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Régis de Castelnau

21.11.1945, gouvernement du général de Gaulle.

Aujourd’hui en France, tout le monde se dit gaulliste et c’est à peu près n’importe quoi. Les Présidents de la république qui ont émargé au budget des « Young leaders » américains » sont évidemment gaullistes. François Hollande se précipitant sur ordre de Lionel Jospin à l’ambassade des États-Unis en 2003 pour y condamner la seule décision gaulliste prise par Jacques Chirac en refusant l’agression américaine de l’Irak, était gaulliste. Nicolas Sarkozy faisant réintégrer le commandement intégré de l’OTAN à la France était lui aussi un sacré gaulliste. Plus récemment ceux qui, rampant devant les USA, rêvent de partir en guerre, contre la Russie et veulent donner notre dissuasion nucléaire aux Allemands et aux Polonais ont le gaullisme chevillé au corps. Tout comme ceux qui acclament le massacre génocidaire perpétré par Israël en Palestine depuis le 7 octobre 2024. Le problème est que la France est aujourd’hui probablement le pays le moins gaulliste du monde. Alors histoire de se faire du mal, en se rappelant un temps où la vie politique n’était pas le désespérant spectacle qu’en donne le macronisme, nous allons tenter de raconter l’histoire de ce qui fut peut-être un rendez-vous manqué.

Les gaullos-cocos kézaco ?

« Entre les communistes et nous, il n’y a rien » disait André Malraux au moment des succès du RPF, le mouvement politique créé par Charles de Gaulle à la fin des années 40. Incontestablement, le PCF politiquement hégémonique au sein de la classe ouvrière depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et le RPF se disputaient l’appui des couches populaires. Le problème étant que le « rien » décrit par Malraux était au pouvoir et s’y maintenait grâce à sa pratique virtuose d’un parlementarisme dégénéré. Pendant la guerre les communistes avaient rallié de Gaulle en 1943 comme étant le seul chef légitime de la résistance française. Lui apportant un soutien décisif dans sa lutte contre les Américains et Giraud leur créature. Par la suite et surtout après le début de la guerre froide, ils le considérèrent paradoxalement comme un factieux désireux de mettre en place un pouvoir personnel voire une dictature. Analyse à laquelle les dirigeants communistes des années 50 eux-mêmes souscrivaient mollement. Surtout après la bataille politique autour de la fameuse Communauté Européenne de Défense (CED) où l’alliance des deux forces avait mis en échec le projet d’une armée européenne sous-direction américaine. Ce qui avait quand même démontré un certain nombre de convergences.

Le terme « gaullo-communisme » que l’on entend utiliser de loin en loin, recouvre plusieurs acceptions tout à fait distinctes. Il y a d’abord cette accusation lancée à Charles de Gaulle d’avoir été quasiment un communiste caché. Proférée par des héritiers de ceux qui avaient choisi Vichy tentant ainsi de justifier leur choix de la trahison. Puis par les tenants de l’Algérie française, ne lui pardonnant pas la décolonisation considérée comme une trahison au profit de l’Union soviétique. Rejoints ensuite par les atlantistes fanatiques pour lesquels seule la défense des intérêts américains est acceptable. Accusations insoutenables et sans intérêt, qui se heurtent au déroulement de l’Histoire.

C’est ensuite la description d’une organisation de la société française ou les deux grands courants cités par Malraux avaient installé leurs hégémonies respectives. Situation que l’on peut décrire à la manière de Paul Veyne dans son « L’Empire gréco-romain » attribuant aux Grecs l’invention de la culture et à Rome celle de la politique. Pour la France d’après 1958, c’était une réalité enracinée dans la deuxième guerre mondiale, à partir des légitimités construites dans le combat pour la Libération. Avec le régalien pour le Général et l’emprise culturelle sur les couches populaires pour le PCF. L’ORTF, qui gérait les chaînes de télévision publiques ayant seules le droit d’émettre en était l’expression. L’information télévisée était dirigée directement par un ministère dédié, tranquillement nommé : « ministère de l’information ». La culture télévisée quant à elle, considérée comme un outil d’éducation populaire était le fruit du travail de réalisateurs communistes ou sympathisants. C’était un monde aujourd’hui disparu et disparu corps et biens, suscitant évidemment nostalgie et regrets. Alain Peyrefitte et Marcel Bluwal remplacés aujourd’hui par Cyrille Hanouna et Marc-Olivier Fogiel.

