de la province. De nombreux habitants ont dû être sauvés de leur domicile par bateau. L’armée russe a fait preuve d’une perfidie particulière lorsqu’elle a tiré des obus sur la zone concernée jeudi, au milieu d’une opération d’évacuation ukrainienne dans la ville de Kherson.
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