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Annoncé jeudi soir, le remaniement gouvernemental suscite de nombreux grincements de dents et une vague de critiques acerbes. Reste à voir si le pragmatisme politique du Président s’avèrera gagnant.

Laure de Charette

      French Prime Minister Gabriel Attal (2nd L) sits by (from L) French Culture Minister Rachida Dati, French Interior Minister Gerald Darmanin, French Minister of Education, Sports, and Olympic Games Amelie Oudea-Castera, French Minister for Ecological Transition and Territories' Cohesion Christophe Bechu, French Minister for Democratic Renewal and government Spokesperson Prisca Thevenot and French Junior Minister for the Relations with the Parliament Marie Lebec, at the start of the first cabinet meeting following the appointment of a new government the day before, on January 12, 2024 at the Elysee Palace in Paris. (Photo by Michel Euler / POOL / AFP)
      Le premier Conseil des ministres de l’ère Macron-Attal s’est tenu ce vendredi 12 janvier à l’Elysée. ©AFP

      Une stratégie risquée, dont le succès est loin d’être assuré. Le premier Conseil des ministres de l’ère Macron-Attal s’est tenu ce vendredi 12 janvier à l’Elysée, après les passations de pouvoir annoncées jeudi soir. “Un gouvernement rassemblé, au travail ! ” a lancé le chef de l’État, qui a prévu de prendre la parole la semaine prochaine pour s’adresser à la population. Un rendez-vous qui sera certainement l’occasion pour lui d’expliquer aux Français les raisons de ses choix.

      Fini le “en même temps”

      Une chose est sûre : avec ce nouveau gouvernement, entièrement façonné par ses soins sans que son Premier ministre ait pu réellement imposer sa patte, Emmanuel Macron met le cap à tribord. Sur les quatorze ministres nommés ou renommés le 11 janvier, huit viennent des rangs de la droite, dont la sarkozyste Rachida Dati (Culture) et la chiraquienne Catherine Vautrin (Travail). C’est bien simple : le nouveau gouvernement ne compte quasiment aucune personnalité issue du parti socialiste – hormis Gabriel Attal, si tant est que le trentenaire, biberonné au macronisme depuis ses débuts en politique, puisse être classé à gauche – et ceux appartenant à l’aile gauche de la majorité qui ont tenté de mener une fronde interne pour s’opposer à l’adoption de la loi immigration en décembre sont quasiment tous évincés, à l’image de Clément Beaune (ex-Transports) et Rima Abdul Malak (ex-Culture). À gauche, on ironisait volontiers jeudi soir sur ce nouveau gouvernement “Sarkozy IV” truffé de proches de l’ancien président.

      Enterré donc le “en même temps” qu’Emmanuel Macron affectionnait tant à ses débuts. “Le président est pragmatique. Ce n’est certainement pas le gouvernement dont il rêvait en 2017 mais il doit répondre à la droitisation de la société française et il veut absolument limiter la casse en vue de l’échéance européenne de juin 2024, cruciale à ses yeux, sachant que le Rassemblement national a dix points d’avance sur son parti dans les sondages”, analyse le politologue Alexis Massart. Mais sans surprise, ses alliés historiques sont furieux. Ainsi François Bayrou, le président du Modem, aurait menacé de présenter sa propre liste aux européennes.

      Quant à son choix de nommer Rachida Dati à la Culture, il vise à la fois à montrer à tous qu’il peut encore surprendre, espérant ravir la ville de Paris à la gauche lors des élections municipales de 2026, avec une possible alliance entre son mouvement Renaissance et la droite parisienne. Avec ce coup politique, le chef de l’État espère en outre déstabiliser Les Républicains. “Ce choix illustre aussi le besoin de trouver des gens au visage clairement identifié par les Français et susceptibles de ‘castagner’. Cela traduit une faiblesse de la macronie, qui peine à faire émerger de telles personnalités” estime le politologue.

      Des choix qui suscitent des inquiétudes

      Mais certaines nominations suscitent des inquiétudes. Ainsi la décision de remettre l’Énergie sous la coupe de Bercy fait hurler la gauche et les écologistes. La dilution de l’Éducation nationale au sein d’un immense pôle regroupant la Jeunesse, les Sports et les Jeux olympiques et paralympiques suscite cette fois la colère du milieu éducatif. En réalité, l’avenir de l’école et des réformes lancées par Gabriel Attal sera piloté en direct par Matignon et l’Elysée. La disparition du ministère du Logement soulève quant à elle la bronca. “C’est inadmissible alors même que la crise est d’une violence inédite”, a réagi l’ancienne ministre du Logement Emmanuelle Cosse. La vice-présidente de LR Florence Portelli a quant à elle estimé “très regrettable que le problème du logement ne soit pas pris à bras-le-corps, alors que ça va être la bombe sociale et économique de ces prochaines années”. Enfin l’arrivée à la Santé de Catherine Vautrin, réputée très conservatrice, à la veille de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution inquiète elle aussi. En 2017, elle a demandé au Conseil constitutionnel de censurer une loi qui protégeait l’accès à l’avortement.

      Dans tous les cas, Emmanuel Macron tourne le dos au macronisme de 2017. Terminée, la parité parfaite promise à ses débuts : tous les portefeuilles régaliens sont trustés par des hommes et les postes de ministres délégués sont exclusivement détenus par des femmes. Oubliée, la promotion de la société civile puisque le nouveau gouvernement ne compte aucun de ses représentants. Enterrée, la jurisprudence qui voulait qu’un ministre mis en examen quitte le gouvernement, tant louée en 2017 (Rachida Dati est mise en examen pour corruption et trafic d’influence passif dans l’affaire Carlos Ghosn). Expliquera-t-il aux Français la semaine prochaine les raisons de ces renoncements ? Rien n’est moins sûr.

      La Libre