Enfin, ce terme de gaullo-communistes identifie ceux qui synthétisent les positions de de Gaulle et des communistes français en ce qui concerne les questions d’indépendance nationale. Le souverainisme en quelque sorte… Dans les années 60 lorsque le Général était président de la Ve République, la vision de celui-ci leur était commune. Alors du côté communiste, on se contorsionnait, on continuait à dénoncer un pouvoir personnel au service des monopoles, mais il arrivait souvent qu’en privé on n’en pense et n’en dise pas moins. Ne serait-ce que parce que les soviétiques appréciaient ce chef de l’État et ne l’envoyait pas dire aux Américains.

Dans les faits, il n’y a jamais eu chez les communistes un courant formé dans le combat commun de la deuxième guerre mondiale. Qui aurait considéré qu’il était possible de s’entendre durablement avec le chef de la France libre. Alors qu’il y aurait peut-être eu matière pour la mise en œuvre d’une politique de refus de la guerre froide et d’indépendance nationale, de conduite de la décolonisation, et de lutte contre l’atlantisme fanatique des socialistes et de leurs alliés de la droite et du centre. Rendez-vous manqué et pour plusieurs raisons. Cela ne prit jamais forme. Tout d’abord au sein du mouvement ouvrier, la scission du congrès de Tours n’était toujours pas considérée comme définitive et l’inconscient disait qu’il était possible de convaincre le parti socialiste de renoncer à « la collaboration de classe ». Rappelons qu’à la libération, il fut un temps question d’une réunification que les directions respectives avaient mise en chantier. Le PS restait encore et toujours le partenaire naturel. Ensuite l’adhésion des couches populaires était un enjeu fort dans une bataille où l’adversaire principal était le gaullisme. Enfin la singularité politique du général de Gaulle était mal comprise chez les communistes qui y voyaient surtout la volonté d’un pouvoir personnel dans l’exercice duquel ils n’auraient pas eu leur place. Quant à la tendance de « gauche » dans le gaullisme incarnée par les Louis Vallon, René Capitant, Léo Hamon et autres, si elle avait pris des positions courageuses, elle avait toujours gardé ses distances vis-à-vis du PCF. Les « gauchistes de Gaulle » comme les appelait drôlement le Canard enchaîné étaient des adeptes de la troisième voie entre Capital et Travail, ce qui pour les communistes était une hérésie.

Cependant, les 30 ans de vie politique de Charles De Gaulle à partir du 18 juin 1940 jusqu’à son départ du pouvoir le 28 avril 1969 ont fait apparaître des convergences, des visions communes, des accords qui vont alimenter une culture politique particulière mais c’est de reconnaître qu’il s’agit d’abord et avant tout une nostalgie.

Des rapports à la Nation très voisins

À la fin des années 30, lorsque la IIIe République vermoulue emmène la France à la catastrophe, le futur général de Gaulle qui n’est encore que colonel, est un officier signalé par des prises de position abruptes et critiques concernant la direction de l’État en matière militaire. Quoique de petite noblesse du Nord, il a été formé dans une culture aristocratique ou la particule constitue un avantage : « on n’aime pas la bourgeoisie, avec le peuple peut s’arranger ». Toutes ses interventions concernent d’abord et avant tout les questions de Défense nationale. Les communistes pour ceux qui ont entendu parler de lui, ont tendance à d’abord se méfier d’un militaire qui s’intéresse à la politique. Aussi, l’acte fondateur de la France libre, c’est-à-dire la disparition, le 17 juin 1940 du dernier gouvernement régulier de la France mise à bas par « un pronunciamento de panique », puis le départ à Londres et la diffusion sur les ondes de la BBC de l’appel du lendemain, seront complètement ignorés des communistes. Comme de l’écrasante majorité des Français mais avec la situation particulière qui fait que le PCF interdit dès le 26 septembre 1939 n’existe plus. Il a été démantelé, ses biens saisis, ses militants poursuivis, ses parlementaires emprisonnés, et sa presse interdite pendant qu’une poignée de ses anciens dirigeants a plongé dans la clandestinité. Le 10 avril 1940, Albert Sérol Garde des Sceaux socialiste publie un décret-loi punissant de mort la distribution de tracts communistes. Philippe Pétain parachève son coup d’État le 10 juillet à Vichy et se rend le 16 octobre à Montoire pour officialiser la trahison et la collaboration avec l’Allemagne nazie.

