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disparition, Elizabeth Tsurkov, Irak, irresponsabilité, mise en danger d’autrui
Andrew Korybko

Aucune personne vraiment bien intentionnée n’entrerait jamais dans un pays où elle n’a pas le droit de se rendre en utilisant un autre passeport, et encore moins pour y étendre clandestinement son réseau de sources. Elizabeth Tsurkov, chercheuse russo-israélienne basée aux États-Unis, a sciemment trompé les autorités et a ensuite mis ses contacts en danger en les rencontrant en personne. Pire encore, elle a fait tout cela alors qu’elle s’identifiait publiquement sur les médias sociaux avec le même pays que celui auquel il est légalement interdit d’avoir des liens.
On vient d’apprendre que l’universitaire russo-israélienne Elizabeth Tsurkov, basée aux États-Unis, a disparu en Irak, où elle effectuait un travail de terrain dans le cadre de ses recherches à Princeton. Elle serait arrivée dans le pays avec son passeport russe, l’Irak n’autorisant pas l’entrée des citoyens israéliens. L’Iran est accusé d’avoir organisé son enlèvement par l’intermédiaire de ses alliés locaux, ce qui, selon un média, viserait à mettre en place un échange de prisonniers très médiatisé contre un agent du CGRI qui, selon Israël, aurait été capturé le mois dernier à l’intérieur même de la République islamique.
Les médias grand public présentent Tsurkov comme une victime innocente après qu’un haut fonctionnaire israélien anonyme a nié qu’elle soit membre du Mossad, comme certains avaient commencé à le soupçonner. Quels que soient ses liens avec l’agence de renseignement de ce pays, elle n’avait rien de bon à faire lorsqu’elle a disparu en Irak. Du point de vue des groupes patriotiques locaux, il aurait été légitime de détenir Tsurkov pour les cinq raisons qui vont maintenant être expliquées.
Tout d’abord, elle n’aurait jamais dû entrer dans un pays qui interdit l’entrée aux citoyens israéliens comme elle. En arrivant en Irak avec son passeport russe, elle a délibérément trompé les autorités. Lorsque cela a été découvert, elle a été immédiatement soupçonnée d’être une espionne, de même que toutes les personnes avec lesquelles elle était entrée en contact jusque-là. Elle a donc fait preuve d’une grande irresponsabilité, ce qui ne sied pas à une chercheuse de l’Ivy League telle qu’elle se présente et jette un doute supplémentaire sur sa crédibilité.
Deuxièmement, la nature même de son travail la rend suspecte. Selon le New Lines Institute for Strategy and Policy, où elle est boursière non résidente, « ses recherches reposent sur un vaste réseau de contacts – civils ordinaires, activistes, combattants et dirigeants communaux, politiques et militaires – qu’elle a établi dans tout le Moyen-Orient et en particulier en Syrie, en Irak et en Israël-Palestine ». Le service de contre-espionnage irakien avait donc des raisons de s’inquiéter de son activité.
Troisièmement, elle cultivait clandestinement son vaste réseau régional avec des sources dont les pays interdisent à leurs ressortissants d’avoir des liens avec son pays ou ses ressortissants. En tant qu’Israélienne, elle l’aurait certainement su, ce qui signifie qu’elle a délibérément mis ces personnes en danger pour des raisons qu’elle seule peut expliquer. Les chercheurs sont censés respecter un code d’éthique selon lequel ils ne font jamais rien qui puisse nuire à leurs sujets, alors que Tsurkov a fait exactement le contraire.
Le quatrième point est qu’elle était consciente que son travail servait les intérêts israéliens, que ce soit de la manière dont elle les conçoit subjectivement ou selon les ordres spéculatifs de personnes soupçonnées de s’en occuper, comme le prouve le fait que son compte Twitter @Elizrael fait explicitement référence à ce pays. Elle a le droit de s’identifier publiquement à n’importe quel pays et d’être ainsi associée à lui par d’autres, surtout si elle en est la ressortissante, mais cela montre bien qu’elle savait que tout ce qu’elle faisait mettait ses sources en danger.
Enfin, les groupes patriotiques locaux n’ont peut-être pas fait confiance aux services de sécurité de leur pays corrompu pour gérer correctement la menace de contre-espionnage que représentait Tsurkov après avoir découvert ses liens avec Israël et la nature suspecte de son travail, raison pour laquelle ils ont peut-être agi unilatéralement en tant que justiciers. Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur sur le scénario dans lequel ces groupes auraient pu être responsables de sa disparition, mais simplement de souligner pourquoi ils auraient pu agir en dehors des limites de la légalité.
Tsurkov aurait dû savoir qu’elle ne devait pas se rendre en Irak, puisque c’est illégal pour les citoyens israéliens, mais elle s’y est quand même rendue afin d’étendre son réseau de sources sur place, sous prétexte d’effectuer un travail de terrain dans le cadre de ses recherches à Princeton et en utilisant son passeport russe pour s’y rendre. Même si elle n’avait rien à voir avec Israël, son travail l’aurait placée sur le radar des services de contre-espionnage régionaux, qui enquêtent sur les réseaux liés à l’étranger à l’intérieur de leur pays.
Aucune personne vraiment bien intentionnée n’entrerait jamais dans un pays où elle n’a pas le droit de se rendre en utilisant un autre passeport, et encore moins pour y étendre clandestinement son réseau de sources. Elle a sciemment trompé les autorités et a ensuite mis ses contacts en danger en les rencontrant en personne. Pire encore, elle a fait tout cela en s’identifiant publiquement sur les médias sociaux avec le même pays que celui auquel il est légalement interdit d’avoir des liens.
On peut toujours soutenir Tsurkov et rester convaincu qu’elle est supposée être une victime innocente, exactement comme le prétendent les médias grand public, mais il est malhonnête de nier qu’elle s’est comportée de manière hautement irresponsable, en prenant de grands risques pour elle-même et ses sources en Irak, ce qui contredit les attentes d’une chercheuse de l’Ivy League. C’est pourquoi il existe des raisons plausibles de la soupçonner d’espionnage sous cette couverture, même si la question de savoir si elle aurait dû ou non être détenue reste débattue.
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