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Quelle est la profondeur de la révolte dans l’armée russe ?

Stephen Bryen
Donald Rumsfeld, ancien secrétaire à la défense, a un jour ironisé : « Il y a des choses connues ; il y a des choses que nous savons que nous savons. Nous savons également qu’il y a des inconnues connues, c’est-à-dire que nous savons qu’il y a des choses que nous ne savons pas. Mais il y a aussi des inconnues inconnues – celles que nous ne savons pas que nous ne savons pas ». À l’heure actuelle, nous nous trouvons en territoire inconnu, en territoire inconnu, en ce qui concerne la tentative de coup d’État en Russie et ses conséquences.

Poutine nous a déjà dit en termes très clairs que lorsque Prigozhin et le groupe Wagner ont accepté de mettre fin à leur incursion, le pays a évité la guerre civile. Selon Poutine, l’accord conclu avec Prigozhin a permis d’éviter une guerre « fratricide ».

Mais Poutine nous fait savoir que cela aurait pu être le cas ! En d’autres termes, Poutine craignait que la Russie elle-même ne connaisse une véritable crise existentielle.

Surovikin (à gauche), Prigozhin (à droite)

Entre-temps, Prigozhin est revenu de Biélorussie à Moscou, soi-disant pour quelques heures seulement, afin de régler plus en détail l’avenir de Wagner. Sans le soutien financier de la Russie, Wagner fera faillite. De toute évidence, Prigozhin semble compter sur la promesse de Poutine de ne pas lui nuire.

Prigozhin possède son propre avion d’affaires, un Embraer Legacy 600. Ce jet fait l’objet de sanctions de la part de l’Occident.

Le casse-tête de Bakhmut

Un autre événement étrange s’est produit hier au nord de Bakhmut, où les Ukrainiens ont progressé contre les forces russes, retranchées pour empêcher l’Ukraine de prendre les flancs et de former une tenaille autour de la ville. Alors que les forces ukrainiennes montaient à l’assaut, bien visibles du côté russe, l’artillerie russe est restée silencieuse et n’a fait aucun effort pour soutenir les défenseurs russes. C’est tout à fait inhabituel, car l’armée russe fonde une grande partie de sa capacité défensive sur les frappes d’artillerie. Qu’est-ce que cela signifie ?

L’absence de soutien de l’artillerie dans le nord de Bakhmout pourrait signifier qu’aucun commandant russe local n’est en charge des forces d’artillerie et de roquettes dans la région. Comment cela se fait-il ? Ont-ils été arrêtés ou purgés, ou se passe-t-il quelque chose d’autre ?

Une autre explication est que l’artillerie russe était nécessaire ailleurs, car l’Ukraine est en train de renforcer sa contre-offensive dans la région de Zaporizhzhia. Cependant, l’Ukraine attaque autour de Bakhmut depuis deux semaines, et il semble donc peu probable qu’elle ait retiré son artillerie.

Le troisième point de données est basé sur des déclarations spéculatives de blogueurs militaires russes. Ils affirment que le général Sergey Surovikin et son adjoint, le général Andrey Yudin, adjoint de Surovikin, ont été emmenés à la prison moscovite de Lefortovo pour un interrogatoire « préliminaire ». Cela s’est produit avant même que le New York Times n’affirme que les services de renseignement américains pensaient qu’il était possible que Surovikin soit impliqué dans les préparatifs de l’opération Prigozhin-Wagner. Si Surovikin et Yudin ont été arrêtés, de plus gros problèmes guettent les dirigeants de l’armée russe. Le New York Times a suggéré que d’autres généraux russes pourraient être impliqués.

Il convient de rappeler que Surovikin a réalisé une vidéo appelant les forces Wagner à mettre fin à leur opération d’invasion de la Russie et à retourner dans leurs camps. L’une des questions qui se posent est de savoir si cette vidéo est réellement parvenue aux forces Wagner pendant leur opération, ou si elle a été préparée pour que Surovikin puisse nier de manière plausible avoir participé au coup d’État de Prigozhin. L’une des bizarreries de la vidéo, comme je l’ai déjà souligné, est que Surovikin tient un pistolet automatique sous son bras droit.

S’il s’agit d’une crise plus importante au sein de l’armée russe, qui s’étend bien au-delà de Surovikin, elle pourrait conduire à l’effondrement du leadership de Poutine et à une refonte de l’État russe. Si Poutine parvient à contenir la situation, à apaiser les généraux et à se débarrasser de quelques pommes pourries, il pourrait survivre.

M. Poutine dispose d’une garde présidentielle et d’une équipe de sécurité destinées à le protéger. Mais dans une période de stress, d’incertitude et de duplicité, Poutine devra constamment regarder par-dessus son épaule.

Garanties de sécurité pour l’Ukraine

En Ukraine même, les forces russes ont subi ces derniers jours deux ou trois revers sur la ligne de contact, mais (à l’exception du flanc de Bakhmut) semblent opérer normalement. Les observateurs estiment que l’Ukraine va faire un effort considérable au cours de la semaine prochaine pour tenter de remporter une victoire significative. Cela aiderait l’OTAN à donner à l’Ukraine des garanties de sécurité, qui valent en réalité beaucoup plus que l’adhésion à l’OTAN. L’adhésion à l’OTAN est un accord de défense collective et l’article 5 de l’accord prévoit des consultations en cas d’attaque d’un État membre. Il ne garantit pas une réponse et ne dicte pas ce qui sera fait. En outre, la mise en œuvre de l’accord requiert un vote unanime, et certains membres de l’OTAN pourraient s’opposer à un vote formel en faveur de la défense de l’Ukraine par l’envoi de troupes.

Offrir des garanties de sécurité à l’Ukraine, c’est autre chose. Elle contourne le fondement de la défense collective de l’alliance et préengage l’OTAN à se porter à la défense de l’Ukraine. C’est quelque chose de nouveau et, dans une certaine mesure, d’effrayant puisqu’il semble s’agir d’un engagement à durée indéterminée, sans vote ultérieur des membres. Si l’OTAN va de l’avant avec les garanties de sécurité ukrainiennes, et en supposant qu’elles soient réelles, une garantie de sécurité représenterait un changement massif dans la base de l’alliance de l’OTAN.

Pendant ce temps, la saga russe continue de se dérouler.

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