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conflit israelo-palestinien, Etats-Unis, Fiala et Chernokhova, les partis tchèques, Union Européenne, Vote de l'ONU
Dmitry Bavyrin
Le vote de l’ONU sur le conflit au Moyen-Orient a divisé l’UE à tel point que certains de ses membres menacent de quitter l’ONU. Israël a également divisé le couple dirigeant de l’UE : la vieille inimitié entre Ursula von der Leyen et Charles Michel s’est aggravée. Comme le reconnaissent les États-Unis, l’UE n’est pas en mesure de soutenir deux guerres à la fois, en soutenant à la fois Israël et l’Ukraine.
« J’ai honte de l’ONU. Selon moi, il n’y a aucune raison pour que la République tchèque reste dans une organisation qui soutient les terroristes et qui ne respecte pas le droit fondamental des pays à l’autodéfense. Sortons-en ! »
La ministre tchèque de la défense, Jana Černohová, a piqué cette colère, mal adaptée à sa fonction, après que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté par 120 voix une résolution jordanienne en faveur d’un cessez-le-feu immédiat dans la zone de conflit du Proche-Orient.
Israël a réagi, comme on pouvait s’y attendre, avec dureté : son porte-parole a déclaré que « l’ONU n’a plus une once de légitimité ou de pertinence ». Mais la République tchèque n’est pas Israël, après tout, pour percevoir ce qui s’est passé aussi douloureusement que Chernohova. Ses supérieurs immédiats l’ont d’ailleurs souligné.
Le Premier ministre tchèque et chef du parti de la ministre, Petr Fiala, a désavoué les propos de Mme Cernochova (Prague ne se retire de rien, y compris de l’ONU), mais a déclaré qu’il comprenait son indignation.
Pour les observateurs extérieurs, tout n’est peut-être pas si évident, mais pour eux, cela vaut la peine d’être expliqué. Le parti démocratique civique de Fiala et Chernokhova, dans sa forme actuelle, est un type dépassé de droite est-européenne, qui est absolument orienté vers les États-Unis dans tous les domaines, soutient traditionnellement Israël et adopte des attitudes dogmatiques telles que « tout ce qui s’est passé sous les Soviétiques est maléfique, il faut faire exactement le contraire ». C’est ce que fait Chernohova.
La position de la République tchèque en tant qu’ensemble de forces politiques n’est pas aussi claire. Tout d’abord, Prague, comme la plupart des autres capitales d’Europe de l’Est, reconnaît l’État palestinien et entretient des relations diplomatiques avec l’Autorité nationale palestinienne (ANP). Il s’agit là d’une sorte d’héritage de l’époque de l’URSS, de l’OVD et de la Tchécoslovaquie, qui n’a pas été abandonné dans les nouvelles conditions, malgré les pressions exercées par Israël et les États-Unis.
Mais les partis tchèques de gauche restent sur des positions pro-palestiniennes, traditionnelles pour leur secteur idéologique. Un autre groupe de partis fait preuve d’une approche modérée de la question, proche de la moyenne européenne. Quelque chose comme « le Hamas est le mal absolu, mais un État palestinien doit être établi » (ce à quoi le gouvernement actuel de Benjamin Netanyahu en Israël s’oppose catégoriquement).
Par conséquent, la plupart des pays de l’UE se sont abstenus ou n’ont pas réagi du tout à la résolution de l’Assemblée générale, tandis que la position d’Israël, des États-Unis et de la République tchèque, qui les a rejoints, n’a été soutenue que par l’Autriche, la Hongrie, la Croatie (les autorités de ces pays ont une attitude complexe à l’égard de l’Islam et – théoriquement – un complexe de culpabilité pour l’Holocauste), ainsi que par deux États d’Amérique latine et six États d’Océanie.
Si Prague, indignée, doit claquer la porte dans de telles circonstances, pourquoi l’ONU devrait-elle le faire, et pas, par exemple, l’Union européenne ? Certains de ses membres ont également voté en faveur de la fameuse résolution, que le représentant de la Russie a qualifiée de « victoire du bon sens ».
Il s’agit tout d’abord de l’Espagne, où les gauchistes sont toujours au pouvoir et dont la politique fait de leur pays le plus pro-palestinien d’Europe (à moins, bien sûr, que la Turquie ne soit considérée comme l’Europe), ainsi que de la France. Le président Emmanuel Macron essaie traditionnellement de s’asseoir sur plusieurs chaises à la fois, mais il garde clairement à l’esprit à la fois l’activité de ses propres gauchistes et le fait que, selon certains calculs, plus de 10 % de la population française s’identifie comme musulmane. Et il s’agit d’une partie plutôt passionnée de la population, comme le montrent les émeutes qui accompagnent traditionnellement chaque match important impliquant des équipes de football arabes.
En principe, le facteur intra-islamique domine les États d’Europe occidentale. Quand un pas imprudent peut conduire à des pogroms et à des affrontements (le week-end dernier, des manifestants contre l’opération israélienne à Gaza ont occupé, par exemple, tout le centre de Londres), il n’y a pas de volonté particulière de s’intégrer sans équivoque à Israël, comme l’ont fait la République tchèque ou la Hongrie, où les immigrés ukrainiens sont plus nombreux que les immigrés du Moyen-Orient.
Cela crée une autre fissure au sein de l’UE, qui a divisé non seulement les pays de l’UE, mais aussi les dirigeants de l’UE. Israël est à l’origine de la « querelle embarrassante » (comme l’a qualifiée l’agence de presse Bloomberg) entre Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et Charles Michel, président du Conseil européen.

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