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Andrew Korybko

Quelle que soit la noblesse de la cause palestinienne aux yeux de beaucoup, il est malhonnête de nier que de mauvais acteurs en profitent pour faire avancer leur agenda néfaste.

La dernière guerre entre Israël et le Hamas a polarisé le monde, mais la Russie a résisté à l’immense pression exercée sur elle pour qu’elle choisisse un camp et a au contraire doublé sa politique de neutralité de principe à l’égard de ce conflit. L’analyse précédente explique cela en détail en citant l’une des interviews du ministre des affaires étrangères, M. Lavrov. Elle comprend également une liste d’analyses antérieures sur ce sujet qui vont plus loin dans le détail. Toutefois, la présente analyse se concentre exclusivement sur l’idée qu’il a partagée avec le Conseil de la Fédération la semaine dernière.

Selon ce diplomate de haut rang, « la perpétuation de l’injustice à l’égard du peuple palestinien, auquel on a solennellement promis un État en 1948, est un terreau fertile pour l’émergence de graves sentiments terroristes et extrémistes. En tout cas, elle permet aux terroristes d’utiliser la frustration des Palestiniens et des autres peuples arabes pour recruter encore plus de partisans de la résistance armée et de la création de groupes terroristes ». Cet avertissement audacieux va à l’encontre du « politiquement correct » contemporain à l’égard du conflit.

L’opinion mondiale est fortement en faveur de la Palestine, à la fois pour des raisons juridiques internationales et pour des raisons humanitaires liées à la punition collective infligée par Israël à son peuple, ce qui a renforcé le soutien aux Palestiniens. De nos jours, il est tabou pour tout analyste, journaliste ou fonctionnaire non occidental de dire quoi que ce soit qui puisse être interprété, même de loin, comme une légère critique de cette cause. Ceux qui le font risquent d’être malicieusement qualifiés d' »islamophobes », d' »agents occidentaux » et/ou de « sionistes ».

Aucune de ces accusations ne collera à la peau du ministre russe des affaires étrangères, qui vient d’avertir que les terroristes exploitent cette cause, puisque son pays est islamophile, mène une guerre par procuration contre l’Occident en Ukraine et a condamné le châtiment collectif infligé par Israël aux Palestiniens. M. Lavrov peut donc s’exprimer librement en sachant que tous ceux qui l’attaquent avec des calomnies aussi peu fondées ont des arrière-pensées dont ils sont les seuls à pouvoir rendre compte s’ils sont publiquement mis au défi de le faire.

Quelle que soit la noblesse de la cause palestinienne aux yeux de beaucoup, il est malhonnête de nier que de mauvais acteurs en profitent pour faire avancer leurs objectifs néfastes. Beaucoup de gens ordinaires qui se sentaient déjà très concernés par cette question avant même la dernière guerre risquent de se radicaliser après s’être sentis impuissants à mettre un terme à la punition collective infligée par Israël aux Palestiniens, qui a tué plus de 18 000 civils jusqu’à présent. Ils ne se contentent pas d’être en colère et de décider de boycotter Israël ou de protester, mais certains commencent à préparer leur vengeance.

Les notions de justice partagées ont été une force mobilisatrice importante tout au long de l’histoire, et il n’y a rien de mal à cela non plus, mais des individus mal intentionnés pourraient manipuler certaines des personnes qui éprouvent ce sentiment pour qu’elles agissent à leur guise. Tel est le risque croissant en ce qui concerne la Palestine, du point de vue du plus haut diplomate russe, qui s’inquiète de la manière dont les images et les séquences tragiques que les pro-Palestiniens ressentent déjà avec passion pourraient être exploitées à des fins malveillantes, comme le terrorisme.

Une fois que quelqu’un est enrôlé dans de tels groupes, il est souvent difficile de s’en extraire en toute sécurité, surtout s’il en est venu à avoir des enjeux tangibles dans leur succès, par exemple s’il a déjà commis des crimes comme des enlèvements ou pire au nom de cette cause. Les choses s’enchaînent rapidement et les personnes impliquées finissent facilement par ruiner leur vie avant même de s’en rendre compte. Leur famille peut également être touchée, ce qui a pour effet de propager la contagion à d’autres personnes et de contaminer encore plus la société.

