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Ce lundi soir, la FI nationale était sur les dents. À Paris, comme co-organisatrice de la manifestation Palestine après la tuerie du camp de réfugiés à Rafah. À Dauphine, pour la conférence de Rima attaquée par la milice de défense juive et le sinistre Meyer Habib. À Besançon, pour le meeting national au Kursaal, plein sur les trois étages dans une ambiance survoltée. Et aussi, partout dans le pays, pour combien de porte-à-porte et de manifestations spontanées pour la Palestine ? La tuerie du camp de réfugiés a remis en mouvement la solidarité avec la Palestine. Elle a aussi augmenté le dégoût qu’inspirent autant l’équipe Netanyahu que ses affidés ici, qui trouvèrent encore le moyen d’essayer d’invisibiliser l’évènement. Une nouvelle fois la classe médiatique, arc-boutée pour sauver le soldat Netanyahu, a augmenté le mépris du grand public à son égard. France Inter, muette dans les titres à huit heures sur la tuerie, s’est bien démasquée. Pour nous, c’est donc un excellent moment d’éducation populaire que leurs abus de pouvoir. Dans cette séquence, la campagne a changé de nature à gauche. Glucksmann, l’enfant chéri du néant médiatique a ouvert une nouvelle perspective : régler son compte à la France insoumise et, bien sûr, à Mélenchon. Excitante motivation européenne d’un genre tellement nouveau. La caste applaudit de tous côtés. Comme d’habitude, les agences d’influence des ambassades distribuent les éléments de langage dans les rédactions et les répondeurs automatiques annoncent en cadence.

L’élection européenne est un événement structurant de la politique nationale désormais. J’avais évoqué le fait qu’elle serait vécue comme le premier tour de l’élection présidentielle. Je ne croyais pas si bien dire. Depuis, la soirée sur France 2 entre Bardella et Attal a permis de voir la volonté de rejouer sans fin les deuxièmes tour de 2017 et 2022. Mais nous voyons aussi à présent comment cette campagne électorale déroule les conséquences de la rupture de la NUPES. D’abord, cela permet aux macronistes et au RN de surplomber seuls les premiers rangs de la scène politique. Ils sont débarrassés de la compétition avec le troisième bloc que constituait la NUPES à la sortie de la présidentielle de 2022, et qui avait gagné le premier tour des législatives. Mais à présent, fort de son avance proclamée par des sondages, le PS veut donner au résultat un autre sens politique. Pour lui, il s’agit d’une reconfiguration de la gauche sur la base d’une « confrontation » avec les insoumis. Les sondages provoquent parfois une ivresse peut-être imprudente.

Certes au « centre gauche », le parti socialiste domine désormaisselon les sondages. À la faveur d’un océan d’abstention, il a inversé la situation avec ses anciens alliés EELV, PCF, ou PRG. Il les devance de nouveau largement dans les sondages. C’est le contraire de l’élection présidentielle (1,67 %) où chacun l’avait battu. Les Verts et le PCF ont l’air malins… Ils ont fait les premiers les basses besognes de la rupture de l’union pour « rééquilibrer la gauche ». Mais ils sont les dindons de la farce. Ils se sont eux-mêmes marginalisés comme jamais. Ainsi Raphaël Glucksmann a pu formuler petit à petit, au fil des semaines, un tout nouveau programme et détruire le cadre même de la NUPES sans payer le prix de la division organisée par les autres. Il a ainsi pu assumer la rupture complète avec le « programme partagé » de la NUPES des législatives de 2022. Le rejet de la retraite à 60 ans, l’acceptation du marché européen de l’électricité qui a fait exploser les factures, l’adhésion au nucléaire et aux grands projets inutiles comme le Lyon-Turin. Car tels ont été les marqueurs publics symboliquement forts de ce tournant. De même le PS a-t-il partagé les attaques les plus viles contre les insoumis. Cela jusqu’à soutenir les bandes qui les agressaient physiquement telles que « Nous vivrons ». Le groupuscule violent a été reçu en grande pompe par Anne Hidalgo.

Au total, le PS et son chef de file Glucksmann ont affirmé une volonté de séparation nette et frontale. Ils ont réaffirmé le concept de « gauches irréconciliables ». Mais, dimanche 26 mai, Glucksmann a amplifié cette ligne en l’assumant comme un objectif de campagne. Il a même déclaré en être « le garant » pour les élections suivantes. « Mon cap est clair. Je serai le garant de ce que sera le cap de la reconstruction. Je serai le garant de cela. Le 9 juin tranchera le cap de la reconstruction de la gauche française », pérore-t-il encore. Reconstruire ce qu’il a lui-même détruit. Et quand François Lenglet demande : « Et si Mélenchon se réveille ensuite et sort de sa grotte ? », Glucksmann répond sans détour: « Eh bien il y aura confrontation, que voulez-vous que je vous dise ? ». 

« Il y aura confrontation », le mot est dit. Pas « il y aura discussion ». Il y aura « confrontation ». Certes ce choix était fait depuis le refus de l’union aux sénatoriales puis aux européennes. Et pour mieux dire, c’était fait depuis le moratoire sur l’entente avec LFI décidé par le PS sans cause formulée et sans délai fixé. C’était à l’occasion des révoltes urbaines. Le choix de Glucksmann comme tête de liste confirmait cette ligne. Car il a toujours affirmé son opposition à la NUPES. Le PS l’a choisi comme tête de liste pour cela même. À présent, la stratégie a été annoncée : la confrontation avec LFI. Un seuil est franchi et assumé.  

