Juan Cole

Le sénateur Bernie Sanders s’est montré cinglant à l’égard de l’invitation faite par les dirigeants du Congrès au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à s’adresser à eux. M. Sanders a qualifié M. Netanyahu de « criminel de guerre » et a déclaré qu’il boycotterait l’événement. Le procureur général de la Cour pénale internationale de La Haye a demandé des mandats d’arrêt contre M. Netanyahu et son ministre de la défense, Yoav Gallant, pour avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à Gaza. Sanders a salué la demande de la CPI. La guerre totale de Netanyahou contre Gaza a tué plus de 36 000 personnes, dont 70 % de femmes et d’enfants.

M. Sanders a raison de s’indigner. Mais il y a longtemps que le Congrès américain demande à des criminels de guerre et à d’autres types de criminels de s’adresser à lui. Sans parler des crimes de guerre que le Congrès a lui-même commis, comme l’autorisation illégale qu’il a donnée en 2002 à George W. Bush d’envahir l’Irak, une invasion qui a tué des centaines de milliers de personnes et en a déplacé 4 millions d’autres, et qui a laissé le pays dans un état lamentable jusqu’à aujourd’hui.

En 1959, le Congrès a invité le roi de Belgique, Baudouin, à s’adresser à lui. Il avait été le souverain du Congo dans les années 1950. Sous son règne, des milliers d’enfants métis ont été enlevés par les autorités belges et transportés en Belgique pour y être adoptés. Le régime belge au Congo était brutal et autoritaire. Baudouin a ensuite accepté l’indépendance du Congo en 1960, mais a été complice (un an après son discours au Congrès) du renversement et de l’assassinat du premier dirigeant post-belge, Patrice Lumumba. La CIA américaine l’a aidé.

En 1978, Anwar El Sadat et Menachem Begin se sont adressés au Congrès. Begin était un criminel de guerre et, d’une certaine manière, l’inventeur du terrorisme moderne au Moyen-Orient. Dans les années 1940, il a commandé le groupe terroriste Irgoun Zvai Leumi dans la Palestine sous mandat britannique. Il est à l’origine de l’attentat à la bombe contre l’hôtel King David à Jérusalem en 1946, afin de frapper les services secrets britanniques, qui avaient un bureau dans l’hôtel. L’attentat à la bombe a tué des dizaines de civils innocents. L’Irgoun de Begin est également responsable du massacre de plus d’une centaine de villageois palestiniens innocents à Deir Yassin en 1948, une action qu’il a justifiée et dont il s’est vanté dans son autobiographie : « Nos hommes ont été contraints de se battre pour chaque maison ; pour vaincre l’ennemi, ils ont utilisé un grand nombre de grenades à main. Et les civils qui n’avaient pas tenu compte de nos avertissements ont subi des pertes inévitables ». Il existe une longue tradition de terroristes israéliens qui menacent d’attaquer les gens et tentent de les forcer à quitter leurs maisons, puis les accusent d’avoir été massacrés parce qu’ils ne se sont pas laissés expulser.

En 1989, le Congrès, dans sa sagesse, a décidé de s’adresser à l’homme fort de la Corée du Sud, Roh Tae-woo, qui avait organisé le coup d’État de 1979 dans ce pays. En 1980, il avait été complice de l’écrasement des manifestations en faveur de la démocratie à Gwangju. Il a ensuite volé des centaines de millions de dollars de fonds de campagne. Roh Tae-woo était une sorte de Donald Trump sud-coréen et le fait qu’il soit si populaire auprès du Congrès était peut-être un signe qu’en 1989, le pays s’engageait déjà dans une mauvaise direction.

En 2016 et à nouveau en 2023, le Congrès a laissé l’odieux Narendra Modi de l’Inde souiller ses couloirs. Genocide Watch explique : « En 2002, un carnage antimusulman a embrasé l’État indien du Gujarat, tuant au moins 1 000 personnes. La plupart des victimes étaient des musulmans. Le ministre en chef du Gujarat était Narendra Modi, membre de longue date du groupe extrémiste hindou RSS. Il a ordonné à la police de ne pas arrêter les massacres ». La BBC a réalisé un excellent documentaire sur le massacre, que l’Inde a interdit.

Beaucoup d’autres personnes peu recommandables ont arpenté les couloirs de la législature nationale. Je ne suis pas sûr qu’aucun d’entre eux ait tué autant d’innocents que Netanyahou, le boucher de Gaza.

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