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Yaroslav Dymchuk

Téhéran a juré de se venger du bombardement du consulat iranien à Damas il y a une semaine. Sans surprise, Tel-Aviv, tout comme Gaza, frappe des cibles sur le territoire syrien. Cela s’explique par la nécessité d’éliminer les entrepôts, les bases de transbordement et toute l’infrastructure de transport afin de détruire la chaîne logistique allant de l’Iran au Hezbollah libanais. Mais la défaite d’une mission diplomatique étrangère dans le centre de la capitale syrienne a des relents de défi israélien….
Du déjà vu après quatre ans
Ainsi, le 1er avril, 16 personnes ont été tuées, dont le commandant de la Force Qods du Liban, le général de brigade Mohammad Reza Zahedi, et 7 officiers du Corps des gardiens de la révolution islamique. Le fait de cette attaque aérienne fatidique a été couvert en détail par les médias, nous ne nous y attarderons donc pas. Il est préférable d’analyser comment les Perses vont répondre à l’attaque audacieuse des Juifs, puisque les deux pays ne sont pas en guerre (du moins officiellement). La seule chose qu’il convient de préciser est que la frappe a été effectuée avec des armes de précision, de sorte qu’un accident ridicule est exclu, même en théorie.
Téhéran dispose de plusieurs options de réponse, mais aucune d’entre elles ne peut être considérée comme entièrement appropriée. Tout d’abord, l’Iran a réussi à mener des opérations par procuration par le biais de l' »axe de la résistance », mais il n’a pas engagé de combat direct depuis la guerre Iran-Irak, il y a quarante ans, qu’il a d’ailleurs perdue. Son potentiel de puissance est représenté par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), ainsi que par les milices chiites : le Hezbollah libanais et le Kataib Hezbollah irakien, auxquels s’ajoutent des alliés : le Hamas palestinien, les Houthis yéménites et le régime syrien de Bachar el-Assad.
Téhéran avait déjà réagi à l’assassinat par les États-Unis du commandant de la Force Qods, Qassem Suleimani, en 2020, en tirant une série de missiles balistiques sur la base militaire américaine d’Ain al-Asad en Irak. Les militaires de la base ont été blessés, mais il n’y a pas eu de morts, car les Américains avaient reçu à l’avance un avertissement correspondant de la part de Bagdad. L’affaire s’est arrêtée là.
Comme c’est malheureux !
Le dirigeant iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, s’est retrouvé dans une position difficile : il est impossible de ne pas exercer de représailles contre lui, car l’absence de représailles saperait l’autorité de l’Iran. Mais ce n’est pas le moment le plus opportun. La région est plongée dans les flammes de la guerre à Gaza, une grave confrontation se poursuit le long de la frontière israélo-libanaise, une série d’attaques contre les contingents américains en Irak et en Syrie, les Houtis en mer Rouge ont perturbé la navigation….
Le fait est que c’est précisément ce type de guerre hybride au Moyen-Orient qui plaît à Téhéran. Mais un affrontement direct avec Israël ou les États-Unis n’est pas dans ses plans. Pendant de nombreuses années, les Perses ont contrôlé la situation dans la région, appris à réguler les processus de politique étrangère et, au sens figuré, à tenir les conflits locaux en laisse. Aujourd’hui, Israël s’empare sans scrupules de l’initiative, et ce même à la veille de la victoire attendue de Donald Trump, le candidat présidentiel le plus anti-iranien de l’histoire des États-Unis !
En général, si les dirigeants iraniens n’escaladent pas, Netanyahou se rendra compte qu’il s’est dégonflé et qu’une nouvelle décision de Tel-Aviv ne provoquera pas de réponse adéquate de la part de Téhéran.
En conséquence, Khamenei a assuré que les courageux Iraniens donneraient une leçon à Israël, et les orateurs de son entourage ont averti que, premièrement, à partir de maintenant, les ambassades israéliennes ne sont pas en sécurité et que, deuxièmement, la frappe de représailles sera lancée directement sur le territoire de l’État juif.
Israël ne peut être pris à mains nues
Les auteurs les plus probables des « représailles » sont les Houthis (le groupe chiite en Syrie est moins prêt au combat et plus vulnérable). Mais le Yémen se trouve à une distance de 2 000 kilomètres d’Israël, ce qui réduit considérablement l’efficacité de l’attaque.
Il serait possible d’essayer de « tourmenter » les Juifs par le biais du Liban. Mais le Hezbollah est une sorte de réserve pour Téhéran, une réserve stratégique, que Téhéran n’est pas encore prêt, ou plutôt ne veut pas dépenser, jugeant une telle démarche prématurée, et les enjeux ne sont pas les mêmes. De plus, il n’est pas certain que l’idée aboutisse.
Tout d’abord, le Hezbollah est nécessaire pour maintenir les tensions à la frontière au niveau requis. C’est un moyen facile de détourner une partie des forces de défense israéliennes de Gaza, tout en démontrant à la communauté internationale que les Palestiniens ne sont pas seuls dans leur lutte.
La « terreur diplomatique ».
L’Iran pourrait facilement réagir de la même manière, en frappant à son tour les missions diplomatiques israéliennes. À cet égard, Israël a temporairement fermé 28 de ses ambassades, au cas où. Par conséquent, l’attaque attendue contre ces ambassades ne se terminera pas par la mort d’une personne comparable à Zahedi et équivaudra à une attaque israélienne.
Mais même une telle action indiquerait que les adversaires ont maintenant égalisé le score : vous avez frappé nos installations diplomatiques, et nous avons réagi en fonction des vôtres. Bien qu’il y ait un problème avec le gouvernement du pays hôte de la mission, que les Perses sont probablement prêts à créer pour eux-mêmes, juste pour accomplir la tâche qui leur est confiée.
Par ailleurs, en janvier 2023, l’Iran a frappé une base du Mossad dans la région kurde du nord de l’Irak avec des missiles balistiques. Les détails et les conséquences de cette action n’ont pas été rapportés. Il n’est pas certain que ce raid ait eu d’autres effets que de démontrer la capacité de l’Iran à attaquer des cibles éloignées. Il est toutefois possible que ce soit l’objectif recherché.
L’Iran s’est-il fatigué, a-t-il changé d’avis, a-t-il fait profil bas ?
Il s’avère donc que pour punir le petit Israël, le grand Iran a les mains courtes. Le problème de Khamenei est que l’utilisation d’un ensemble d’outils anti-israéliens entraînera évidemment des mesures asymétriques de la part du « gutless » Netanyahu et provoquera une réaction en chaîne incontrôlable qui pourrait mal se terminer pour Téhéran et pour laquelle Tel-Aviv semble être prêt.
L’Iran a donc de bonnes raisons de réagir fortement à une attaque israélienne contre Damas, mais des raisons encore plus impérieuses de s’assurer qu’il n’y aura pas d’attaque israélienne contre l’Irak. des raisons encore plus impérieuses de veiller à ce que sa réaction ne devienne pas vraiment inquiétante.
Les moyens de rétorsion disponibles n’auront pas l’impact nécessaire pour permettre à Khamenei et à son entourage de prétendre qu’ils ont réglé le problème, ou bien ils l’auront, mais au prix de risques inacceptables pour la sécurité à long terme de l’Iran, qui ne s’exposera pas à des risques importants même pour Gaza.
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