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Andrew Korybko

La Roumanie et la Moldavie, où la France a déjà des troupes et vient de signer un pacte de sécurité qui pourrait bientôt aboutir à la même chose, pourraient facilement lui servir de rampe de lancement pour Odessa.

Le chef des services d’espionnage russe Naryshkin a averti mardi que la France se préparait à envoyer 2 000 soldats en Ukraine, après que M. Macron a déclaré le mois dernier qu’une intervention conventionnelle de l’OTAN n’était pas à exclure. Cette déclaration a également coïncidé avec la confirmation par le plus haut général français que ses forces étaient prêtes à se déployer partout où cela serait nécessaire, ce qui a discrédité la description par le ministère de la Défense de l’avertissement de Naryshkin comme étant de la « désinformation » puisqu’il existe objectivement une certaine vérité dans ce qu’il a dit.

Alors que de nombreux membres de la communauté des médias alternatifs se sont moqués de l’affirmation de M. Macron le mois dernier, un expert russe prestigieux vient de lui donner du crédit dans une interview accordée à Sputnik. Alexander Mikhailov, qui dirige le groupe de réflexion Bureau d’analyse militaro-politique en Russie, a déclaré mardi à Sputnik que « Macron a sans aucun doute accès à la fois au personnel et aux ressources nécessaires pour envoyer des troupes en Ukraine ». Il n’est donc pas invraisemblable d’imaginer que la France puisse intervenir de manière conventionnelle dans ce pays.

Dans ce cas, il s’agirait d’une intervention préemptive ou réactive, unilatérale ou dans le cadre d’une « coalition de volontaires ». En ce qui concerne le premier choix, la France pourrait tenter de le justifier en prétextant qu’elle veut prendre de l’avance avant que la Russie ne réalise une percée sur la ligne de contact, ou elle pourrait simplement attendre que cet « événement déclencheur » se produise. Pour ce qui est du second choix, elle agira soit seule, soit plus probablement en partenariat avec le Royaume-Uni, la Pologne et les États baltes, avec une éventuelle participation de l’Allemagne.

Quels que soient le prétexte et les autres participants, la France cherchera presque certainement à sécuriser la côte ukrainienne de la mer Noire si elle intervient de manière conventionnelle. Elle dispose déjà de plusieurs centaines de soldats en Roumanie depuis le début de l’année 2022, qui peuvent être renforcés en prévision de cette opération, et vient de signer un pacte de sécurité avec la Moldavie au début du mois, qui pourrait l’amener à accueillir des troupes également. Les « Balkans orientaux », qui relèvent de la « sphère d’influence » de la France, peuvent ainsi devenir une rampe de lancement française vers l’Ukraine.

La Roumanie et la Moldavie sont déjà limitrophes de l’oblast ukrainien d’Odessa, dont la capitale éponyme revêt une importance à la fois stratégique et symbolique. C’est le premier port de cette ancienne république soviétique, mais aussi une ville historiquement russe. Il est donc doublement important pour l’Occident de la soustraire au contrôle de Moscou en y envoyant des troupes françaises, membres de l’OTAN, à titre de « dissuasion », au cas où la LOC s’effondrerait ou semblerait sur le point de s’effondrer.

Les drones navals pourraient continuer à menacer la flotte russe dans ce scénario, tandis que les partisans de ce pays pourraient se décourager après avoir réalisé que la réunification avec Odessa serait pratiquement impossible sans déclencher la Troisième Guerre mondiale si cette ville passait de facto sous le contrôle de l’OTAN par l’intermédiaire de la France. Le Dniepr s’étant déjà révélé un obstacle redoutable pour les forces des deux parties au cours des deux dernières années, il est très possible que la France étende sa zone de contrôle le long de la côte de la mer Noire jusqu’à Kherson.

La LOC russo-ukrainienne deviendrait alors une LOC russo-OTAN et pourrait même s’étendre vers le nord en remontant le Dniepr jusqu’à la centrale nucléaire de Zaporozhye, mais les forces françaises pourraient hésiter à traverser le fleuve jusqu’à Zaporozhye et au-delà afin de ne pas surcharger leur logistique militaire. De plus, ce scénario d’intervention étant lié à une éventuelle percée russe, la France pourrait ne pas vouloir risquer d’en venir aux mains avec la Russie sur la rive orientale du Dniepr.

Aussi dangereuse que soit cette séquence d’événements, en raison du risque très élevé que la troisième guerre mondiale soit déclenchée par une erreur de calcul, le bon côté des choses est qu’elle pourrait potentiellement geler les positions de chaque partie le long du front méridional, au moins, et jeter ainsi les bases partielles d’un cessez-le-feu. Les troupes ukrainiennes pourraient également fuir vers l’ouest en traversant le Dniepr si la Russie franchissait la LOC, tout en sachant que leurs ennemis ne les suivraient probablement pas de peur de déclencher la troisième guerre mondiale en se heurtant aux troupes de l’OTAN.

Cela pourrait permettre à la Russie de sécuriser la « zone sanitaire/sécuritaire » envisagée par le président Poutine, dont il a parlé lors de son discours de réélection, ouvrant ainsi la voie à une partition asymétrique de l’Ukraine entre l’OTAN et la Russie, avec une « zone tampon » dans le nord-est de l’Ukraine. Honnêtement, la côte ukrainienne de la mer Noire appartient à la France, mais seulement si Paris a la volonté politique de s’en emparer et si son peuple ne se révolte pas face aux énormes pertes infligées par la Russie qui pourraient s’ensuivre (probablement par le biais de frappes de missiles).

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