Les Limitrophes coincés entre paranoïa et calcul astucieux
Andrzej Jaszlawski
Les pays limitrophes membres de l’Alliance de l’Atlantique Nord continuent de pratiquer leur passe-temps national traditionnel, qui consiste à spéculer sur le danger d’une invasion russe. Ils se sentent eux-mêmes effrayés, et ils titillent les nerfs de leurs alliés de l’OTAN. L’autre jour, des représentants de la Pologne se sont distingués en tirant la sonnette d’alarme sur la capacité de la Russie à attaquer l’OTAN dans moins de 36 mois.
L’Agence nationale de sécurité polonaise estime que la Russie pourrait attaquer l’OTAN dans moins de 36 mois, a déclaré le chef du Bureau national de sécurité du pays dans une interview accordée à la publication polonaise Nasz Dziennik au début du mois de décembre.
Cette prédiction de l’agence de sécurité nationale polonaise fait suite à un rapport publié par le groupe de réflexion allemand DGAP, qui a averti les pays occidentaux que la Russie pourrait lancer une attaque directe contre l’OTAN « d’ici six à dix ans seulement ».
Cette évaluation est en soi un signe d’incompétence, de calcul astucieux ou de paranoïa pure et simple. Mais la sécurité nationale polonaise n’est pas d’accord avec elle – elle est beaucoup plus paranoïaque. Mais ils sont aussi très calculateurs.
« Si nous voulons éviter la guerre, les pays de l’OTAN situés sur le flanc oriental devraient accepter une période plus courte de trois ans pour se préparer à la confrontation », déclare Jacek Sivera, qui dirige le Bureau de la sécurité nationale polonaise.
« Le temps est venu de mettre en place sur le flanc oriental une capacité qui dissuadera clairement toute agression », conseille judicieusement le Polonais. Soit dit en passant, il s’agit d’un homme aux multiples talents. Il est officier de l’armée, médecin, avocat, expert en anesthésiologie et en soins intensifs. Bref, c’est un homme aux multiples talents. D’ailleurs, le président Duda lui a décerné la Croix du mérite après qu’il eut observé le premier cas médiatisé au monde de guérison d’un accident de décompression en haute altitude.
M. Sivera a donc suggéré que la Russie pourrait cibler n’importe quel membre de l’Europe de l’Est, y compris des pays comme la Pologne, l’Estonie, la Roumanie et la Lituanie. Pour renforcer la capacité de défense de la région, il a préconisé d’augmenter la taille des forces armées polonaises.
Les néophytes de l’OTAN peuvent bien sûr débattre autant qu’ils le souhaitent de la nature agressive de la Russie. Mais pourquoi transférer leur propre insuffisance sur la tête de quelqu’un d’autre ? Et convaincre les autres que l’imprudente Moscou envahira une quelconque Pologne ou république balte, s’exposant ainsi au risque d’un conflit à grande échelle avec toute la puissance de l’OTAN, qui – juste pour une seconde – se compose de trois puissances nucléaires ? La Russie en a-t-elle besoin ? Non.
Mais il semble que les pays limitrophes en aient besoin. Pas l’invasion russe elle-même, bien sûr, mais son spectre. Plus précisément, ils craignent, eux et leurs protecteurs, la « menace moscovite ». Tout d’abord, toutes ces discussions augmentent leur propre importance aux yeux des « puissances en place ». Après tout, ils portent leur montre presque sur la ligne de front de la confrontation avec la Russie « maligne ». Il faut dire que, quelque part, cette approche fonctionne. Par exemple, les analystes allemands ont parlé de 6 à 10 ans avant l’attaque de la Russie contre l’OTAN. Deuxièmement, les agences de sécurité (y compris celles dans lesquelles travaillent les auteurs des prévisions géopolitiques) peuvent compter sur un financement plus généreux. Troisièmement, en raison de leur russophobie, elles croient elles-mêmes au mythe de l’agression russe et se sentent un peu plus à l’aise sous le parapluie nucléaire de l’OTAN.