Charles de Gaulle quant à lui disait dans ses mémoires de guerre son arrivée à Londres : « je m’apparaissais à moi-même, seul et démuni de tout, comme un homme au bord d’un océan qu’il prétendrait franchir à la nage [….] Moi qui prétendais gravir une pareille pente je n’étais rien, au départ. A mes côtés, pas l’ombre d’une force, ni d’une organisation. En France, aucun répondant et aucune notoriété. A l’étranger, ni crédit, ni justification. Mais ce dénuement même me traçait ma ligne de conduite [….] Bref, tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce que je l’étais, il me fallait gagner les sommets et n’en descendre jamais plus. » Les quatre ans qui allaient suivre furent le combat pour « devenir de Gaulle ». Combat quotidien qui l’amènera à répondre à son fils qui lui demandait comment finalement s’étaient passées ces années « ce fut épouvantable » Le rendez-vous avec les communistes fut pour plus tard. Groupuscule clandestin et pourchassé, engoncé dans les conséquences du pacte germano-soviétique, ce qui tenait lieu de « parti » était incapable de s’adresser à un peuple sidéré par la défaite. Prétendre que « le PCF a « collaboré avec les nazis » jusqu’au 22 juin 1941 est dénué de sérieux. Mais il est vrai que le déclenchement de la pire guerre de l’histoire fut d’abord vécue comme une divine surprise, celle qui allait libérer les consciences, les énergies et les courages. En faisant la démonstration que de nouveau la barricade n’avait plus que deux côtés.

Début 1943, en butte aux manœuvres américaines qui entendaient traiter la France comme un pays occupé et utilisaient les Giraud et autres Monnet pour arriver à leurs fins, de Gaulle eut besoin de l’appui de toute la Résistance intérieure pour qu’il soit reconnu comme son chef. Tous les mouvements dirigés par les communistes rallièrent le CNR que venait de constituer Jean Moulin en mai 1943, donnant ainsi à l’homme du 18 juin le rapport de force lui permettant de se débarrasser des marionnettes américaines. La mystique du combat commun mené pendant ces années laissera des traces profondes. Histoire de contrer les Américains et Roosevelt qui le détestait, de Gaulle nouera des rapports particuliers avec les soviétiques, avec la création de la légendaire escadrille « Normandie Niemen », ou le voyage à Moscou de décembre 1944 et la signature du traité d’alliance franco-soviétique. Tout cela plongeait les communistes dans le ravissement. Ignorant probablement que Staline rigolard avait dit à de Gaulle à propos de Thorez : « je vais vous le renvoyer, c’est quelqu’un d’utile. Ne le fusillez pas. Enfin pas tout de suite… ».

Puis il y eut les gouvernements de 1945 incorporant des ministres communistes chargés sans entraves de la mise en œuvre du programme du CNR à base de nationalisations et de lois sociales sans précédent. Le Général joua le jeu, et les communistes aussi, Maurice Thorez privilégiant la reconstruction du pays et renonçant à conserver les structures et les armes issues de la résistance. C’est d’ailleurs le même Thorez qui convoqué comme les autres ministres un dimanche du mois de janvier 1946, entendit stupéfait le discours de démission de Charles de Gaulle. Qu’il salua une fois celui-ci sorti, de la phrase : « voilà un départ qui ne manque pas de grandeur ». Rallié depuis 1934 à la Nation, le PCF avait refondé cet attachement dans la résistance, et qu’on le veuille ou non, sur les bases proposées par de Gaulle.

« Séparatistes » contre « pouvoir personnel »

Dès 1947, après son discours de Bayeux présentant la constitution qu’il souhaitait pour le pays, De Gaulle se lança dans la création d’un parti de masse, le Rassemblement du Peuple Français (RPF). Qui obtint assez rapidement de larges succès électoraux et vint disputer au PCF la place de premier parti de France. La guerre froide et la composition passablement hétéroclite du nouveau parti l’amenèrent rapidement à l’affrontement avec ces communistes présentés comme des « séparatistes collectivistes » qui répondaient en traitant le chef de la France libre de factieux et d’aspirant dictateur. L’affrontement fut parfois brutal sur le terrain, et la convergence constatée avec l’opposition commune à la création de la « Communauté Européenne de Défense » que les parlementaires des deux partis réussirent à faire capoter au Parlement, ne changera pas grand-chose à une hostilité déclarée et réciproque. Et ce d’autant que les positions du Général sur les guerres d’Indochine et d’Algérie renforçait l’isolement du Parti communiste.