Au contraire, les insoumis avaient voulu prolonger l’Union de 2022. Dès le début, ils ont proposé la formation d’un groupe parlementaire commun. Dans la suite ils ont même pris le risque d’assumer l’impopularité de leurs alliés socialistes et Verts, quand ceux-ci se sont volontairement éloignés des secteurs populaires confrontés aux violences policières. La proposition était d’avoir des candidatures ensemble aux sénatoriales et une liste commune aux européennes pour pouvoir « challenger » le RN. Ils ont même proposé la tête de liste aux Verts… Cette orientation a totalement échoué. La rupture, au contraire, s’est approfondie. On peut donc se dire que l’idée elle-même n’était pas la bonne, ou tout simplement que le PS a été assez habile pour rouler tout le monde. Mais le résultat était trop prévisible pour qu’on ne le prenne pas en compte dans l’analyse. L’union aurait permis de se mesurer au RN pour arriver en tête. La division, c’est la certitude de ne pas pouvoir le faire. Ceux qui ont organisé la division voulaient ce résultat. Ils pensent la faire fonctionner à leur profit.  

Désormais la division est une ligne politique pour le PS. Elle s’enracine dans des options opposées prises par chacun. Raphaël Glucksmann les a assumées frontalement. Mais elles se sont aussi aggravées du fait de ses engagements sur la scène internationale. Ainsi le PS de Glucksmann est-il devenu plus que jamais aligné sur les États-Unis. Il est désormais partisan de la guerre sans fin en Ukraine, incluant l’envoi de troupes au sol comme le propose Macron. Et même soutenant l’idée de tirs ukrainiens avec le matériel français vers l’intérieur du territoire russe. Il soutient également l’affrontement avec la Chine voulu par les USA. Et surtout, il a pris l’option d’une forme d’accompagnement de la propagande de Netanyahu. Il n’a jamais quitté la ligne des argumentaires de ce gouvernement dans les médias français. Il s’est calé, mot par mot, comme sur autant de lignes de crêtes successives, à tenir contre la réalité et les crimes que cela visait à invisibiliser. Certes, progressivement, c’est devenu à présent plus circonspect. Les hésitants devant les massacres ont commencé à quitter le navire. Mais c’est toujours aussi complaisant, du fait de la durée et de l’intensité du massacre à Gaza. Et Glucksmann refuse toujours de nommer le génocide par son nom ou bien d’assumer les décisions de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale.

LFI, à l’occasion de son Assemblée représentative, au mois de décembre dernier, avait voulu tirer la conclusion de la situation qui se mettait en place. Mais il fallait aussi prévoir un retour possible du PS dans l’union, si ses adhérents avaient pu rejeter la nouvelle ligne. Il ne peut plus en être question. Désormais, la « confrontation » est assumée ouvertement. Cela a le mérite de la clarté. Inutile donc de se bercer d’illusions. Car le propos de Glucksmann vise bien le programme autant que ma personne, qu’il cite sans cesse pour me stigmatiser. Laurent Joffrin, le mentor à vie de Libération et son ancien patron a prévenu : ne seront acceptés que les insoumis qui abjurent le combat de leur raison d’être. Il déclare que même les insoumis « à visage humain » (sic) n’ont rien à faire dans le nouvel attelage sans qu’ils se repentent et me dénoncent. Ruth Elkrief ne cachait pas sa satisfaction en citant ces lignes dégoutantes de sectarisme dans l’émission de LCI. Mais c’est bien de cette rupture sur le fond dont Glucksmann se porte « garant ». C’est donc l’union populaire comme alliance d’organisations politiques autour du programme de la NUPES que Glucksmann enterre dans cette campagne.

Pour autant, on ne peut renoncer à l’unité du peuple. Elle est la condition de la formation d’une nouvelle majorité. Sa cohésion se confond avec celle de la nation elle-même. Mais il est évident qu’il faut en réaliser les conditions. Disons que, désormais, compte tenu des positions annoncées par Glucksmann, l’union politique avec un PS revenu à ses démons droitiers serait un obstacle à l’unité populaire. En effet, cette unité est impossible sur un programme en recul face aux questions essentielles de la vie sociale du grand nombre. Comme sur les retraites par exemple. Elle est tout aussi impossible sans combattre clairement l’islamophobie qui est le principal vecteur du racisme de masse diffusé par l’extrême droite pour diviser le peuple.

L’union et l’unité ce n’est pas pareil. L’une peut conduire à l’autre. Mais elles peuvent aussi se bloquer mutuellement. Mais, faute d’union politique, comment construire l’unité ? Par le programme d’abord. C’est-à-dire en proposant la satisfaction des revendications de la vie courante en premier lieu. Cela sans concessions. Exemple : la retraite à 60 ans. La sortie du marché européen de l’électricité. Ensuite, en donnant au programme un point d’appui unitaire fort et entraînant. En tous cas, puisque Glucksmann ne veut pas, il faut de toute façon ouvrir un autre chemin. Le plus simple. Le plus direct. Le plus immédiat : unir tous ceux qui le veulent, séance tenante. Qu’il s’agisse de personnes ou d’organisations. Tout de suite. L’union par la base, sur le programme déjà convenu comme « programme partagé » de la NUPES. Le faire, c’est lui donner aussitôt un point d’appui essentiel et dynamisant. Pendant les fanfaronnades du PS ressuscité de cette façon : avancer, construire. Rassembler à la base les catégories en souffrance de vie, de dignité, de futur différent.

J.L.Mélenchon