Étiquettes

, , ,

La dernière série de navettes diplomatiques du secrétaire d’État américain Antony Blinken n’a rien donné, alors que se profile la menace d’un conflit régional plus large.

par Daniel Williams

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne sont toujours pas d’accord sur la question de Gaza. Image : ABC Screengrab

Le dernier effort du chef de la diplomatie du président américain Joe Biden pour persuader Israël de changer sa tactique de guerre à Gaza et ses objectifs à long terme de pacification des Palestiniens a échoué.

Joe Biden et ses conseillers ont apparemment sous-estimé la colère de l’opinion publique israélienne face à l’assaut lancé le 7 octobre contre le sud d’Israël par des terroristes affiliés au Hamas, le groupe de guérilla islamique qui dirige la bande de Gaza depuis 2007.

Ils n’ont pas non plus prévu qu’il faudrait plus que des exhortations publiques pour parvenir à une solution au conflit israélo-palestinien, qui est peut-être plus que jamais une source de mort, de destruction et d’amertume.

Le dirigeant israélien Benjamin Netanyahu et son gouvernement ont décidé qu’il était militairement prudent et politiquement avantageux d’adopter une ligne dure, tant sur le plan des tactiques de guerre immédiates que sur celui de la stratégie diplomatique à long terme.

Même les critiques ouvertes des États-Unis à l’égard du gouvernement israélien, qui suffisent généralement à inciter les Israéliens à se plier du bout des lèvres aux désirs des États-Unis, semblent n’avoir que peu d’effet sur Netanyahou et sur le public israélien, qui soutient largement sa stratégie de guerre de la terre brûlée.

La visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken à Tel-Aviv cette semaine n’a donné aucun signe d’une volonté israélienne de se plier à la volonté de Washington.

M. Blinken, qui effectuait sa quatrième tournée au Moyen-Orient depuis le début de la guerre de Gaza, n’a obtenu qu’un feu vert d’Israël pour permettre à des inspecteurs de l’ONU de se rendre dans le nord de la bande de Gaza afin d’évaluer les besoins humanitaires lorsque les résidents palestiniens reviendront et s’ils reviennent. Même cet accord apparent n’était assorti d’aucun calendrier.

La promesse israélienne de recourir à des bombardements chirurgicaux plutôt que généralisés pour mettre le Hamas en déroute n’a pas permis de réduire le nombre de civils tués ni les dommages causés aux infrastructures.

L’objectif principal annoncé par Blinken était d’empêcher la guerre de s’étendre au-delà de Gaza. Les tirs d’artillerie et de missiles entre les Israéliens et la milice libanaise Hezbollah se sont poursuivis parallèlement à la guerre de Gaza.

Israël est passé à la vitesse supérieure en assassinant un commandant du Hezbollah dans le sud du Liban, peu après l’assassinat par drone d’un responsable du Hamas à Beyrouth. En représailles, le Hezbollah a tiré un missile sur une ville située à plusieurs kilomètres à l’intérieur d’Israël, sa pénétration la plus profonde.

Pendant ce temps, la milice Houthi soutenue par l’Iran au Yémen perturbe violemment la navigation internationale dans la mer Rouge. Cette situation a contraint les États-Unis et la Grande-Bretagne à tenter de défendre la route commerciale du fret vers la Méditerranée en utilisant des avions de chasse et des armes embarquées pour détruire les drones et les roquettes.

M. Blinken avait également insisté auprès d’Israël pour qu’il accepte des négociations qui mèneraient à la création d’un État palestinien à Gaza et en Cisjordanie, ce que l’on appelle la solution à deux États. M. Netanyahu et ses partenaires de la coalition refusent d’envisager une telle issue.

M. Blinken aurait fait miroiter l’avantage plus important que représenterait pour Israël un règlement global des conflits au Moyen-Orient. En s’orientant vers la création d’un État palestinien, les pays arabes pourraient coopérer à la formation d’une quasi-alliance avec les États-Unis et Israël contre les menaces émanant de l’Iran.

« Si Israël veut que ses voisins arabes prennent les décisions difficiles nécessaires pour assurer une sécurité durable, les dirigeants israéliens devront eux-mêmes prendre des décisions difficiles », a déclaré M. Blinken. « Israël doit cesser de prendre des mesures qui compromettent la capacité des Palestiniens à se gouverner eux-mêmes.

La vision qu’a M. Netanyahou des avantages d’une paix plus large est plus limitée. Il tient à modifier les mesures de sécurité à l’intérieur et autour de la bande de Gaza afin de s’assurer qu’aucun groupe armé palestinien ne puisse plus jamais menacer Israël.

Les principaux alliés de son gouvernement de droite vont plus loin : ils proposent le déplacement de dizaines de milliers de Palestiniens de l’enclave côtière vers d’autres pays.

Israël a déclaré publiquement qu’il souhaitait que des milliers de Palestiniens trouvent refuge en Égypte et en Jordanie et tente de persuader les 27 membres de l’Union européenne d’accepter chacun 10 000 réfugiés palestiniens ou de faire en sorte que la République démocratique du Congo en admette des milliers et convainque les Palestiniens de s’y installer.

M. Blinken a insisté sur le fait que M. Netanyahou lui avait assuré que les « expulsions » n’étaient « pas la politique du gouvernement israélien ». Pourtant, Danny Danon, député du Likoud, le parti de M. Netanyahou, a déclaré que « l’émigration volontaire » des Palestiniens était une solution à la violence à Gaza.

« Ce qu’il faut faire dans la bande de Gaza, c’est encourager l’émigration », a déclaré le ministre des finances Bezalel Smotrich il y a deux semaines. « S’il y a 100 000 ou 200 000 Arabes à Gaza et non deux millions d’Arabes, la discussion du lendemain sera totalement différente.

Au cours de son voyage au Moyen-Orient, M. Blinken s’est rendu en Israël, en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et en Cisjordanie, qui est en partie gouvernée par l’Autorité palestinienne. L’AP est un rival du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007.

M. Biden a tenté de définir la politique américaine actuelle en soutenant le droit d’Israël à l’autodéfense et en limitant le nombre de civils palestiniens tués dans le cadre de la guerre. Mais ce chevauchement diplomatique ne semble satisfaire aucune des deux parties.

Quelque 57 % des Palestiniens de la bande de Gaza ont soutenu l’effort de guerre du Hamas, contre 82 % en Cisjordanie, selon une enquête palestinienne réalisée le mois dernier.

Parallèlement, M. Netanyahou semble bénéficier du soutien de la plupart des Israéliens pour ses objectifs de guerre ambitieux. Un récent sondage réalisé en Israël a montré que plus de 80 % des Israéliens soutiennent l’offensive actuelle du gouvernement.

Asia Times