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Edouard Husson -Libres Propos,

La semaine qui vient de s’écouler a permis de voir les nouveaux rapports de force qui se mettent en place au Proche-Orient :

  1. L’armée israélienne ne peut plus cacher qu’elle a échoué dans son opération au sol à Gaza, comme le montre la carte suivante :

Les zones encore tenues par Tsahal sont en rouge. Au nord, le Hamas a réinstallé un peu de police et d’administration. Des combats ont encore lieu là où les Israéliens sont encore présents.en particilier, à Khan Younis, au sud, les affrontements sont très durs.

Par ailleurs, l’armée continue ses bombardements et menace de s’en prendre désormais au sud de la bande, près de la frontière égyptienne.

Cependant cela ne doit pas cacher la défaite au sol. L’objectif « d’éradiquer le Hamas » n’a pas abouti. L’armée israélienne repart, selon certaines estimations, avec 2000 soldats tués (chiffre calculé en fonction des 6000 blessés accueillis dans les hôpitaux israéliens. Le ratio 1tué/3 blessés étant fréquent).

  1. Une négociation pour un nouveau cessez-le-feu n’a pas encore abouti. Les discussions ont été menées avec une médiation égyptienne et qatarie. La Résistance Palestinienne fait de l’arrêt complet de la guerre à Gaza et en Cisjordanie un préalable. La partie israélienne essaie d’obtenir une courte trêve pour faire libérer des otages et reprendre les combats. Telles étaient en tout cas les positions de départ. Cela fait plusieurs jours que l’on parle d’un accord possible. Selon les dernières informations dans la soirée du 4 février, les composantes de la Résistance Palestinienne se concertaient pour arriver à une position commune.

  1. Anthony Blinken, secrétaire d’Etat (ministre des Affaires étrangères) américain est à nouveau au Proche-Orient. Il veut faire aboutir le cessez-le-feu. Depuis le jugement provisoire rendu par la Cour Internationale de Justice, qui n’exclut pas que le comportement israélien à Gaza puisse être qualifié de génocide, le gouvernement américain voudrait faire cesser la guerre de Gaza.
    Cela pourrait aller avec un changement de Premier ministre en Israël. Le bruit court que les Américains voudraient remplacer Netanyahu par Benny Gantz.
    Il n’est pas exclu non plus que Britanniques et Américains forcent le pas pour entamer, avec le soutien de l’Égypte, de la Turquie, de la Jordanie, de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis, le processus de reconnaissance d’un État palestinien.]
  1. Dans le contexte précédemment décrit, les frappes de vendredi contre des cibles en Syrie et en Irak – auxquelles ont participé Israéliens et Jordaniens- relèvent en partie d’une gesticulation américaine (au prix d’une quinzaine de morts….) pour essayer de reprendre la main aussi bien vis-à-vis d’Israël que des pays arabo-musulmans qui étaient engagés avant le 7 octobre 2023 dans un processus d’accord avec Israël.

A première vue, deux blocs ont émergé dans le monde arabo-musulman. D’un côté les « tièdes » (dans le soutien aux Palestiniens), qui continuent à commercer ou à negocier avec Israël : Maroc, Turquie, Jordanie, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Bahreïn (Et, en partie, Égypte et Qatar). De l’autre l’Axe de la Résistance (Liban, Syrie, Irak, Yemen), luttant selon la stratégie du Général Soleimani, pour faire émerger une nation palestinienne et obtenir le départ des troupes américaines de la région.

En frappant Iraq, Syrie et Yémen comme ils le font, les USA semblent amorcer une stratégie de lutte contre « l’Axe de la Résistance « , espérant grouper autour d’eux et d’Israël une coalition élargie apte à mettre en place un « gouvernement palestinien » piloté depuis l’extérieur (Égypte, Arabie Saoudite, Jordanie).

  1. Cette stratégie américaine a de nombreux défauts.
  • elle fait comme si l’on pouvait continuer à décider pour les Palestiniens.
  • elle surestime le soutien à la politique de Washington au moment où Égyptiens, Saoudiens, Émiratis, Iran ont rejoint les BRICS. Elle oublie aussi qu’aucun accord dans la région ne pourra avoir lieu sans l’accord de la Russie et de la Chine.
  • Les États-Unis sous-estiment la détermination de la Résistance Palestinienne à obtenir un État pleinement souverain. Ils sous-estiment aussi l’effet de cohésion que la lutte pour la libération du Proche-Orient de l’influence américaine va avoir en faveur d’une nouvelle cohésion nationale au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen. Au Yémen, par exemple, une partie des soutiens politiques et militaires du gouvernement pro-saoudien d’Aden sont en train de basculer du côté du Yémen Libre f’Ansarallah.

  1. Voici, sommairement, ce que devrait être la position française dans la situation actuelle:
  • Arrêt de toute livraison d’armes à Tsahal et de tout soutien au gouvernement israélien.
  • travail actif au CSNU pour obtenir la fin de la guerre. Concertation poussée avec les 4 autres membres permanents du CSNU pour obtenir la tenue d’une conférence de paix où seront décidées(1) l’application des résolutions des Nations-Unies depuis le 22 novembre 1967 sur le conflit israélo-palestinien. (2) le retour au respect de la souveraineté des Etats, sans exception, dans la région. (3) L’inclusion à tout règlement global de la possession par Israël de l’arme nucléaire(4) Le rétablissement du libre-accès aux Lieux Saints ( en particulier Saint-Sépulcre et Al Aqsa)
  • Soutien à la République sud-africaine dans les efforts qu’elle entreprend devant la CIJ.
  • La France ne prend pas parti mais elle appuie sa politique sur des réalités: (a) aucun accord ne pourra être trouvé sans respect des positions défendues par les pays de l’Axe de la Résistance. (b) l’attitude d’Israël déchaînant une détestation profonde et risquant de mener à des excès, la France rappelle à tous ses interlocuteurs qu’elle n’accepte aucune mise en cause de l’existence d’Israël dans les frontières d’avant la Guerre des Six Jours (1967).