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Par Wang Shuo

Des informations ont récemment suggéré que le président français Emmanuel Macron aurait demandé au président sud-africain Cyril Ramaphosa une invitation au sommet des BRICS prévu en août, une nouvelle qui n’a pas encore été confirmée par les autorités françaises ou sud-africaines. Cette information a toutefois suscité un certain émoi dans l’opinion publique, car c’est la première fois qu’un dirigeant des pays développés du G7 chercherait à assister à un sommet des BRICS, surtout dans le contexte du conflit entre la Russie et l’Ukraine.
Certains observateurs, qui connaissent bien M. Macron, ont tendance à considérer que ce rapport n’est pas très choquant.
Tout d’abord, l’importance des BRICS ne cesse de croître. Les cinq pays qui les composent couvrent 26 % de la superficie totale du globe et ont une population combinée de 3,24 milliards de personnes, soit plus de 40 % de la population mondiale. Sans oublier que les cinq BRICS contribuent aujourd’hui à 31,5 % du PIB mondial, alors que la part du G7 est tombée à 30 %. Avant le prochain sommet, les BRICS ont reçu des offres d’adhésion de 19 pays, ce qui témoigne de leur importance en termes de potentiel de croissance, de marché et d’opportunités.
Dans le même temps, le rôle du Sud global devient de plus en plus important. Tout au long du conflit russo-ukrainien, l’Occident, y compris la France, a multiplié les sanctions à l’encontre de la Russie. Cependant, ils ont constaté que de nombreux pays en développement n’ont pas pris leur parti comme ils l’espéraient, mais sont restés neutres et ont appelé à une fin rapide du conflit et à un cessez-le-feu. La 59e conférence de Munich sur la sécurité, qui s’est tenue au début de l’année, s’est attachée à donner la parole aux pays du Sud. Elle indique que l’Occident éprouve un sentiment de crise et craint de perdre sa position dominante dans le monde. La France est confrontée à de multiples défis, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Ceci étant dit, pour Macron, établir des liens avec les BRICS pourrait être l’équivalent de déterrer des briques d’or pour la France.
Deuxièmement, la France a hérité du gaullisme. La France s’est toujours considérée comme une grande puissance et accorde une grande importance à la « diplomatie d’influence ». Le gaullisme est profondément ancré dans la politique étrangère française depuis de nombreuses années et est devenu un « politiquement correct » dont aucune administration ou dirigeant, y compris Macron, ne peut s’écarter. En tant que porte-drapeau d’une nouvelle génération de dirigeants européens, Macron considère que faire revivre la France est sa vocation politique et sa mission historique.
Troisièmement, Macron est un dirigeant pragmatique. Il ose briser les barrières. Cela se reflète non seulement dans ses réformes intérieures, mais aussi dans ses décisions de politique étrangère. Par exemple, il a proposé la création de la Communauté politique européenne, qui inclut le Royaume-Uni post-Brexit et les Balkans occidentaux non membres de l’UE, afin de résoudre les problèmes de sécurité de l’Europe. En avril, il s’est rendu en Chine avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et a montré une forte volonté de coopérer avec la Chine, alors même que les États-Unis renforçaient leur politique d’endiguement à l’égard de la Chine. Ces initiatives témoignent de sa capacité à saisir l’occasion et à faire preuve de créativité.
En outre, il est clair que l’influence mondiale de Washington est en déclin. Qu’il s’agisse de l’intention de Macron d’afficher son indépendance vis-à-vis des États-Unis ou de son intérêt éventuel pour une coopération accrue avec les pays du BRICS, tout indique que les États-Unis ne sont plus ce qu’ils étaient. M. Macron a souligné que l’hégémonie de l’Occident est peut-être en train de prendre fin en raison des erreurs commises par l’Occident lui-même. Il aurait fait pression sur Donald Trump pour qu’il revienne sur sa décision de retirer les États-Unis de l’accord de Paris sur le climat. Et à la fin de l’année 2022, il a fustigé la loi américaine sur la réduction de l’inflation. Pourtant, les résultats sont les mêmes : les États-Unis n’écoutent pas. Pire encore, les États-Unis profitant de la crise ukrainienne et transférant le fardeau à l’Europe, il est impossible pour la France, en tant que grande puissance européenne, de ne pas se plaindre. Par conséquent, la démarche de Macron peut être considérée comme l’expression d’un mécontentement à l’égard des États-Unis, qui, en tant que chef de file de l’Occident, deviennent de moins en moins fiables.
Les BRICS, en tant que mécanisme et plateforme prônant le multilatéralisme et la coopération, attirent l’attention d’un nombre croissant de pays, dont la France. Il s’agit là d’une évolution naturelle. Après tout, la coopération avec les pays en développement peut apporter des résultats positifs dans un monde turbulent.
Wang Shuo est professeur à l’école des relations internationales de l’université des études étrangères de Pékin.
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