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Paul Craig Roberts
J’ai souvent exprimé mon inquiétude sur le fait que le manque d’action proactive de Poutine, Xi Jinping et des dirigeants iraniens a maximisé l’expansion de l’agression israélienne et américaine au Moyen-Orient et a conduit à une dangereuse confrontation. L’objectif d’Israël et de Washington est d’attaquer l’Iran. C’est l’essence même du conflit entre Israël, le Hamas, le Hezbollah, Washington et les Houthis.
Il n’est pas du tout difficile pour la Russie, la Chine et l’Iran d’empêcher toute extension de la guerre d’Israël contre la Palestine. Il leur suffit de déclarer un traité de défense mutuelle : une attaque contre l’un est une attaque contre tous.
Mais l’action préventive ne semble pas encore faire partie des compétences des ennemis ciblés par Washington. À la seule exception de l’intervention de Poutine en Syrie pour empêcher l’invasion d’Obama, Poutine a toujours semblé hésiter à prendre le contrôle.
Il lui a fallu huit ans pour abandonner ses illusions sur les accords de Minsk. Lorsqu’il a enfin compris qu’il avait été piégé, l’armée russe n’était pas préparée au niveau de violence requis. C’est pourquoi une opération spéciale que la Russie était censée mener à bien en quelques jours dure depuis deux ans.
D’après mon expérience avec l’intelligentsia libérale russe, je dirais que leur programme est la capitulation devant Washington. Ils préfèrent devenir professeurs invités à Harvard, Yale et Stanford et travailler comme consultants pour des sociétés américaines plutôt que d’entrer en conflit avec l’Occident.
Comme Poutine semble croire que la tolérance à l’égard de la subversion est un signe de démocratie, il pourrait être dissuadé de prendre les mesures nécessaires s’il devait prouver qu’il n’est pas un dictateur, comme le proclame le reste de l’Occident. Poutine aurait sauvé de nombreuses vies en ignorant la propagande de ses ennemis et en faisant preuve d’une grande détermination pour défendre la Russie.
Mais aujourd’hui, Poutine se montre très conscient de ce qu’il faut faire. Les informations que j’ai vues dans la presse indienne, et non dans les médias corrompus américains, indiquent que, selon le ministère russe de la défense, la Russie et l’Iran sont en train de finaliser un pacte soulignant leur engagement envers les principes fondamentaux des relations russo-iraniennes, notamment le respect inconditionnel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’autre.
D’une certaine manière, il s’agit d’une bonne nouvelle. Elle indique que Poutine a enfin compris que, sans protection, l’Iran est vulnérable, et que si l’Iran s’en va, Washington aura un accès direct pour envoyer des « djihadistes » dans la Fédération de Russie et dans les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale.
Mais comme pour l’accord de Minsk, qui n’a aucun sens, Poutine a commis une erreur. Le pacte a été annoncé avant d’entrer en vigueur. On ne sait pas quand la reconnaissance de l’association mutuelle sera finalisée. Le message adressé à Washington et à Israël est donc d’attaquer l’Iran maintenant, avant que l’accord n’entre en vigueur.
Il y a un risque que cela se produise. En essayant d’éviter d’étendre le conflit au Moyen-Orient alors que Washington et Israël ont l’intention de le faire, Poutine, par sa non-ingérence, a donné le feu vert à l’extension du conflit.
En outre, le pacte russo-iranien semble n’être rien d’autre qu’un pacte de défense mutuelle implicite. On peut parier que Victoria Nuland et les agents néoconservateurs américains d’Israël qui contrôlent la politique étrangère des États-Unis essaieront de frapper l’Iran avant que le pacte n’entre en vigueur, ou qu’ils soutiendront qu’il ne s’agit pas d’un accord de défense mutuelle.
La Russie, la Chine, l’Iran et les ennemis d’Israël semblent penser que les mots ont de l’importance alors qu’il n’y a que les actes qui comptent. En Occident, les mots n’ont pas de sens. En Russie, ils ne le sont pas.
Il y a d’autres signes de progrès dans la création de conditions qui rendent difficile l’entrée en guerre de Washington. La Chine a eu la clairvoyance de négocier un accord de paix entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Il s’agit là d’un coup dur pour Washington. Ce rapprochement, s’il survit à la contre-offre de Washington, a élargi les BRICS à l’Iran, à l’Arabie saoudite, à l’Égypte et aux Émirats arabes unis. Cela donne un nouveau sens au rejet du pétrodollar par l’Arabie saoudite.
Il y a même un signe positif potentiel de la part de la Russie. La Russie a annoncé des patrouilles aériennes à la frontière du Golan syrien avec Israël.
Poutine a empêché Washington d’envahir la Syrie d’Assad, avant de céder. Poutine a laissé les champs pétroliers syriens aux mains de Washington. Poutine a permis à Israël et aux États-Unis de mener des frappes aériennes et de missiles sur le territoire syrien, empêchant apparemment la Syrie d’utiliser le système de défense aérienne S-300 fourni par la Russie pour défendre le territoire syrien.
L’incapacité de la Russie à s’opposer à ses ennemis signifie que la pression exercée sur la Russie, les provocations et les humiliations continues infligées à la Russie se poursuivront jusqu’à ce que la Russie soit obligée de réagir sérieusement.
On parle beaucoup de l’expansion excessive des États-Unis, de leurs systèmes d’armement dépassés, de leur endettement excessif, de leur incapacité à recruter une armée, etc. Mais les néoconservateurs au pouvoir sont encore pleins de confiance, et cette confiance est constamment encouragée par l’absence de réponse décisive de Poutine. Une guerre imminente semble inévitable.
Je sais que donner des conseils à Poutine semble arrogant, égocentrique et glorifiant. Mais ce n’est pas ce que je fais. Je décris la situation. Pour empêcher les États-Unis et Israël d’attaquer l’Iran, il faut une alliance Russie-Chine-Iran, qui devrait probablement inclure la Turquie. À l’heure actuelle, l’Iran a besoin de systèmes de défense aérienne russes très efficaces et, si l’Iran ne les possède pas, il a besoin de missiles offensifs russes hypersoniques à longue portée.
Poutine a montré son côté stratégique en envoyant l’armée de l’air russe défendre la Syrie, bloquant ainsi l’invasion de la Syrie par Obama. Mais il est entré dans le jeu très tard. Le monde multipolaire dont parle toujours Poutine ne peut se matérialiser sans un traité de défense mutuelle entre la Russie, la Chine et l’Iran. Sans vision stratégique et sans action de la part de la Russie et de la Chine, la guerre est inévitable.
Auteur : Paul Craig Roberts est un économiste titulaire d’un doctorat et ancien sous-secrétaire au Trésor américain pour la politique économique dans l’administration de Ronald Reagan.