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assassinat d'Arouri, assassinats, Israël, Sayyed Razi Mousavi, techniques
Les assassinats au centre des militantismes soutenus par l’Iran au Liban et en Syrie risquent de provoquer une « guerre plus large » dont tout le monde dit ne pas vouloir.
Paul R. Pillar
L’assassinat par Israël mardi d’un responsable du Hamas, Saleh Arouri, à Beyrouth, marque une escalade dans l’utilisation par Israël de la force meurtrière, alors qu’Israël menait déjà des attaques militaires au-delà de ses frontières septentrionales, y compris au Liban.
L’assassinat a été réalisé à l’aide d’un drone armé qui a frappé un bureau du Hamas et tué deux autres responsables du Hamas et jusqu’à trois autres personnes. L’opération risque d’étendre, de multiples façons, la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza.
À court terme, c’est le Hezbollah libanais qui a le plus de chances de provoquer une nouvelle escalade. Israël et le Hezbollah ont déjà échangé des tirs d’artillerie et de roquettes le long de la frontière israélo-libanaise. Le drone qui a tué M. Arouri a frappé loin de cette frontière, dans une partie du sud de Beyrouth considérée comme un bastion du Hezbollah.
Le Hezbollah ne cherche pas à déclencher une nouvelle guerre totale avec Israël. Lors de la dernière guerre de ce type, en 2006, le Hezbollah et le Liban ont subi d’importantes pertes humaines et matérielles. Mais depuis sa création, le Hezbollah a toujours revendiqué le soutien de la population en se présentant comme le protecteur de tous les Libanais face à Israël. Il se pourrait que le groupe soit désormais plus près de mettre à exécution les menaces de représailles qu’il a formulées depuis qu’Israël a commencé son assaut sur Gaza.
En tant que cible immédiate de l’opération israélienne, le Hamas cherchera des moyens de riposter. M. Arouri est la plus haute personnalité du Hamas à avoir été tuée depuis le début des combats en octobre. Il était l’adjoint du chef politique du Hamas en exil, Ismail Haniyeh, et jouait un rôle important dans le réseau financier du groupe et dans ses relations avec le Hezbollah.
Pour l’instant, le Hamas a manifestement les mains pleines avec les combats dans la bande de Gaza. Mais il cherchera probablement à prendre des mesures qui pourraient être considérées comme des représailles pour l’assassinat d’Arouri. Un assassinat extraterritorial d’Israéliens répondrait à ce critère, même si le groupe aurait des difficultés à le mettre en œuvre. Les mesures de sécurité israéliennes ont rendu plus difficile pour le Hamas de tenter de répéter certaines de ses opérations asymétriques passées à l’intérieur d’Israël, qui comprenaient des attentats-suicides.
Le Hamas n’a pas non plus la capacité démontrée du Hezbollah à mener de telles opérations ailleurs dans le monde.
Dans la mesure où le Hamas se tourne davantage vers ce type d’attentats et d’autres opérations asymétriques, cela pourrait préfigurer ce à quoi pourrait ressembler la prochaine phase du conflit entre Israël et le Hamas, après que la dévastation de la bande de Gaza par Israël se soit révélée incapable de réaliser l’objectif israélien déclaré de « détruire » le Hamas.
Le rôle de l’Iran est régulièrement surestimé dans les discussions sur les activités des groupes qui lui sont alliés, mais toute influence qu’il exerce sur des groupes comme le Hezbollah et le Hamas ira encore moins dans le sens de la retenue qu’avant cette dernière opération meurtrière israélienne. Le régime iranien subissait déjà des pressions internes de la part de ceux qui estiment qu’il n’a pas suffisamment riposté à l’assassinat par Israël de Sayyed Razi Mousavi, haut responsable iranien en Syrie, lors d’une frappe aérienne à l’extérieur de Damas il y a moins de deux semaines.
Le parallèle entre cette opération et l’assassinat d’Arouri est trop évident pour être ignoré.
À bien des égards, l’assassinat d’Arouri s’inscrit dans la continuité de l’usage extraterritorial intensif de la force par Israël depuis de nombreuses années. Il s’agit notamment de sa campagne de bombardement soutenue en Syrie et de son programme beaucoup plus long d’assassinats clandestins à l’étranger. Mais dans le contexte actuel, l’opération est un nouveau signal de la détermination du gouvernement israélien à poursuivre l’assaut sur Gaza sans qu’aucune fin ne soit en vue et alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a des raisons personnelles et politiques de continuer à le faire.
Elle suggère également qu’Israël n’accorde pas une grande importance aux négociations – dans lesquelles Arouri aurait joué un rôle clé – en vue d’une éventuelle libération mutuelle de prisonniers.
L’escalade israélienne relativise également l’annonce récente du retrait de quelques brigades de la bande de Gaza. Cette décision semble davantage destinée à atténuer les effets de la mobilisation des troupes de réserve sur l’économie israélienne qu’à désamorcer l’assaut contre Gaza.
Paul R. Pillar est chercheur principal non résident au Centre d’études de sécurité de l’université de Georgetown et chercheur non résident au Quincy Institute for Responsible Statecraft. Il est également membre associé du Geneva Center for Security Policy.