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« Il y a eu absence de débat sur Israël, ce qui va à l’encontre de nos politiques sur le transfert d’armes », déplore-t-il.

Josh Paul dit avoir quitté ses fonctions au département d’État américain parce que les règles sur le transfert d’armes ne tiennent plus lorsqu’Israël en est le destinataire.
Azeb Wolde-Giorghis
Deux semaines après sa démission très publique du département d’État, Josh Paul nous explique que la situation lui était intenable.
Nous retrouvons Josh Paul assis sur les marches de la National Gallery, tout près du Capitole, à Washington. Il est presque 17 h.
Après un bref échange de courtoisie, il revient sur ces deux dernières semaines et sur les raisons qui l’ont poussé à remettre sa démission, après 11 années au bureau militaire du département d’État américain.
Durant toutes mes années au département d’État, ça n’a jamais été notre objectif de fournir des armes létales à un pays en sachant qu’elles allaient servir à tuer de façon massive des populations civiles.
Josh Paul, ex-directeur du bureau militaire du département d’État
Ce n’est pas la première fois qu’on est confronté à des questions morales complexes
, dit-il. Mais dans le cas du conflit entre Israël et le Hamas, on ne suivait plus du tout les lignes directrices habituelles applicables à n’importe quel transfert d’armes à un pays. Dans le cas de l’Ukraine, par exemple, lorsqu’il a été question d’envoyer des bombes à fragmentations, il y a eu un débat, l’administration Biden était réceptive aux différentes recommandations et conditions, et a toujours tenu compte des droits de la personne. Pour Israël, il fallait juste répondre aux demandes.
Pourtant la politique de la Maison-Blanche sur le transfert des armes a toujours été claire, insiste-t-il : S’il y a plus de chance que l’utilisation des armes américaines conduise à des violations des droits de la personne, alors le transfert ne sera pas autorisé. Dans le conflit entre Israël et le Hamas, il y a violation des droits de la personne, mais cette politique a été mise de côté.
Selon lui, il était inévitable que les armes fournies par les États-Unis à Israël soient utilisées contre Gaza et provoquent des pertes massives au sein de la population civile.
Lorsque j’ai soulevé mes inquiétudes, il n’y a pas eu de volonté de m’écouter, pas d’intérêt. On s’est empressé de fournir des armes à Israël, sans le moindre débat. Je devais démissionner.
Josh Paul, ex-directeur du bureau militaire du département d’État
Lorsqu’il a remis sa démission, on lui aurait offert du soutien psychologique, en lui disant que s’il ne travaillait pas dans cette division, quelqu’un d’autre le ferait, mais aussi qu’il ne fallait plus qu’il remette en question les politiques du département.
Critiquer Israël est un terrain glissant, nous confie-t-il. Évidemment qu’Israël devait riposter aux attaques monstrueuses du Hamas, mais combien d’enfants palestiniens doivent mourir pour cela?
demande-t-il.
Il y a de la beauté partout dans le monde, elle a besoin d’être protégée pour pouvoir fleurir. C’est mon désir le plus profond pour les Israéliens et les Palestiniens
, a-t-il écrit dans sa lettre de démission. Le meurtre de civils par des terroristes lors d’un rave ou le meurtre de ceux qui récoltent leurs oliviers sont les ennemis de ce désir. L’enlèvement d’enfants, les menaces à main armée dans des kibboutz, tout comme la punition collective, le nettoyage ethnique, l’occupation, l’apartheid sont les ennemis de ce désir.
Selon Josh Paul, il y a deux poids, deux mesures quand il s’agit de l’Ukraine et d’Israël.
Il y a un double discours. On est contre l’occupation russe en Ukraine, mais pour ce qui est de l’occupation israélienne des territoires palestiniens, il y a un silence. On la facilite, même.
Josh Paul, ex-directeur du bureau militaire du département d’État
Il estime que les États-Unis sont perçus comme des hypocrites. Nos arguments ne tiennent plus au Moyen-Orient ni à travers le monde, regrette-t-il. On affaiblit notre marque de commerce, qui est la démocratie. Je pense qu’on est en train d’endommager de manière irréparable notre politique étrangère.
Au total, les exportations d’armes des États-Unis sont évaluées à 180 milliards de dollars par année. Israël recevrait 3, 8 milliards de dollars en soutien militaire et sécuritaire.
Il dénonce le soutien, qu’il qualifie d’aveugle
, de l’administration de Joe Biden à Israël, en affirmant que la riposte de Tel-Aviv va mener à plus de souffrance tant du côté israélien que palestinien.
Il redoute une escalade de la violence dans ce conflit, tout en étant soulagé de ne plus être responsable du transfert des armes.