par Edouard Husson

Emmanuel Macron entend bien phagocyter les derniers jours de la campagne européenne. Le thème d’une coalition d’instructeurs militaires de différents pays pour aider l’armée ukrainienne est l’arme fatale que le président français entend agiter, faisant le pari qu’aucun des candidats « établis » n’osera le défier sur le terrain de l’Ukraine.

La tête de liste du parti présidentiel est-elle à la peine? Qu’à cela ne tienne, Emmanuel Macron pense tenir l’arme qui relativisera tout mauvais résultat de Renaissance aux Européennes! Pendant que la classe politique s’indigne devant la question de savoir si une une intervention télévisée présidentielle ne devrait pas être décomptée du temps de parole de la liste « Besoin d’Europe », le locataire de l’Elysée est déjà beaucoup plus loin dans la réflexion tactique….

Après l’agitation sur le potentiel envoi de troupes françaises en Ukraine, voici venu la vague des petites phrases sur « une coalition d’instructeurs » pour aider l’armée ukrainienne.

Pour bien comprendre l’enjeu, on rappelle ici d’emblée que des instructeurs français et occidentaux, il y en a déjà, comme en fait état un article paru il y a deux jours dans Valeurs Actuelles. Les Russes le savent. Emmanuel Macron cherche donc autre chose avec ce débat.

Profanation des commémoration du débarquement

Citons le JDD, dont le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas critique du tout de ce qu’envisage le président français:

Les autorités françaises cherchent à monter une coalition de pays volontaires pour former, sur place, les forces ukrainiennes assiégées par l’armée russe. Ce projet, souhaité par la France et poussé par Emmanuel Macron, est discuté depuis quelques jours entre les dirigeants européens. Mais de nombreux pays s’interrogent sur ses conséquences vis-à-vis de Moscou, rapporte LCI.

Les consultations à ce sujet devraient s’accélérer dans les jours à venir, pour permettre une éventuelle annonce lors de la venue en France du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à l’occasion des 80 ans du débarquement en Normandie, les 6 et 7 juin. Emmanuel Macron aimerait en profiter pour dévoiler les contours de cette initiative, trois mois et demi après avoir affirmé ne pas exclure d’envoyer des renforts militaires occidentaux sur le territoire ukrainien, le 26 février.JDD, 4 juin 2024

Tout Français se souvenant des combats de la Résistance et de la grande alliance, incluant l’URSS, qui a détruit le nazisme, éprouve un haut-le-coeur devant l’instrumentalisation des commémorations du débarquement. Que vient faire Monsieur Zelensky en France à cette occasion, lui qui a oublié le combat commun des Ukrainiens et des Russes pour détruire la Wehrmacht et la SS?

Macron s’en moque, il n’a en l’occurrence que des considérations tactiques

Il faut sauver le soldat Hayer

Ce que voit Emmanuel Macron, en pratique, c’est qu’il tue la fin de campagne des élections européennes. Il fait le pari que Jordan Bardella, Marion Maréchal, François-Xavier Bellamy ni Léon Deffontaines ni Manon Aubry n’oseront pas l’attaquer sur le terrain de l’Ukraine.

Ils auront tort, bien entendu: ils auraient beaucoup de voix à gagner s’ils avaient le courage de nommer devant les Français le jeu très dangereux que joue le président de la République.

Comme les médias ne parleront pas d’autre chose, le piège se referme sur tous ceux qui ont abandonné la voix de l’indépendance française.

Bien entendu, on n’exagérera pas la portée de cette manipulation. Mais admettons que Madame Hayer bénéficie d’un réflexe de « soutien au président en place qui nous protège dans une sitaution internationale dangereuse »: disons 1,5 ou 2 points. Et que Jordan Bardella rate par la même occasion la marche des 30%….

Et puis, le plus important pour Emmanuel Macron est de neutraliser autant que possible, les commentaires sur une défaite de la majorité présidentielle dimanche soir et au début de la semaine prochaine….

Une petite manœuvre franco-française dérisoire face à la mort de ces soldats ukrainiens qui sont plusieurs centaines à mourir chaque jour de ce que les Etats-Unis et l’Union Européenne ne veulent pas arrêter cette guerre….

le Courrier des Stratèges