L’Ukraine a besoin de garanties de sécurité pour l’après-guerre. Mais comment doivent-elles se présenter ? Il n’y a pas de consensus pour une adhésion à l’OTAN dans un avenir proche. Les alliés ont toutefois un prix de consolation pour Kiev.
Daniel Steinvorth

« Mourir pour Dantzig ? » – Mourir pour Dantzig ? », telle était la fameuse question que se posait l’opinion publique française à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Les pacifistes répondirent par la négative. On ne voulait pas envoyer ses propres soldats sur la lointaine côte de la Baltique si Hitler envahissait les territoires polonais. On voulait s’entendre avec le Reich allemand, même si la Pologne était alors un allié de la France.
L’opinion publique d’Europe occidentale serait-elle aujourd’hui prête à mourir pour Kiev ? Serait-elle prête, dans le pire des cas, à sacrifier ses propres soldats dans une guerre contre la Russie ? Cette question se pose avec acuité. Car l’Ukraine préférerait aujourd’hui plutôt que demain être intégrée dans la structure de sécurité de l’Occident. Depuis des mois, le gouvernement du président Volodimir Zelenski fait pression pour une adhésion rapide à l’OTAN et à l’UE.
La Pologne fait pression pour une adhésion rapide
Zelenski est soutenu par les pays situés sur le flanc est de l’OTAN, en particulier par la Pologne et les trois Etats baltes. Le chef de l’Etat polonais Andrzej Duda l’a une nouvelle fois souligné cette semaine lors d’une rencontre avec le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz.
La rencontre, qui s’est déroulée dans le format de discussion du « Triangle de Weimar », a porté sur la guerre en Ukraine et sur les futures garanties de sécurité pour Kiev. Duda a été le seul à demander une adhésion rapide à l’OTAN pour le pays. Lors de la conférence de presse commune, Macron a tourné autour du pot en disant qu’il voulait parler du « soutien de l’OTAN à l’Ukraine pour lui donner toutes les perspectives auxquelles elle a droit ». Scholz s’est lui aussi montré discret sur le sujet de l’adhésion à l’OTAN.
Le gouvernement fédéral allemand refuse catégoriquement que l’Ukraine rejoigne l’alliance avant la fin de la guerre en se référant au devoir d’assistance prévu par l’article 5 du traité de l’OTAN – tout comme les Etats-Unis et la plupart des autres alliés qui ne veulent pas être entraînés dans la guerre avec la Russie. Mais comme la fin des combats n’est pas en vue, la perspective concrète d’adhésion qu’espère l’Ukraine reste pour l’instant exclue.
Quelles options de pleine adhésion les pays de l’OTAN peuvent-ils proposer à l’Ukraine ? Anders Rasmussen, ancien secrétaire général de l’Alliance, s’est récemment exprimé à ce sujet dans une interview accordée au journal britannique « Guardian ». Selon lui, certains pays membres pourraient également déployer des soldats en Ukraine de leur propre initiative ou former une coalition de volontaires.
La Pologne pourrait se préparer à une telle solution si le prochain sommet de l’OTAN à Vilnius n’aboutissait pas à des promesses concrètes de sécurité pour Kiev. Il ne faut pas sous-estimer l’impatience des Polonais, a déclaré Rasmussen, qui conseille le gouvernement ukrainien sur les questions de sécurité. Varsovie a le sentiment que l’Europe occidentale a trop longtemps ignoré les avertissements sur les véritables intentions de la Russie.
Les 31 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Alliance se réunissent les 11 et 12 juillet dans la capitale lituanienne, et à cette occasion, ils veulent faire au moins un petit cadeau à l’Ukraine. L’actuelle Commission OTAN-Ukraine doit être revalorisée en un Conseil OTAN-Ukraine. A Bruxelles, cela est perçu comme une sorte de mise à niveau des relations communes. Kiev pourrait alors, dit-on, parler d’égal à égal avec ses alliés de questions importantes pour la sécurité euro-atlantique.
Parler d’égal à égal
Alors que la Commission OTAN-Ukraine n’est qu’un forum consultatif, Kiev serait en mesure, au sein d’un conseil réunissant les 31 pays membres, de prendre des décisions et de publier des déclarations sur un pied d’égalité. En revanche, le pays devrait continuer à se laisser regarder par-dessus son épaule dans ses efforts de réforme (par exemple dans le secteur de la défense ou dans la lutte contre la corruption). Le processus d’adaptation de l’Ukraine à l’OTAN est loin d’être terminé, dit-on à Bruxelles.
Chez Selenski, qui ne souhaite rien de moins qu’une « invitation claire » de la part des alliés à rejoindre l’Alliance, l’enthousiasme à l’égard du nouvel organe devrait être limité. D’autant plus qu’il faut encore attendre pour savoir si tous les Etats de l’OTAN soutiennent vraiment cette revalorisation. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a récemment bloqué à plusieurs reprises une coopération renforcée avec Kiev. Lorsque Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a assuré à Selenski il y a quelques semaines que la place de l’Ukraine était au sein de l’OTAN, Orban l’a contredit en lançant un « What ?! » péremptoire sur Twitter.
En amont d’une réunion des ministres de la Défense de l’OTAN ce jeudi, Stoltenberg a appelé les alliés à livrer davantage d’armes à l’Ukraine. Le Norvégien a également annoncé un plan d’action pour la production d’armements afin de pouvoir livrer à Kiev les munitions dont elle a un besoin urgent. Lors de la rencontre à Bruxelles, un échange avec plus de vingt représentants de l’industrie de l’armement est prévu pour la première fois. On s’attend à ce que les ministres formulent alors à nouveau des objectifs d’acquisition nettement plus élevés, notamment pour les munitions d’artillerie.
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