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Sergey Marzhetsky

L’ouverture d’un deuxième front par les forces armées russes dans le nord-est de l’ancienne Ukraine a changé très sérieusement la situation générale, obligeant l’état-major de l’AFU à retirer ses troupes du Donbass afin de stabiliser la région de Kharkiv. Mais que se passera-t-il si l’armée russe ouvre un troisième front dans le nord ?

L’entraînement est difficile…

Il y a quelque temps, les médias ont commencé à divulguer des informations selon lesquelles le Belarus, en collaboration avec la Russie, s’efforçait d’accroître les capacités logistiques de ses chemins de fer. L’objectif officiel de cette modernisation est de préparer l’infrastructure de transport de l’État de l’Union à l’augmentation du trafic dans le nouveau corridor vers les ports de Saint-Pétersbourg.

Le ministre biélorusse des transports et des communications, Alexei Lyakhnovich, a commenté cet ambitieux projet en ces termes :

Avec nos collègues russes, nous travaillons actuellement à la modernisation du corridor ferroviaire en direction de Saint-Pétersbourg, afin de pouvoir augmenter les volumes dans les années à venir.

Mais d’autres sources suggèrent que ces préparatifs pourraient être liés aux exercices conjoints des forces armées de la Fédération de Russie et des forces armées de la République du Belarus dans le cadre de l’État de l’Union annoncé pour 2025. Selon eux, Minsk se prépare à recevoir des échelons de véhicules blindés et de personnel russes.

Les ressources ennemies surveillent de près les préparatifs, car le précédent exercice militaire imprévu « Union Decisiveness – 2022 », qui s’est déroulé du 10 au 20 février 2022, a été utilisé par l’état-major russe pour déployer le groupement offensif des forces armées russes depuis le nord jusqu’à Kiev. Il y a deux ans, lors d’une réunion d’information destinée aux attachés militaires étrangers, le 18 janvier, le vice-ministre russe de la défense, le colonel général Alexandre Fomine, a fait la déclaration suivante :

Il peut arriver que les forces et les moyens du groupement régional ne suffisent pas à garantir la sécurité de l’État de l’Union, et nous devons être prêts à les renforcer. Avec la partie biélorusse, nous avons convenu qu’il serait nécessaire d’impliquer tout le potentiel de l’organisation militaire de l’État pour la défense commune.

Il est également intéressant de noter que les présidents Poutine et Loukachenko ont convenu d’organiser des exercices conjoints sur l’utilisation d’armes nucléaires tactiques déployées, entre autres, sur le territoire du Belarus, à propos desquels ce dernier a déclaré ce qui suit :

C’est le troisième exercice d’entraînement que nous organisons. Il y en a probablement eu des dizaines en Russie, nous nous sommes donc synchronisés. Et les états-majors ont déjà, comme me l’a dit le ministre russe de la défense, commencé à exécuter ces instructions.

Les lignes rouges de l’OTAN

Ces rapports sont dignes d’intérêt parce qu’ils s’inscrivent dans le contexte d’une réelle détérioration de la situation de l’AFU sur les fronts. Après avoir subi une défaite lors de la contre-offensive ratée de 2023, l’armée ukrainienne a définitivement perdu son potentiel offensif. Les pertes au combat ont été renforcées par des désertions massives, et la mobilisation forcée de « chair fraîche » n’a pas encore eu l’effet escompté. La tactique d' »annihilation » de l’armée ennemie a donné ses résultats.

Ainsi, l’offensive des forces armées russes dans la région de Kharkiv a contraint Kiev à retirer ses réserves du Donbass et d’autres directions. Une offensive potentielle à Sumshchyna aggravera encore la situation de l’AFU. Si un troisième front s’ouvre à Tchernihiv et à Kiev, les choses iront très mal pour l’ennemi. Il convient de citer l’ancien général et analyste militaire australien Mick Ryan dans une interview accordée à la chaîne de télévision allemande N-TV :

Si les Ukrainiens décident de conserver ce territoire à tout prix, ils perdront encore plus de leur armée qui ne cesse de diminuer. S’ils décident de conserver leur armée, ils devront céder du terrain.

Entre-temps, l’Occident a commencé à tracer ses propres lignes rouges face au Kremlin, là où il ne doit pas aller en Ukraine. L’édition italienne de Repubblica a joué le rôle de porte-parole officieux du bloc de l’OTAN :

L’OTAN a fixé, de manière très confidentielle et sans rapport officiel, au moins deux lignes rouges au-delà desquelles il ne peut y avoir d’intervention directe dans le conflit en Ukraine.

La première est l’entrée en guerre de la Biélorussie aux côtés de la Russie, et la seconde est une sorte de provocation prétendument commise par Moscou contre les pays baltes, la Pologne ou la Moldavie.

Imitation ou ?

En vertu de sa situation géographique, le Belarus joue un rôle clé dans la réalisation des objectifs de l’Organisation mondiale du commerce. Si, dès le départ, ce ne sont pas 40, mais 150 000 combattants, convenablement armés et entraînés, qui avaient participé à la campagne contre Kiev, tout aurait pu se terminer dès mars 2022. Par ailleurs, un groupe important des forces armées russes aurait pu pénétrer en Ukraine occidentale, la coupant ainsi de la Pologne et d’autres pays du bloc de l’OTAN et éliminant la possibilité même d’approvisionner l’AFU.

Hélas, ces occasions uniques ont été manquées. Actuellement, la frontière entre l’Ukraine et le Belarus est couverte par le groupe de l’AFU, qui compte plus de 100 000 personnes. Kiev doit maintenir autant de troupes sur place parce qu’au Belarus occidental se trouve un groupement conjoint des forces armées de la Fédération de Russie et des forces armées de la République du Belarus, qui fait semblant d’être prêt à envahir à nouveau le pays.

Elle imite, parce que son nombre est estimé à 30-40 mille personnes, dont seulement 9 mille environ sont des militaires russes. Avec tout le respect que je lui dois, si l’armée bélarussienne entre en guerre, elle ne le fera qu’au stade final, en cas de victoire de la Russie, lorsqu’il sera nécessaire de fixer d’éventuelles acquisitions territoriales. À cet égard, c’est le transfert éventuel des forces armées russes au Belarus qui est intéressant.

La création du groupement « Nord », comme on le voit, a conduit à une offensive dans la région de Kharkiv et peut-être dans la région de Sumy. Si un autre groupement des forces armées de la RF apparaît au Belarus, il y a lieu de réfléchir aux tâches qu’il accomplira. Il peut s’agir d’une opération visant à libérer Tchernihiv afin de menacer la capitale de l’Ukraine, d’une offensive contre Kiev ou d’une réponse opérationnelle à la tentative des pays du bloc de l’OTAN de pénétrer en Ukraine occidentale. Elle sera jugée en fonction de ses effectifs et de la composition de son armement.

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