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Juan Cole

Le journal israélien Arab 48 fait état de la crise de la conscription qui pourrait provoquer la chute du gouvernement Netanyahou et déchirer la société israélienne.
La Cour suprême israélienne a rendu jeudi soir l’arrêt qui gèle – à partir du mois d’avril – les fonds destinés aux écoles juives ultra-orthodoxes dont les élèves refusent la conscription militaire. Cette décision intervient alors que le Premier ministre israélien, Binyamin Netanyahou, avait demandé à la justice un délai de trente jours afin que son gouvernement puisse parvenir à un accord sur la loi relative à la conscription des Haredim, ou ultra-orthodoxes.
Depuis la création d’Israël, les membres de cette communauté religieuse ont été dispensés de servir dans l’armée et sont subventionnés jusqu’à l’âge de 26 ans pour étudier la Bible hébraïque dans des Yeshiva ou des écoles religieuses.
Arab 48 cite Netanyahou qui a déclaré : « Nous sommes en mesure de réaliser les objectifs de la guerre et de résoudre la question de la conscription ».
Il a ajouté : « Dans ces circonstances, je demande à l’honorable cour de ne pas se prononcer sur la question de la conscription et les questions connexes pendant une période de 30 jours, afin que nous puissions conclure les accords. »
La Cour a rendu une décision provisoire interdisant le transfert de fonds publics aux écoles et séminaires ultra-orthodoxes lorsque les étudiants n’ont pas obtenu de sursis ou n’ont pas été entièrement dispensés du service militaire.
Le décret provisoire entre en vigueur le 1er avril. Le gouvernement a la possibilité de faire appel avant la fin du mois d’avril. Un panel de neuf juges entendra les appels contre la décision au cours du mois de mai.
Quelque 180 000 étudiants de séminaires reçoivent actuellement des subventions du gouvernement, et environ 60 000 d’entre eux verraient leurs fonds supprimés en vertu de ce décret de la Cour, selon l’AP.
L’exemption du service militaire pour les ultra-orthodoxes est devenue extrêmement impopulaire au cours de la campagne israélienne contre Gaza, où quelque 500 soldats ont été tués et des milliers blessés. Le ressentiment s’est accru en partie en raison du taux de natalité élevé chez les ultra-orthodoxes, qui représentent aujourd’hui quelque 13 % de la population israélienne, contre 2 % lors de la création d’Israël. Le fait qu’un groupe aussi important soit payé pour prier alors que d’autres Israéliens se battent et meurent est de plus en plus insoutenable.
La nécessité de subventionner les ultra-orthodoxes, dont beaucoup ne reçoivent pas d’éducation pratique et finissent donc au chômage ou sous-employés, a poussé le gouvernement israélien à soutenir leur relocalisation en Cisjordanie palestinienne, où le gouvernement usurpe des terres palestiniennes pour offrir des logements bon marché à ces fondamentalistes juifs. Quelque 55,8 % des hommes ultra-orthodoxes sont au chômage.
M. Netanyahou se cache derrière sa guerre contre Gaza pour demander de nouveaux délais dans le règlement de la question de la conscription. Certains analystes pensent qu’il prolonge la guerre précisément pour éviter d’avoir à affronter de telles crises politiques.
La Cour suprême a abrogé une loi adoptée en 2015 qui codifiait l’exemption du service militaire pour les ultra-orthodoxes, au motif qu’elle violait le principe d’égalité et de partage des charges entre les citoyens de l’État israélien.
Quelque 66 000 hommes ultra-orthodoxes ont été exemptés du service militaire cette année, et seuls 500 d’entre eux ont choisi de servir malgré tout, selon Shalom Lipner, de l’Atlantic Council.
Cette crise survient à un moment crucial. Le gouvernement Netanyahou a besoin du soutien des partis ultra-orthodoxes pour rester au pouvoir.
Le grand rabbin des Juifs d’origine nord-africaine et espagnole, les séfarades, Yitzhak Yosef, a déclaré il y a quelques semaines que les ultra-orthodoxes quitteraient tout simplement le pays s’ils étaient contraints de servir dans l’armée. De nombreux membres de ce groupe ne reconnaissent pas la légitimité de l’État israélien, insistant sur le fait que les Juifs ne pourront être rassemblés dans un État juif en Terre sainte qu’à l’arrivée du Messie.
M. Yosef a également affirmé que ce sont les prières des ultra-orthodoxes dans les séminaires qui sont à l’origine des victoires militaires israéliennes.
Aryeh Deri, d’origine marocaine et chef du parti ultra-orthodoxe Shas, a dénoncé la décision comme une « intimidation sans précédent des étudiants de la Bible dans un État juif ».
Le parti Shas dispose de 11 sièges au Parlement israélien (Knesset), qui en compte 120, et le parti United Torah Judaism, un autre parti ultra-orthodoxe, en a 7. M. Netanyahou ne dispose que de 64 sièges au parlement et si l’un ou l’autre des partis ultra-orthodoxes, ou les deux, se retiraient en signe de protestation, son gouvernement tomberait, ce qui conduirait à de nouvelles élections.
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