Le Parti socialiste (SFIO) avait gagné les élections législatives de 1956 pour faire la paix en Algérie. Il s’empressa d’y faire la guerre en demandant à l’Armée de prendre en charge le sale boulot. Celle-ci ivre de son pouvoir et de la démission des autorités civiles, installa un pouvoir insurrectionnel en Algérie et se proposait de faire de même en métropole. Le pays se retrouvait donc au bord d’une guerre civile que le général de Gaulle nous évita avec une opération virtuose témoignant du caractère intact de son génie politique. Il fit savoir aux militaires factieux et aux excités de « l’Algérie française » qu’il était de leur côté, et dans le même temps se présenta aux autorités républicaines comme le seul rempart contre les menées de ces factieux. En juin 1958, il fut nommé dernier président du conseil de la IVe République, mit le Parlement en vacances, constitua un gouvernement « d’union nationale », rédigea sa nouvelle constitution, la soumit à un référendum le 4 octobre qu’il remporta avec 82 % des voix. Chapeau l’artiste ! Confrontés à ce qui était quand même un coup d’État, les communistes poussèrent des hurlements, parlèrent de dictature et bien sûr de « pouvoir personnel ». Pour la petite histoire, de Gaulle essaya bien de faire rentrer des communistes ou apparentés dans le nouveau gouvernement, échec sur toute la ligne. À la Chambre élue en janvier 1956 les communistes étaient 140, à l’Assemblée nationale de novembre 1958, ils revinrent à 10…

De cette épreuve politique, le PCF restant cependant pendant plus de 10 ans la principale force d’opposition, gardera l’analyse sommaire d’un de Gaulle monarque autoritaire au service du grand capital. Et adoptera une stratégie dont il ne démordra pas visant à rassembler autour de lui les forces hétéroclites qui l’avaient accompagné dans l’opposition au coup d’État de juin 58.

Le PCF entre deux chaises

Le premier malaise survint rapidement avec la politique algérienne de de Gaulle. Qui lança la France dans une décolonisation massive et tenta de régler sans trop de casse le problème algérien que les socialistes et la droite avaient contribué à pourrir. Mettre l’armée au pas, négocier avec le FLN, créer les bases de l’indépendance nationale en matière de défense, mettre fin à l’alignement atlantiste, rien de tout cela n’était contraire aux positions des communistes, au contraire. Ce furent les acrobaties politiques qui obligeaient à tenir trois bouts de la chaîne : soutenir la politique d’indépendance de l’Algérie, continuer à dénoncer l’homme du grand capital et proposer l’union aux socialistes contre de Gaulle. Quand en janvier 1966 ce dernier annonce le retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN, François Mitterrand et ses amis déposèrent immédiatement à l’Assemblée nationale une motion de censure contre cette horrible velléité d’indépendance nationale. Il faut réécouter le discours du parlementaire communiste annonçant que son groupe ne votera pas la censure, mais que cela ne remettait absolument pas en cause la nécessaire union contre le pouvoir personnel…

il y aura aussi le retentissant discours de Phnom-Penh en septembre de la même année dans lequel le Général analyse la stratégie américaine de domination du monde et ses impasses. Les futurs alliés du PCF pousseront comme d’habitude des cris d’orfraie, le Parti continuant à regarder le bout de ses chaussures. Fidel Castro, Che Guevara et les soviétiques le salueront pourtant chaleureusement.

L’épreuve de vérité va se dérouler deux ans plus tard au mois de mai. Il y a eu deux « mai 68 », un mai étudiant et petit-bourgeois, celui que le philosophe Michel Clouscard a appelé « le 14 juillet des couches moyennes » qui fut la matrice du libéralisme libertaire et dont les dirigeants et figures symboliques ont toutes, absolument toutes rallié le néolibéralisme atlantiste. Et puis un mai ouvrier, ou la classe ouvrière des 30 glorieuses, au spectacle de l’indulgence de la bourgeoisie représentée par Georges Pompidou pour les émeutiers, décida de se mettre en mouvement pour réclamer sa part. Durant toute cette période, il n’y eut aucune communication entre le mouvement étudiant et le mouvement ouvrier, et celui-ci est resté sous le contrôle du PCF et de sa courroie la CGT. Et ceux qui disent que les communistes ont trahi une révolution possible, celle de Cohn-Bendit et autres, sont des imbéciles. Le résultat des élections législatives du mois de juin suivant montre quel était le rapport de force et ce que toute surenchère aurait donné. Le « gaullo-communisme » reposa à ce moment-là sur une convergence d’analyse, mais persista un divorce sur les voies d’évolution et sur les solutions.

