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Henri TEMPLE, Professeur de droit économique honoraire, philosophe de la nation.
Le discours prononcé le 13 septembre par la présidente de la Commission illustre l’américanisation des élites européennes et le caractère anti-démocratique des institutions de l’Union.

Déjà en campagne pour demeurer présidente de la Commission — après les élections européennes de juin 2024 —, Ursula von der Leyen a prononcé son discours sur discours. Un des moindres enjeux des élections de juin prochain sera de savoir si elle conserve son poste. Mais les Français doivent impérieusement s’intéresser à ce scrutin, autant sinon plus important que la présidentielle de 2027. D’une part, car 2027 c’est très loin pour notre France qui va si mal ; d’autre part, car désormais, l’essentiel de notre politique, de notre économie, de l’immigration, de la paix ou de la guerre, l’entrée de la Turquie, est tramé à Bruxelles. Pas à Paris.
Il faut donc revenir sur ces deux derniers (on l’espère) discours. Le premier est intitulé — en toute modestie — « Discours sur l’état de l’Union »… une expression empruntée aux pratiques constitutionnelles des présidents des États-Unis !
Avant d’analyser son contenu, il faut démasquer cette imposture qui ne semble ne plus choquer personne… Les Français en général, et leurs journalistes trop souvent, n’aiment guère le droit, ardu et complexe, qui demande du temps et une attention soutenue. Pourtant, toute société fonctionne, bien ou mal, selon des règles juridiques : il faut donc en passer par le droit, ou renoncer à avoir une opinion sensée.
Le premier qui osa prononcer, devant le parlement européen, un « discours sur l’état de l’Union » fut Jose Manuel Barroso en 2010 après le Traité de Lisbonne (dont il fut la cheville ouvrière) et sa réélection. Il est vrai que ce personnage, doté d’un estomac énorme, osa tout. À Bruxelles et Washington, on aime ce genre de personnages* : on fait ce qu’on veut des girouettes corrompues.
Le stupéfiant discours d’Ursula von der Leyen sur « l’état de l’Union européenne » prononcé le 13 septembre 2023 en dit long.
Par delà la volonté ridicule de singer les États-Unis, il faut relever qu’Ursula von der Leyen est une simple fonctionnaire, non élue au suffrage universel.
Et, surtout, ce Discours est une véritable tromperie institutionnelle. Dans la littérature propagandiste de Bruxelles, on lit que « Le Discours sur l’état de l’Union est un événement annuel instauré par le traité de Lisbonne où le président de la Commission européenne fait le bilan de l’action de la Commission ». C’est une falsification. Et, d’abord, il faut rappeler que le Traité de Lisbonne lui-même fut lui-même le résultat d’un coup d’État institutionnel (les Français l’avaient rejeté sous une autre forme, à 55 %, 3 ans plus tôt).
En effet, le Traité de Lisbonne — non voté par la Nation qui avait rejeté la première version dite « constitution européenne » (il faut sans trêve le redire) — ne prévoit nullement cette parodie des États-Unis. L’arnaque institutionnelle ici démasquée est la suivante, au prétexte de l’article 295 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Ce texte indique : « Le Parlement européen, le Conseil et la Commission procèdent à des consultations réciproques et organisent d’un commun accord les modalités de leur coopération. À cet effet, ils peuvent, dans le respect des traités, conclure des accords interinstitutionnels qui peuvent revêtir un caractère contraignant. » C’est ainsi que des accords interinstitutionnels entre le Parlement européen et la Commission ont été conclus, en 2010 : un accord-cadre sur les relations entre le Parlement européen et la Commission européenne. Mais ce n’est que dans une des annexes (l’annexe IV, sous la rubrique très discrète : Calendrier afférent au programme de travail de la Commission) que l’on découvre, bien dissimulé dans le point 5 : « Chaque année, au cours de la première période de session de septembre, a lieu un débat sur l’état de l’Union à l’occasion duquel le président de la Commission prononce une allocution dans laquelle il dresse le bilan de l’année en cours et esquisse les priorités pour les années suivantes. À cette fin, le président de la Commission précisera parallèlement par écrit au Parlement les éléments clés présidant à l’élaboration du programme de travail de la Commission pour l’année suivante. » Voici ce qui est devenu désormais, très pompeusement : « Discours sur l’état de l’Union » alors que, initialement, ce ne devait être qu’un bilan, un compte rendu. Pour abuser l’opinion, on en a fait une innovation du scélérat traité de Lisbonne, ce qu’il n’est même pas. Une arnaque juridique textuelle sur un coup d’État institutionnel : voici comment on détruit l’Europe pour édifier, à sa place, pernicieusement, la dictature bruxelloise.
En outre, grâce à ce mensonge d’origine, on peut mieux comprendre les ambitions, les menées, les échecs systémiques, et les dérives du système bruxellois. C’est de cette dérive grotesque, inefficace, coûteuse, dangereuse que les citoyens ne veulent plus dorénavant.
En juin 2024 il faudra abattre ce système.
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*José Manuel Barroso est un diplomate portugais. Lors de la « révolution des œillets » (1974), il est le président des étudiants maoïstes aux côtés des communistes.
Mais ce grand opportuniste dépourvu de convictions est récupéré et se reconvertit : en 1979 il fonde l’Association universitaire d’études européennes, puis (étudiant prolongé) il obtient à près de 30 ans à l’Institut universitaire d’études européennes de Genève un diplôme et fait un séjour aux États-Unis (Université de Georgetown). Il ne cessera, depuis ce séjour, de servir et se servir des États-Unis. Il deviendra ensuite membre du Parti social-démocrate, député, ministre et sera l’artisan du départ des Portugais d’Angola. Il s’aligne sur Bush pour la deuxième guerre d’Irak : l’ex-maoïste devient atlantiste à tous crins (sommet des Açores). Et anti-français. Il sabote le projet de construction de l’avion militaire européen, Airbus A400M.
En 2016 Barroso est embauché par… Goldman Sachs dont il avait été proche en tant que président de la Commission. Il devient aussi conseiller spécial du Groupe Latsis, qui recevait des financements européens. Barroso est désormais Président du board du GAVI (l’alliance pour les vaccins). Membre de Bilderberg (2013 à 2020), il critique aussi l’exclusion du secteur de l’audiovisuel de la négociation du Traité de libre-échange entre États-Unis et UE, qu’il considère comme « totalement réactionnaire ».