S’il y aura toujours des individus psychologiquement à risque, vulnérables au recrutement terroriste en raison de leurs instabilités préexistantes, quelle que soit leur origine, le problème que pose la cause palestinienne est qu’il s’agit d’une cause légitime qui, à juste titre, suscite des émotions intenses chez le commun des mortels. C’est précisément parce qu’il s’agit d’une cause très répandue que d’innombrables personnes pourraient se radicaliser en raison des injustices dont elles sont victimes, en particulier si elles sont exposées à des influences religieuses extrémistes.

Même si elles ne rejoignent pas des groupes terroristes, elles peuvent néanmoins se livrer à des activités illégales, de leur propre chef ou après avoir été guidées dans cette direction par de tels groupes, l’émeute de l’aéroport du Daghestan à la fin du mois d’octobre étant un parfait exemple de ce dernier cas. Comme nous l’avons fait remarquer à l’époque, « Les émeutes en prétendu soutien à la Palestine discréditent la cause de l’indépendance de son peuple », mais un nombre croissant de personnes à travers le monde participent à ces activités illégales en raison de leur radicalisme grandissant sur cette question.

Nombre d’entre eux sont des gens ordinaires qui ont simplement perdu le contrôle de leurs émotions après s’être sentis impuissants à empêcher Israël de tuer tant de civils palestiniens au cours de cette guerre, et bien qu’ils doivent assumer l’entière responsabilité juridique de leurs actes, peu d’entre eux envisageraient d’adhérer à un groupe terroriste. Les perturbations sociales et les problèmes de sécurité qui en découlent pourraient donc être évités à titre préventif en supprimant l' »événement déclencheur » qui les a « provoqués » en premier lieu.

D’où l’importance d’une résolution juste et légale du conflit israélo-palestinien dans les plus brefs délais, afin de réduire le rythme auquel la radicalisation sur cette question se propage dans la société mondiale. La menace est particulièrement aiguë dans les pays à majorité musulmane comme ceux d’Asie occidentale et d’Afrique du Nord et dans les régions subnationales comme le Daghestan en Russie, mais elle s’est également matérialisée dans les pays occidentaux. Ce n’est que par ces moyens qu’il est possible d’assécher le réservoir de recrutement potentiel des terroristes, qui n’a jamais été aussi grand.

Pour être clair, ceux qui participent à des émeutes ne devraient pas automatiquement être considérés comme des terroristes, car chaque cas doit être évalué individuellement, mais ces perturbations sociales posent effectivement certains problèmes de sécurité qui pourraient à leur tour être exploités par des terroristes, que ce soit à ce moment-là ou plus tard. Il est préférable pour tout le monde que les émeutes n’aient pas lieu, mais elles resteront une menace tant que des gens ordinaires risqueront d’être radicalisés pour les commettre en raison de ce problème non résolu.

En tant que grande puissance responsable, la Russie prend l’initiative de sensibiliser à ces menaces de guerre hybride grâce à l’avertissement audacieux lancé par son ministre des affaires étrangères la semaine dernière. Les propos de M. Lavrov seront peut-être jugés « politiquement incorrects » par la majorité mondiale qui soutient fermement la Palestine, mais ils trouveront un écho auprès des membres des services permanents de renseignement et de sécurité de ces pays, qui s’efforcent eux aussi de faire face à cette situation.

Sensibiliser à cette question ne devrait pas être mal interprété ou interprété comme un soi-disant discrédit de la cause palestinienne, mais devrait au contraire être considéré comme l’une des actions les plus pro-palestiniennes que toute personne influente puisse faire, car c’est un argument fort en faveur de l’obtention d’une justice pour ce peuple. Plus longtemps la justice sera refusée, plus les menaces de guerre hybride (terrorisme et émeutes) seront grandes, c’est pourquoi même l’Occident devrait travailler d’urgence à la résolution de ce problème car il risque d’être déstabilisé par ces menaces.

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