Charles de Gaulle, comme l’a très bien démontré Arnaud Teyssier dans son ouvrage « De Gaulle 1969 », avait entrevu la crise de la civilisation occidentale qui s’avançait à grands pas. Contrairement à ce que l’on a beaucoup entendu, le lancement de sa réforme de « régionalisation » n’avait rien d’un chant du cygne ou d’une volonté de sortir par le haut. Lorsque l’on relit le texte soumis au référendum et les travaux préparatoires, comment ne pas identifier les éléments sur lesquels des compromis avec les communistes auraient pu être mis en œuvre. Au lieu de cela, toujours soucieux d’une union politique avec un PS alors bringuebalant, le PCF milita pour le non et apporta son soutien à la bourgeoisie qui avait décidé de se débarrasser enfin de Charles de Gaulle.

On connaît la suite, d’abord l’élection de Georges Pompidou, avec un Parti socialiste et ses 5 % au fond du trou, où les communistes allèrent le chercher, puis Valéry Giscard d’Estaing poursuivant la destruction du gaullisme avant l’arrivée d’un François Mitterrand fabriqué, construit, porté sur le pavois par le PCF s’apercevant trop tard de son erreur. Mitterrand lui-même sera en 1983 le fourrier du néolibéralisme en France, une tâche que ses successeurs et son parti s’efforceront de mener de

Gaullo-communisme multipolaire…

Ce serait céder à la facilité que de raconter l’histoire quand on connaît la fin. De prétendre que la disparition du PCF, transformé aujourd’hui en officine social-démocrate inepte, était évitable. Et qu’il aurait fallu en 1969 ne pas emprunter la voie de l’union de la gauche et du « programme commun », pour tenter un compromis historique avec de Gaulle. Si l’on pense aux Italiens d’Enrico Berlinguer qui ont emprunté cette voie avec leurs propositions à la Démocratie Chrétienne, force est de constater qu’alors qu’il fut une énorme force politique, le PCI n’est plus rien non plus.

Alors il existe aujourd’hui des orphelins, qui élaborent leur analyse politique du monde, en utilisant un système philosophique hégéliano-marxiste matiné d’une vision gaulliste ou gaullienne de la praxis. Le Général avait parfaitement intégré la nature du politique et probablement intériorisé la définition qu’en donne Richelieu : « le politique c’est de rendre possible ce qui est nécessaire ». Cela implique une grande capacité d’analyse du réel. Celle de de Gaulle était hors norme. Expérience historique aidant, l’auteur de ces lignes essaie d’utiliser ces outils et pense par conséquent se rattacher à cette famille intellectuelle qui n’est en aucun cas une tendance organisée. Simplement une culture qui survit aujourd’hui, souvent traversée par des bouffées de nostalgie pour un temps où les patrons politiques s’appelaient Charles de Gaulle et Georges Marchais.

Pour terminer cette histoire du rendez-vous manqué, donnons la parole à ce dernier : « entre les communistes et les gaullistes, il y a des choses qui ne sont pas liées à des circonstances électorales mais qui sont autrement plus profondes. Il s’agit de l’attachement à la Nation et à sa grandeur, de l’aspiration à voir notre peuple rassemblé pour faire une société plus juste, plus fraternelle au progrès de laquelle participent réellement tous les Français ». C’était en 1974, au moment de la campagne électorale de l’élection présidentielle qui mènera Valéry Giscard d’Estaing au pouvoir. C’était déjà trop tard.

Alors aujourd’hui, ceux qui partagent cette culture politique assistent au grand tournant, au spectacle du combat conduit par la Russie et la Chine pour faire advenir un monde multipolaire fondé sur les Nations et leurs souverainetés. Et constatent que pendant que la majorité mondiale devient gaulliste, la France transformée en petit domestique de l’empire américain unipolaire est le pays le moins gaulliste du monde.

La Russie qui fut socialiste est conduite par un président qui n’a jamais caché qu’il était inspiré par le général de Gaulle. La Chine quant à elle, est dirigée par un Parti communiste de 100 millions de membres.

Vu du Droit